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lundi 4 mai 2020

Romance d'Arnaud Cathrine

Romance

Arnaud Cathrine


Romance/ Arnaud Cathrine


Vince, 17 ans, ne rêve que d’une chose : vivre une grande histoire d’amour. Mais difficile d’atteindre cet objectif lorsque l’on est homosexuel et que le seul autre gay de notre lycée ne nous attire pas spécialement. Alors Vince attend, il observe les garçons dans le métro, et note dans un carnet une description de ceux qui retiennent son attention, qu'il surnomme ses « garçons volés ». Toute sa vie bascule lorsque ses sentiments envers son meilleur ami d’enfance changent. Peut-être Vince va-t-il vivre enfin sa première histoire d’amour...

Ce roman d’Arnaud Cathrine est une claque, un uppercut d’émotions. Dès les premières pages, avec son écriture tranchante, brutale et crue, il parvient à nous faire nous attacher au personnage de Vince. Comme lui, nous ressentons de la colère face à l’homophobie ordinaire, aux insultes dont il est victime. Comme lui, nous ressentons la solitude et le désir de rencontrer un être unique, parfait, de faire l’amour, de vivre une grande histoire bouleversante.

Arnaud Cathrine parvient à rendre de façon crédible le langage des adolescents, les pensées, les doutes et les envies qui peuplent notre imaginaire. J’ai eu plaisir à voir se développer les relations entre les protagonistes, la naissance de cette histoire d’amour si particulière, les beaux moments que les deux jeunes gens ont vécu ensembles.

En peu de pages, l’auteur parvient également à nous montrer la brutalité de la réalité, la difficulté d’assumer son homosexualité, la violence que l’on peut subir, et la douleur du premier vrai chagrin d’amour.

Arnaud Cathrine aborde aussi une facette de notre sexualité souvent peu évoquée : celui de la recherche, du fait que parfois on puisse faire des expériences avec des filles ou des garçons, par curiosité, sans véritable attirance. Sans porter de jugement, il illustre bien la douleur que cela peut susciter lorsque le partenaire au contraire s’attache à la personne, et souligne donc l’importance du fait d’être au clair dans ses intentions, de ne pas cacher ses véritables motivations, de ne pas jouer avec les sentiments d’autrui.

Avec le point de vue de Vince, nous comprenons également la douleur que peut ressentir une personne lorsqu’elle se rend compte que l’autre ne l’aime pas de la bonne manière. L’attachement et la dépendance de Vince vis à vis de son ami est de plus en plus perceptible au fil des pages.

Avec ses chapitres courts, Romance nous happe et nous ne pouvons nous empêcher de lire. Cette histoire d’amour se vit pleinement. Même si elle n’est pas toujours belle, elle est à découvrir absolument !

Romance d’Arnaud Cathrine aux éditions R-jeunes adultes.

mardi 24 mars 2020

Bonus #3

Bonus #3


En ces temps d'épidémie, il est important de garder contact avec ses proches, via les appels téléphoniques, les SMS, les lettres. Je partage ici les dessins qu'une amie très chère m'a transmis par mail. Ceux-ci sont la démonstration de notre amitié aussi efficaces que tous les mots, rires et confidences que nous pouvons échanger.


Hermione Granger d'Harry Potter par Poohnie



Ophélie de La Passe-Miroir par Poohnie.
 Les précédents dessins de Poohnie sur ce blog ici et

Son profil sur Deviant Art: ici

lundi 9 mars 2020

Le matin de Neverworld de Marisha Pessl

Le matin de Neverworld

Marisha Pessl


Le matin de Neverworld/ Marisha Pessl


Après la mort de son petit-ami Jim dans des circonstances inexpliquées, Béatrice s’éloigne de son groupe d’amis, et mène une morne existence auprès de ses parents. Ne pouvant cependant trouver la paix, elle décide d’aller confronter ses amis un soir de tempête, pour en apprendre davantage sur leur rôle dans cet évènement tragique. En effet, ils semblent cacher un secret. Mais, alors qu’ils sont tous en voiture, ils sont percutés par un chauffard ivre et se retrouvent piégés dans le Neverworld, une faille dans l’espace temps, où ils revivent indéfiniment la même journée. Coincés entre la vie et la mort, le seul moyen de sortir de cette boucle temporelle est de voter pour qu’une des personnes revienne à la vie, tandis que les autres mourront pour de bon.

J’ai entendu parler de ce roman sur la chaîne d’Audrey-Le Souffle desMots. Ce livre est pour elle une assez bonne lecture, bien que son avis soit plutôt mitigé, et qu’elle ait moins apprécié sa lecture que ce qu’elle avait prévu. Le résumé du roman m’intriguait cependant, et lorsque je l’ai vu en bibliothèque, j’ai sauté sur l’occasion !

Je suis plutôt satisfaite de cette découverte. Tout d’abord, j’ai beaucoup aimé découvrir le fonctionnement du Neverworld. L’autrice parvient à mettre en place différentes étapes très pertinentes. Dans un premier temps, les personnages nient la réalité, en ne voulant pas croire qu’ils puissent véritablement être coincés dans une même journée. Ensuite, certains d’entre eux profitent du fait qu’ils puissent agir en toute impunité pour commettre les délits les plus atroces, en ayant l’assurance que leurs victimes oublieront tout le lendemain. Enfin, ils vont peu à peu percer les secrets de ce monde et les mettre à profit pour tirer au clair les circonstances de la mort de Jim.

/!\ spoiler ! Le Neverworld est bien plus qu’une simple boucle temporelle, c’est également un univers basé sur un roman, que l’un des autres personnages, Martha, ne cesse de relire. Cet ouvrage, constitué d’univers parallèles et de voyages dans le temps, donne plus d’épaisseur au monde décrit, et permet ainsi aux protagonistes de voyager dans le temps, toujours sur une seule journée, pour progresser dans leur enquête. Ce procédé m’a semblé très ingénieux, car non seulement on en apprenait davantage sur les circonstances de la mort de Jim et le passé des personnages, mais en plus le Neverworld et son aspect fantastique n’étaient pas mis de côté. L’autrice parvient donc à gérer ses deux tableaux : l’enquête policière et la dimension surnaturelle de son roman.

L’histoire est aussi bien menée. Il n’y a pas de moments de flottements, les actions s’enchaînent, et les retournements de situation arrivent presque toujours à nous surprendre. La fin a certes un côté prévisible, mais dans le même temps l’autrice parvient à instaurer un retournement de situation inattendu.

L’intrigue, la charpente et le déroulement de l’histoire sont donc pour moi les gros points forts de ce livre. Cependant, un bémol m’a dérangée tout au long de ma lecture : les personnages. Ce point a déjà été abordé par Audrey dans sa vidéo, et je la rejoins sur l’idée qu’aucun des protagonistes n’est véritablement appréciable. En effet, les amis de Béatrice apparaissent pour la plupart comme des adolescents insouciants et écervelés, qui bénéficient d’une vie facile grâce à la richesse de leur famille. Jim, la victime de l’histoire, semble dès le début n’être pas du tout le prince charmant et le garçon merveilleux décrit par la jeune fille et son entourage. Quant à l’héroïne, elle laisse transparaître parfois une naïveté qui frise la bêtise, bien que la fin du roman donne plus de profondeur à son personnage.

Cela place donc la lecture dans un angle particulier. En effet, cette idée de vote pourrait instaurer un enjeu émotionnel, si nous craignions pour la vie d’un de nos personnages préférés. Or, ici, puisque aucun ne suscite vraiment notre sympathie, notre attente du résultat du vote tient plus de la volonté de voir réaliser notre prévision.

De plus, les protagonistes sont parfois stéréotypés. Béatrice représente la gentille fille, Whitney la belle adolescente colérique, Carton le génie de l’informatique, Martha, le rat de bibliothèque à l’intelligence surdimensionnée, Jim, le faux prince charmant et Kipling le meilleur ami de l’héroïne. Cependant, l’autrice parvient à la fin à jouer avec cette image clichée des personnages lors d’un des retournements de situation de la fin, en mettant en perspective nos propres a priori sur eux. Mais cette remise en question intervient vraiment tard dans le roman, et n’annule pas véritablement l’impression qu’ils nous font ressentir tout au long de notre lecture.

Cela ne me dérange pas de n’avoir aucune affection pour les protagonistes, il y a certains héros de roman que l’on aime suivre même s’ils sont détestables, et parfois parce qu’ils le sont, mais ici je trouvais qu’ils manquaient parfois de profondeur, que nous restions trop en surface.

Ils effectuent certes un cheminement dans le Neverworld, mais nous nous sentons toujours à distance d’eux, sans doute également à cause du fait que l’héroïne, qui est aussi la narratrice, n’a plus rien en commun avec ses anciens amis.

Ainsi, je recommande la lecture du Matin de Neverworld pour la richesse de son univers, la capacité de l’autrice à mettre en place à la fois une enquête policière qui tienne la route mais également un monde parallèle où les règles sont totalement différentes de notre réalité. Le peu d’attachement que nous éprouvons pour les protagonistes n’empêche pas de savourer le suspense établi pas l’autrice.

Le matin de Neverworld de Marisha Pessl publié aux éditions Gallimard Jeunesse.

La vidéo d'Audrey:


mercredi 26 février 2020

Microfictions de Régis Jauffret

Microfictions 2018


Régis Jauffret

 


Microfictions / Régis Jauffret


Dans ce recueil de nouvelles classées par ordre alphabétique, nous suivons sur une page et demi la vie d’un ou plusieurs personnages. Violeurs, parents maltraitants, fous, ratés, nous entrevoyons pendant quelques courts instants, l’existence des rebus de la société, de ceux que nous ne voulons pas voir, que nous préférerions oublier.

Ce n’est pas une lecture agréable, car aucune des nouvelles ne procure véritablement de joie ou de plaisir. Pourtant, elles disposent d’un très étrange pouvoir, celui de nous faire tourner les pages, encore et encore, pour continuer à avancer dans le recueil.

Qu’est-ce qui explique ce phénomène ? La plume fluide et acérée de l’auteur ? Un petit côté voyeur du lecteur, qui plutôt que d’expérimenter l’horreur lui-même, la vit par procuration à travers d’autres personnages, tout comme les lecteurs anglais du XIXe siècle frissonnaient en lisant des romans gothiques dépeignant des monstres, des tueurs et des prédateurs ? Sommes-nous fascinés par le mal, et désireux de pouvoir à la fois nous indigner et dans le même temps nous délecter des pires horreurs ?

Ou bien c’est la seule promesse que le malaise ne sera que de courte durée qui nous fait persévérer.


Microfictions de Régis Jauffret publié aux éditions Gallimard.

lundi 6 janvier 2020

Sans foi ni loi de Marion Brunet

Sans foi ni loi


Marion Brunet


Sans foi ni loi / Marion Brunet


Ecrasé par l’autorité d’un père puritain, Garett pense que sa vie est toute tracée, lorsqu’il se fait prendre en otage par Abigail Stentson, une redoutable hors la loi, coupable d’avoir braqué une banque. Si au départ le jeune homme espère à tout prix être retrouvé par les autorités, il va peu à peu s’attacher à sa geôlière et à la nouvelle vie qu’elle lui propose.

Ce roman de western m’avait attirée de par sa magnifique couverture et la très bonne critique qu’en avait fait Audrey de la chaîne le Souffle des Mots. Je n’ai pas été déçue de ma lecture ! J’ai adoré l’ambiance des saloons, du far West et des chevauchées. Avec de petits détails, Marion Brunet parvient à nous faire plonger dans l’ambiance des siècles passés.

Je suis aussi tombée en admiration pour le personnage d’Ab Stentson. J’ai toujours eu un faible pour les guerrières battantes et intrépides, et celle-ci est particulièrement courageuse. L’autrice réussi le tour de force d'en faire une figure attachante et touchante lorsqu’elle nous en apprend davantage sur son passé, sans renier le côté bourru et violent du personnage.

J’ai aussi adoré la relation d’amitié sincère qui se développe entre Garett et elle. A travers les yeux du jeune homme, nous éprouvons de l’admiration pour cette femme solitaire et différente, qui a choisi de vivre en dehors des règles établies. Le fait que Garett ne tombe pas amoureux d’Ab est également rafraîchissant, et permet d’instaurer une véritable relation de confiance solide entre les deux personnages, sans les éventuels tourments que l'amour pourrait engendrer.

L’autrice parvient aussi à instaurer des touches d’humour à son œuvre, malgré la dureté de certains passages du récit. Outre l’univers des cow-boys et chasseurs de prime, Marion Brunet nous offre un aperçu du monde de la prostitution et évoque le sort réservé aux Natifs Américains dans les plaines de l’Ouest.

Certes, pour les grands consommateurs de Western, le récit peut sembler assez convenu. En effet, le personnage de l’aventurière solitaire est récurrent en littérature. Mais la plume fluide de l’autrice, le regard bienveillant de Garett, la fluidité de la lecture, nous permet d’apprécier cet univers et cette héroïne. Le thème est très différent de L’été circulaire, mais le talent de Marion Brunet est toujours au rendez-vous !

Sans foi ni loi de Marion Brunet publié aux éditions Pocket Jeunesse.

lundi 23 décembre 2019

3 livres sur... la famille Brontë

3 livres sur… La famille Brontë



Jane Eyre de Charlotte Brontë et Les Hauts de Hurlevents d'Emily Brontë comptent parmi mes romans préférés. Éblouie par l’œuvre de ces écrivaines, j’ai voulu en apprendre un peu plus sur leur vie personnelle et sur la genèse de leurs livres respectifs. Voici mes trois livres pour plonger dans les arcanes du monde des Brontë.



L’amour caché de Charlotte Brontë par Jolien Janzing

 

3 livres sur... La Famille Brontë

 


L’autrice revient sur un épisode particulier de la vie de Charlotte Brontë : le moment où elle se rend à Bruxelles en compagnie de sa sœur Emily afin de se perfectionner dans l’étude du français. Là-bas, Charlotte a la joie de découvrir la vie animée de la grande ville mais y fait également la rencontre de Constantin Heger, un professeur dont elle est follement éprise et qui lui inspirera notamment Mr Rochester dans Jane Eyre.

Ce roman est une très bonne surprise ! Je craignais que l’auteur ne se focalise uniquement sur l’aspect « romantique » de cet épisode de la vie de Charlotte Brontë, mais elle prend le temps de poser le contexte de son intrigue et n’oublie pas traiter les relations entre les deux sœurs au pensionnat. Elle dépeint également très bien le désir d’écrire de la jeune femme, ses rêves, ses ambitions et ses envies d’évasions. Ce roman donne envie de se jeter sur son stylo ou son clavier et de se mettre à noircir des pages comme les écrivains Brontë !

La retranscription des évènements est réaliste et concorde avec ce que l’on sait de la vie de la famille. Jolien Janzing n’a pas pris de libertés invraisemblables avec les faits réels.

Ce roman est donc une lecture agréable pour les amoureux de la famille Brontë et du roman Jane Eyre, et s’adresse surtout à ceux qui ont déjà une connaissance solide de l’histoire de Charlotte.

L’amour caché de Charlotte Brontë par Jolien Janzing publié aux éditions L’Archipel.


Le monde infernal de Branwell Brontë par Daphné du Maurier :

 

3 livres sur... La Famille Brontë

 


Dans cette biographie romanesque, Daphné du Maurier, la célèbre autrice de Rebecca, rend ses lettres de noblesse au personnage le plus méconnu de la famille Brontë : Patrick Branwell, le frère aîné de Charlotte, Emily et Anne. En plus d’être l’auteur de nombreux poèmes et de peintures, c’est également lui qui a chapeauté une grande partie de la création d’un monde imaginaire dont les enfants Brontë aimaient relater les chroniques. Il est en effet connu que Charlotte, Emily, Anne et Branwell ont souvent mis en commun leurs écrits et ont partagé leurs univers, créant une véritable émulation collective.

Alors, pourquoi Branwell est-il presque oublié ? Pourquoi un jeune homme si brillant n’a-t-il rien publié de conséquent, mis à part quelques poèmes ? Daphné du Maurier nous dresse ici le portrait d’un être en proie à des démons, hanté par la mort de sa mère et de ses sœurs, (Marie et Elizabeth étaient les aînées la fratrie) et sombrant dans l’alcoolisme.

Ce livre fut une véritable découverte pour moi. En effet, avant d’être tombée par hasard sur l’ouvrage de Daphné du Maurier, je n’avais jamais entendu parler de Branwell Brontë. J’ai donc été agréablement surprise de voir que Branwell avait aussi écrit des poèmes et contribué fortement à la création de l’univers littéraire de la famille, sous la forme d’un pays nommé Angria.

J’ai aussi été stupéfaite d’apprendre que Branwell avait sans doute contribué à créer Les Hauts de Hurlevents, puisqu’un de ses amis rapporte qu’il lui en aurait lu un extrait. Cela n’enlève bien sûr rien au talent d’Emily, et ne peut être considéré comme du plagiat, dans la mesure où les frères et sœurs s’échangeaient régulièrement leurs personnages, sans compter qu’un être aussi dissolu que Branwell n’aurait pu mener à bien l’œuvre. Branwell a d’ailleurs sans doute servi d’inspiration à Emily pour le personnage d’Heathcliff.

Le texte de Daphné du Maurier met donc en lumière le rôle décisif de Branwell. Grâce à des extraits de ses textes insérés dans les chapitres, nous pouvons découvrir sa plume, aussi bien dans sa version originale que dans sa traduction. L’autrice parvient à instaurer du rythme à son récit, en ayant en ligne de mire la mort de son poète maudit. La fin de ce-dernier est peut-être un peu romancée dans sa description (Du Maurier est un romancière, pas une biographe), mais Le monde infernal de Branwell Brontë repose sur des bases et des sources fiables.

Le monde infernal de Branwell Brontë par Daphné du Maurier publié aux éditions de la Table Ronde.



Les Brontë par Jean-Pierre Ohl

 

3 livres sur... La Famille Brontë

 


Dans cette biographie, l’auteur s’intéresse à toute la famille Brontë, en partant des origines, avec l’installation de Patrick Brontë père à Haworth avec ses enfants jusqu’au décès de Charlotte en 1857. Il parvient, sans que cela ne soit trop long ou ennuyeux, à s’intéresser à chacun des enfants Brontë. Ayant vécu le plus longtemps, Charlotte a une place plus grande dans le récit.

J’ai aimé découvrir la façon dont elle a tenté de se frayer une place dans le monde littéraire de son époque, une fois l’identité du Currer Bell découverte. Jean-Pierre Ohl n’hésite pas également à mettre en perspective les précédentes biographies de Charlotte Brontë. Il critique notamment celle de l’amie de la romancière, Elizabeth Gaskell, qui n’est pas toujours exacte dans ses propos, et nuance le portrait sombre de Branwell dressé par Daphné du Maurier, en arguant que la descente aux enfers du jeune homme n’est pas aussi brutale.

Il nous invite également à réfléchir sur la fascination exercée par la famille Brontë et sur le fait que parfois la vie des auteurs semble davantage fasciner le public que leur œuvres elles-mêmes, ou que les analystes littéraires n’hésitent pas à tirer des conclusions hâtives voire fantaisistes en se basant sur leur biographie. (C’est notamment le cas avec Les Hauts de Hurlevent).

J’ai trouvé cet écrit complet, intéressant à lire et assez rythmé pour que le texte ne soit pas plat et descriptif. L’auteur ne nous surcharge pas de dates et d’éléments historiques. Une chronologie et des annexes sont disponibles à la fin de l’ouvrage, ainsi que des illustrations et des gravures des trois sœurs, de Branwell et de leur père.

Pour les amoureux de la famille Brontë ou ceux qui désirent en savoir davantage sur les auteurs de leurs romans préférés, ce livre est à découvrir !

Les Brontë par Jean-Pierre Ohl publié aux éditions Folio.

mercredi 4 décembre 2019

La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos par Christelle Dabos

La tempête des échos


La Passe-Miroir Livre 4


Christelle Dabos


La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos / Christelle Dabos


Que dire ? Comment commencer ? Des années de lecture, des années d’attentes, et enfin il est là. Le tome 4 de La Passe-Miroir, cette série qui a traversé mon adolescence depuis 2013. J’attendais ce roman avec une telle impatience que je comptais les jours qui me séparaient du 28 novembre 2019. Lorsque jeudi j’ai eu le livre entre les mains, j’ai attendu jusqu’au vendredi soir pour m’y plonger, afin de ne pas être dérangée dans ma lecture et de pouvoir lire les cinq cent et quelques pages d’un coup si cela me chantait. Bien m’en a pris. A quatre heures du matin, les joues mouillées de larmes, j’avais terminé les aventures d’Ophélie et Thorn.

J’essayerai de ne pas inclure de spoilers dans cet article, mais je recommande vivement à ceux qui n’ont pas encore lu les précédents tomes de La Passe-Miroir d’éteindre leur ordinateur et de courir entamer leur lecture.

Une fois de plus, Christelle Dabos parvient à nous emporter dans une histoire totalement inattendue et pleine de rebondissements. En effet, pour approcher au plus près du secret d’Eulalie Dilleux, de la Déchirure et de sa propre identité, Ophélie se fait admettre à l’Observatoire des Déviations de Bablel, un établissement où sont notamment examinés ceux qui n’entrent pas dans les codes de la cité. Les inversés comme elle sont particulièrement recherchés. Mais dans cette aventure, Ophélie ne sera pas seule. Malgré son déguisement de Lord de Lux, Thorn fait équipe avec elle, et c’est un vrai plaisir d’assister à leur travail en équipe et à leur vie de couple si peu conventionnelle.

La tempête des échos n’est pas un tome facile. Bien qu'emportée par la magnifique plume de l’autrice, je me suis malgré tout demandé à certains moments de ma lecture si j’avais bien tout compris de l’intrigue. En effet, le secret de l’univers de La Passe-Miroir n’est pas à la portée du premier apprenti venu, et il faut s’accrocher au moindre indice pour ne pas perdre le fil de l’histoire. Mais une fois que les pièces du puzzle se mettent en place, tout devient clair et limpide, et c’est un vrai plaisir de comprendre enfin pleinement cet univers.

Ce tome 4 est également l’occasion de revenir avec plus de détails sur certains thèmes qui traversent l’œuvre et dont nous saisissons toute l’importance dans ce livre.

Il y a notamment la violence et la contrainte dont on est prêt à user pour faire respecter sa vision du bien, notamment à travers Lady Septima, déterminée à exclure tous les étrangers de la cité de Babel, ou Lazarus, un explorateur en apparence inoffensif mais capable de sacrifier des vies humaines pour ses recherches ou ses inventions. De manière générale, le rejet de ce qui est différent, non-conforme à une norme établie, est un sujet souvent traité au fil des tomes. Au Pôle, Thorn était méprisé pour être né d’un adultère. A Babel, les citoyens sont capables d’être internés pour une orientation sexuelle (comme pour Blasius) ou parce qu’ils présentent une « anomalie » dans leur pouvoir.

Cela m’amène à évoquer le lieu principal de cette intrigue : l’Observatoire des Déviations. Cette sorte d’institut, d’hôpital m’a glacé le sang. J’y ai ressenti le profond malaise d’Ophélie et des pensionnaires, la terrible sensation d’être pris au cœur d’un système sans queue ni tête, où le patient est réduit au stade d’un enfant soumis à ses médecins. J’ai l’impression que Christelle Dabos a voulu dépeindre dans ce roman la violence dont pouvait faire preuve le corps médical et les dérives de certaines expériences. En effet, le but de l’Observatoire n’est pas de soigner leurs patients, mais de les utiliser à des fins despotiques.

Dans cet étrange lieu, au multiples couches, Ophélie va véritablement au bout d’elle-même, puisqu’elle découvre enfin le secret de son identité. J’ai rarement vu un personnage aussi malmené ! Tout au long de l’intrigue la jeune femme est forcée de remettre en question son identité, ses valeurs, ses choix. Pour survivre au Pôle, elle a dû lutter contre sa timidité et son attitude réservée. Pour vaincre l’Autre, Ophélie doit interroger son être profond, sa propre personne. La suivre dans ses découvertes est vraiment passionnant et déroutant. A la fin de ce tome, nous réalisons l’incroyable chemin qu’elle a parcouru depuis le moment où nous l’avons pour la première fois vu franchir un miroir dans les Archives Familiales d’Anima.

Thorn aussi est un personnage qui évolue de façon considérable. Ce tome 4 nous permet pendant de brèves parenthèses de suivre son point de vue. Nous avons notamment droit à des flash-back de son enfance, ou à des explications sur la façon dont il est parvenu à s’échapper du Pôle. Il se montre également plus expansif, il exprime davantage ses sentiments. Il est un soutien indéfectible pour Ophélie. Ces deux protagonistes m’ont énormément touchée. Nous comprenons que Thorn désire simplement être utile à quelqu’un, se sentir aimé, accepté.

A travers ces personnages principaux, Christelle Dabos semble aussi nous montrer combien le corps peut être une source de fardeau, de handicap. Thorn, avec sa jambe articulée, porte le signe criant de son infirmité physique. Il ne peut dissimuler ce qu’il considère comme une faiblesse, et en ressent de la honte et de l’agacement. Le fait qu’il ait de plus en plus de mal à contrôler ses griffes renforce le dégoût qu’il éprouve pour lui-même. Le moment où il parvient enfin à s’accepter grâce au regard de sa cousine Victoire m’a profondément émue. Il est rare dans les romans jeunesse de voir des personnages masculins ressentir un dégoût profond pour leur apparence physique. La question des complexes est en effet souvent réduite au personnage féminin.

Ophélie aussi perçoit son corps comme un fardeau, une entité qui ne lui obéit pas et qui la trahi. Outre sa maladresse légendaire, la jeune femme découvre avec tristesse qu’elle ne pourra jamais avoir d’enfant. Ce droit à la maternité qu’elle s’est involontairement retiré en libérant Eulalie du miroir la marque de manière aiguë et la fait se sentir coupable, incomplète. Là encore, le soutien de Thorn est bienvenu.

Les autres personnages que nous connaissons, bien que moins présents qu’Ophélie et Thorn, sont malgré tout évoqués. Victoire effectue une belle évolution, puisqu’elle parvient enfin à nouer un lien fort avec le monde extérieur. J’ai été ravie et touchée de voir que Berenilde accède enfin à ce qu’elle a toujours aspiré : une famille. Le fait que tous les animistes, notamment la tante Roseline et le grand Oncle soient présents pour la bataille finale m’a enchantée !

Tous les esprits de famille sont également présents dans le Mémorial, notamment Farouk et Artémis. Farouk montre encore une fois sa clairvoyance supérieure à celle de ses frères et sœurs.

Les personnages que j’aurais peut-être aimé voir davantage sont sûrement Gaëlle, Renard et Archibald, mais Christelle Dabos parvient à consacrer plusieurs chapitres à leur périple sur Arc-en-Terre, nous permettant de rencontrer Don Janus, le seul esprit de famille à avoir conservé sa mémoire. Mais l’autrice gère plutôt bien le temps imparti à chacun de ses personnages, tout en concluant son intrigue complexe. J’ai simplement du mal à quitter son univers.

Jusqu’aux dernières pages, Christelle Dabos parvient à nous faire avoir des frissons ! Et cette fin, cette fin !! Au début, je n’étais pas sûre de l’apprécier. J’avais envie de voir si Ophélie allait concrètement retrouver Thorn pour de bon, d’assister à leur vie future… Je ne voulais pas quitter la jeune femme maintenant, sur un passage de miroir !

Mais finalement, après m’être mouchée et essuyé les yeux, j’ai réalisé que cette fin était une fin magistrale et typique de La Passe-Miroir.

En effet, de mon point de vue, il est évident qu’Ophélie retrouve Thorn lorsqu’elle franchit ce miroir. Elle affirme « Nous reviendrons » à Archibald, avec ce ton assuré qu’elle emploie lorsqu’elle s’apprête à résoudre une difficulté. De plus, la chanson dans la boutique, évoquant la fugacité de l’amour, mais également sa capacité d’apparaître là où on ne l’y attend pas, sont significatifs. Enfin, les mots de Thorn, « Un peu plus que cela même. », écrit en italique comme lorsqu’Eulalie s’adresse à Ophélie depuis l’Envers, me font penser que c’est lui-même qui s’adresse à son épouse, ou du moins qu’il est toujours vivant ! Il a survécu au passage dans la Corne de l’abondance, il peut attendre qu’Ophélie trouve le moyen de revenir dans l’Envers.

Si j’ai considéré cette fin comme typique de la série, c’est parce que j’ai trouvé qu’elle laissait une grande liberté au personnage. En effet, comme l’explique Thorn, Ophélie ne cesse de vouloir acquérir son indépendance. Faire se terminer la saga sur son nouveau départ peut paraître frustrant, mais dans le même temps laisse libre notre imagination. Christelle Dabos nous a donné suffisamment de pistes de réflexions pour faire nos propres scénarios.

Ainsi, d’une certaine façon, les aventures d’Ophélie et Thorn ne sont jamais véritablement terminées. Même si nous ne pourrons plus jamais découvrir cette série, il nous sera toujours permis de redécouvrir La Passe-Miroir, d’en explorer les recoins cachés en retraversant le miroir et en replongeant dans ces romans chaque fois que nous le voudrons.

Je ne dis donc pas adieu à Ophélie, mais à bientôt dans une prochaine session de relecture, au cours d’un été brûlant ou d’un hiver venteux. Je veux également la remercier, pour m’avoir tant transportée, fait vibrer, émue au fil des pages, au fil des passages de miroirs. Merci à elle de m’avoir fourni de la force dans l’adversité, un modèle auquel m’identifier, une héroïne à citer.

Et merci surtout à sa créatrice, Christelle Dabos, dont la plume, l’imagination et le talent auront marqué un chapitre décisif de ma vie de lectrice. J’espère que son parcours dans l’écriture sera toujours aussi florissant, et je serai au rendez-vous si elle publie un nouveau roman. (Ou un essai, ou une BD, ou même sa liste de course!)

Que l’écharpe soit avec vous !

Un peu plus que cela même.

La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos de Christelle Dabos publié aux éditions Gallimard Jeunesse.

Le site de l'autrice: ici
La très bonne et émouvante vidéo de Bulledop, qui a contribué à faire connaître la série :