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mercredi 4 décembre 2019

La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos par Christelle Dabos

La tempête des échos


La Passe-Miroir Livre 4


Christelle Dabos


La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos / Christelle Dabos


Que dire ? Comment commencer ? Des années de lecture, des années d’attentes, et enfin il est là. Le tome 4 de La Passe-Miroir, cette série qui a traversé mon adolescence depuis 2013. J’attendais ce roman avec une telle impatience que je comptais les jours qui me séparaient du 28 novembre 2019. Lorsque jeudi j’ai eu le livre entre les mains, j’ai attendu jusqu’au vendredi soir pour m’y plonger, afin de ne pas être dérangée dans ma lecture et de pouvoir lire les cinq cent et quelques pages d’un coup si cela me chantait. Bien m’en a pris. A quatre heures du matin, les joues mouillées de larmes, j’avais terminé les aventures d’Ophélie et Thorn.

J’essayerai de ne pas inclure de spoilers dans cet article, mais je recommande vivement à ceux qui n’ont pas encore lu les précédents tomes de La Passe-Miroir d’éteindre leur ordinateur et de courir entamer leur lecture.

Une fois de plus, Christelle Dabos parvient à nous emporter dans une histoire totalement inattendue et pleine de rebondissements. En effet, pour approcher au plus près du secret d’Eulalie Dilleux, de la Déchirure et de sa propre identité, Ophélie se fait admettre à l’Observatoire des Déviations de Bablel, un établissement où sont notamment examinés ceux qui n’entrent pas dans les codes de la cité. Les inversés comme elle sont particulièrement recherchés. Mais dans cette aventure, Ophélie ne sera pas seule. Malgré son déguisement de Lord de Lux, Thorn fait équipe avec elle, et c’est un vrai plaisir d’assister à leur travail en équipe et à leur vie de couple si peu conventionnelle.

La tempête des échos n’est pas un tome facile. Bien qu'emportée par la magnifique plume de l’autrice, je me suis malgré tout demandé à certains moments de ma lecture si j’avais bien tout compris de l’intrigue. En effet, le secret de l’univers de La Passe-Miroir n’est pas à la portée du premier apprenti venu, et il faut s’accrocher au moindre indice pour ne pas perdre le fil de l’histoire. Mais une fois que les pièces du puzzle se mettent en place, tout devient clair et limpide, et c’est un vrai plaisir de comprendre enfin pleinement cet univers.

Ce tome 4 est également l’occasion de revenir avec plus de détails sur certains thèmes qui traversent l’œuvre et dont nous saisissons toute l’importance dans ce livre.

Il y a notamment la violence et la contrainte dont on est prêt à user pour faire respecter sa vision du bien, notamment à travers Lady Septima, déterminée à exclure tous les étrangers de la cité de Babel, ou Lazarus, un explorateur en apparence inoffensif mais capable de sacrifier des vies humaines pour ses recherches ou ses inventions. De manière générale, le rejet de ce qui est différent, non-conforme à une norme établie, est un sujet souvent traité au fil des tomes. Au Pôle, Thorn était méprisé pour être né d’un adultère. A Babel, les citoyens sont capables d’être internés pour une orientation sexuelle (comme pour Blasius) ou parce qu’ils présentent une « anomalie » dans leur pouvoir.

Cela m’amène à évoquer le lieu principal de cette intrigue : l’Observatoire des Déviations. Cette sorte d’institut, d’hôpital m’a glacé le sang. J’y ai ressenti le profond malaise d’Ophélie et des pensionnaires, la terrible sensation d’être pris au cœur d’un système sans queue ni tête, où le patient est réduit au stade d’un enfant soumis à ses médecins. J’ai l’impression que Christelle Dabos a voulu dépeindre dans ce roman la violence dont pouvait faire preuve le corps médical et les dérives de certaines expériences. En effet, le but de l’Observatoire n’est pas de soigner leurs patients, mais de les utiliser à des fins despotiques.

Dans cet étrange lieu, au multiples couches, Ophélie va véritablement au bout d’elle-même, puisqu’elle découvre enfin le secret de son identité. J’ai rarement vu un personnage aussi malmené ! Tout au long de l’intrigue la jeune femme est forcée de remettre en question son identité, ses valeurs, ses choix. Pour survivre au Pôle, elle a dû lutter contre sa timidité et son attitude réservée. Pour vaincre l’Autre, Ophélie doit interroger son être profond, sa propre personne. La suivre dans ses découvertes est vraiment passionnant et déroutant. A la fin de ce tome, nous réalisons l’incroyable chemin qu’elle a parcouru depuis le moment où nous l’avons pour la première fois vu franchir un miroir dans les Archives Familiales d’Anima.

Thorn aussi est un personnage qui évolue de façon considérable. Ce tome 4 nous permet pendant de brèves parenthèses de suivre son point de vue. Nous avons notamment droit à des flash-back de son enfance, ou à des explications sur la façon dont il est parvenu à s’échapper du Pôle. Il se montre également plus expansif, il exprime davantage ses sentiments. Il est un soutien indéfectible pour Ophélie. Ces deux protagonistes m’ont énormément touchée. Nous comprenons que Thorn désire simplement être utile à quelqu’un, se sentir aimé, accepté.

A travers ces personnages principaux, Christelle Dabos semble aussi nous montrer combien le corps peut être une source de fardeau, de handicap. Thorn, avec sa jambe articulée, porte le signe criant de son infirmité physique. Il ne peut dissimuler ce qu’il considère comme une faiblesse, et en ressent de la honte et de l’agacement. Le fait qu’il ait de plus en plus de mal à contrôler ses griffes renforce le dégoût qu’il éprouve pour lui-même. Le moment où il parvient enfin à s’accepter grâce au regard de sa cousine Victoire m’a profondément émue. Il est rare dans les romans jeunesse de voir des personnages masculins ressentir un dégoût profond pour leur apparence physique. La question des complexes est en effet souvent réduite au personnage féminin.

Ophélie aussi perçoit son corps comme un fardeau, une entité qui ne lui obéit pas et qui la trahi. Outre sa maladresse légendaire, la jeune femme découvre avec tristesse qu’elle ne pourra jamais avoir d’enfant. Ce droit à la maternité qu’elle s’est involontairement retiré en libérant Eulalie du miroir la marque de manière aiguë et la fait se sentir coupable, incomplète. Là encore, le soutien de Thorn est bienvenu.

Les autres personnages que nous connaissons, bien que moins présents qu’Ophélie et Thorn, sont malgré tout évoqués. Victoire effectue une belle évolution, puisqu’elle parvient enfin à nouer un lien fort avec le monde extérieur. J’ai été ravie et touchée de voir que Berenilde accède enfin à ce qu’elle a toujours aspiré : une famille. Le fait que tous les animistes, notamment la tante Roseline et le grand Oncle soient présents pour la bataille finale m’a enchantée !

Tous les esprits de famille sont également présents dans le Mémorial, notamment Farouk et Artémis. Farouk montre encore une fois sa clairvoyance supérieure à celle de ses frères et sœurs.

Les personnages que j’aurais peut-être aimé voir davantage sont sûrement Gaëlle, Renard et Archibald, mais Christelle Dabos parvient à consacrer plusieurs chapitres à leur périple sur Arc-en-Terre, nous permettant de rencontrer Don Janus, le seul esprit de famille à avoir conservé sa mémoire. Mais l’autrice gère plutôt bien le temps imparti à chacun de ses personnages, tout en concluant son intrigue complexe. J’ai simplement du mal à quitter son univers.

Jusqu’aux dernières pages, Christelle Dabos parvient à nous faire avoir des frissons ! Et cette fin, cette fin !! Au début, je n’étais pas sûre de l’apprécier. J’avais envie de voir si Ophélie allait concrètement retrouver Thorn pour de bon, d’assister à leur vie future… Je ne voulais pas quitter la jeune femme maintenant, sur un passage de miroir !

Mais finalement, après m’être mouchée et essuyé les yeux, j’ai réalisé que cette fin était une fin magistrale et typique de La Passe-Miroir.

En effet, de mon point de vue, il est évident qu’Ophélie retrouve Thorn lorsqu’elle franchit ce miroir. Elle affirme « Nous reviendrons » à Archibald, avec ce ton assuré qu’elle emploie lorsqu’elle s’apprête à résoudre une difficulté. De plus, la chanson dans la boutique, évoquant la fugacité de l’amour, mais également sa capacité d’apparaître là où on ne l’y attend pas, sont significatifs. Enfin, les mots de Thorn, « Un peu plus que cela même. », écrit en italique comme lorsqu’Eulalie s’adresse à Ophélie depuis l’Envers, me font penser que c’est lui-même qui s’adresse à son épouse, ou du moins qu’il est toujours vivant ! Il a survécu au passage dans la Corne de l’abondance, il peut attendre qu’Ophélie trouve le moyen de revenir dans l’Envers.

Si j’ai considéré cette fin comme typique de la série, c’est parce que j’ai trouvé qu’elle laissait une grande liberté au personnage. En effet, comme l’explique Thorn, Ophélie ne cesse de vouloir acquérir son indépendance. Faire se terminer la saga sur son nouveau départ peut paraître frustrant, mais dans le même temps laisse libre notre imagination. Christelle Dabos nous a donné suffisamment de pistes de réflexions pour faire nos propres scénarios.

Ainsi, d’une certaine façon, les aventures d’Ophélie et Thorn ne sont jamais véritablement terminées. Même si nous ne pourrons plus jamais découvrir cette série, il nous sera toujours permis de redécouvrir La Passe-Miroir, d’en explorer les recoins cachés en retraversant le miroir et en replongeant dans ces romans chaque fois que nous le voudrons.

Je ne dis donc pas adieu à Ophélie, mais à bientôt dans une prochaine session de relecture, au cours d’un été brûlant ou d’un hiver venteux. Je veux également la remercier, pour m’avoir tant transportée, fait vibrer, émue au fil des pages, au fil des passages de miroirs. Merci à elle de m’avoir fourni de la force dans l’adversité, un modèle auquel m’identifier, une héroïne à citer.

Et merci surtout à sa créatrice, Christelle Dabos, dont la plume, l’imagination et le talent auront marqué un chapitre décisif de ma vie de lectrice. J’espère que son parcours dans l’écriture sera toujours aussi florissant, et je serai au rendez-vous si elle publie un nouveau roman. (Ou un essai, ou une BD, ou même sa liste de course!)

Que l’écharpe soit avec vous !

Un peu plus que cela même.

La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos de Christelle Dabos publié aux éditions Gallimard Jeunesse.

Le site de l'autrice: ici
La très bonne et émouvante vidéo de Bulledop, qui a contribué à faire connaître la série :


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