Vince,
17 ans, ne rêve que d’une chose : vivre une grande histoire
d’amour. Mais difficile d’atteindre cet objectif lorsque l’on
est homosexuel et que le seul autre gay de notre lycée ne nous
attire pas spécialement. Alors Vince attend, il observe les garçons
dans le métro, et note dans un carnet une description de ceux qui
retiennent son attention, qu'il surnomme ses « garçons
volés ». Toute sa vie bascule lorsque ses sentiments envers
son meilleur ami d’enfance changent. Peut-être Vince va-t-il vivre
enfin sa première histoire d’amour...
Ce
roman d’Arnaud Cathrine est une claque, un uppercut d’émotions.
Dès les premières pages, avec son écriture tranchante, brutale et
crue, il parvient à nous faire nous attacher au personnage de Vince.
Comme lui, nous ressentons de la colère face à l’homophobie
ordinaire, aux insultes dont il est victime. Comme lui, nous
ressentons la solitude et le désir de rencontrer un être unique,
parfait, de faire l’amour, de vivre une grande histoire
bouleversante.
Arnaud
Cathrine parvient à rendre de façon crédible le langage des
adolescents, les pensées, les doutes et les envies qui peuplent
notre imaginaire. J’ai eu plaisir à voir se développer les
relations entre les protagonistes, la naissance de cette histoire
d’amour si particulière, les beaux moments que les deux jeunes
gens ont vécu ensembles.
En peu
de pages, l’auteur parvient également à nous montrer la brutalité
de la réalité, la difficulté d’assumer son homosexualité, la
violence que l’on peut subir, et la douleur du premier vrai chagrin
d’amour.
Arnaud
Cathrine aborde aussi une facette de notre sexualité souvent peu
évoquée : celui de la recherche, du fait que parfois on puisse
faire des expériences avec des filles ou des garçons, par
curiosité, sans véritable attirance. Sans porter de jugement, il
illustre bien la douleur que cela peut susciter lorsque le partenaire
au contraire s’attache à la personne, et souligne donc
l’importance du fait d’être au clair dans ses intentions, de ne
pas cacher ses véritables motivations, de ne pas jouer avec les
sentiments d’autrui.
Avec le
point de vue de Vince, nous comprenons également la douleur que peut
ressentir une personne lorsqu’elle se rend compte que l’autre ne
l’aime pas de la bonne manière. L’attachement et la dépendance
de Vince vis à vis de son ami est de plus en plus perceptible au fil des pages.
Avec
ses chapitres courts, Romance nous
happe et nous ne pouvons nous empêcher de lire. Cette histoire
d’amour se vit pleinement. Même si elle n’est pas toujours
belle, elle est à découvrir absolument !
Romance
d’Arnaud Cathrine aux éditions
R-jeunes adultes.
En ces temps d'épidémie, il est important de garder contact avec ses proches, via les appels téléphoniques, les SMS, les lettres. Je partage ici les dessins qu'une amie très chère m'a transmis par mail. Ceux-ci sont la démonstration de notre amitié aussi efficaces que tous les mots, rires et confidences que nous pouvons échanger.
Hermione Granger d'Harry Potter par Poohnie
Ophélie de La Passe-Miroir par Poohnie.
Les précédents dessins de Poohnie sur ce blog ici et là
Après
la mort de son petit-ami Jim dans des circonstances inexpliquées,
Béatrice s’éloigne de son groupe d’amis, et mène une morne
existence auprès de ses parents. Ne pouvant cependant trouver la
paix, elle décide d’aller confronter ses amis un soir de tempête,
pour en apprendre davantage sur leur rôle dans cet évènement
tragique. En effet, ils semblent cacher un secret. Mais, alors
qu’ils sont tous en voiture, ils sont percutés par un chauffard
ivre et se retrouvent piégés dans le Neverworld, une faille dans
l’espace temps, où ils revivent indéfiniment la même journée.
Coincés entre la vie et la mort, le seul moyen de sortir de cette
boucle temporelle est de voter pour qu’une des personnes revienne à
la vie, tandis que les autres mourront pour de bon.
J’ai entendu parler de ce roman sur la chaîne d’Audrey-Le Souffle desMots. Ce livre est pour elle une assez bonne lecture, bien que son
avis soit plutôt mitigé, et qu’elle ait moins apprécié sa
lecture que ce qu’elle avait prévu. Le résumé du roman
m’intriguait cependant, et lorsque je l’ai vu en bibliothèque,
j’ai sauté sur l’occasion !
Je suis
plutôt satisfaite de cette découverte. Tout d’abord, j’ai
beaucoup aimé découvrir le fonctionnement du Neverworld. L’autrice
parvient à mettre en place différentes étapes très pertinentes. Dans un premier temps, les personnages nient la réalité, en ne voulant pas
croire qu’ils puissent véritablement être coincés dans une même
journée. Ensuite, certains d’entre eux profitent du fait qu’ils
puissent agir en toute impunité pour commettre les délits les plus
atroces, en ayant l’assurance que leurs victimes oublieront tout le
lendemain. Enfin, ils vont peu à peu percer les secrets de ce monde
et les mettre à profit pour tirer au clair les circonstances de la
mort de Jim.
/!\
spoiler ! Le Neverworld est bien plus qu’une simple boucle
temporelle, c’est également un univers basé sur un roman, que l’un des autres personnages, Martha, ne cesse de relire. Cet ouvrage,
constitué d’univers parallèles et de voyages dans le temps, donne
plus d’épaisseur au monde décrit, et permet ainsi aux
protagonistes de voyager dans le temps, toujours sur une seule
journée, pour progresser dans leur enquête. Ce procédé m’a
semblé très ingénieux, car non seulement on en apprenait davantage
sur les circonstances de la mort de Jim et le passé des personnages,
mais en plus le Neverworld et son aspect fantastique n’étaient pas
mis de côté. L’autrice parvient donc à gérer ses deux
tableaux : l’enquête policière et la dimension surnaturelle
de son roman.
L’histoire
est aussi bien menée. Il n’y a pas de moments de flottements, les
actions s’enchaînent, et les retournements de situation arrivent
presque toujours à nous surprendre. La fin a certes un côté
prévisible, mais dans le même temps l’autrice parvient à
instaurer un retournement de situation inattendu.
L’intrigue,
la charpente et le déroulement de l’histoire sont donc pour moi
les gros points forts de ce livre. Cependant, un bémol m’a
dérangée tout au long de ma lecture : les personnages. Ce
point a déjà été abordé par Audrey dans sa vidéo, et je la
rejoins sur l’idée qu’aucun des protagonistes n’est
véritablement appréciable. En effet, les amis de Béatrice
apparaissent pour la plupart comme des adolescents insouciants et
écervelés, qui bénéficient d’une vie facile grâce à la
richesse de leur famille. Jim, la victime de l’histoire, semble dès
le début n’être pas du tout le prince charmant et le garçon
merveilleux décrit par la jeune fille et son entourage. Quant à
l’héroïne, elle laisse transparaître parfois une naïveté qui
frise la bêtise, bien que la fin du roman donne plus de profondeur à
son personnage.
Cela
place donc la lecture dans un angle particulier. En effet, cette idée
de vote pourrait instaurer un enjeu émotionnel, si nous craignions
pour la vie d’un de nos personnages préférés. Or, ici, puisque
aucun ne suscite vraiment notre sympathie, notre attente du résultat
du vote tient plus de la volonté de voir réaliser notre prévision.
De plus, les protagonistes sont parfois stéréotypés. Béatrice
représente la gentille fille, Whitney la belle adolescente
colérique, Carton le génie de l’informatique, Martha, le rat de
bibliothèque à l’intelligence surdimensionnée, Jim, le faux
prince charmant et Kipling le meilleur ami de l’héroïne.
Cependant, l’autrice parvient à la fin à jouer avec cette image
clichée des personnages lors d’un des retournements de situation
de la fin, en mettant en perspective nos propres a priori sur eux.
Mais cette remise en question intervient vraiment tard dans le roman, et
n’annule pas véritablement l’impression qu’ils nous font
ressentir tout au long de notre lecture.
Cela ne me dérange pas de n’avoir aucune affection pour les
protagonistes, il y a certains héros de roman que l’on aime suivre
même s’ils sont détestables, et parfois parce qu’ils le sont, mais ici je trouvais qu’ils manquaient parfois de
profondeur, que nous restions trop en surface.
Ils
effectuent certes un cheminement dans le Neverworld, mais nous nous
sentons toujours à distance d’eux, sans doute également à cause
du fait que l’héroïne, qui est aussi la narratrice, n’a plus
rien en commun avec ses anciens amis.
Ainsi,
je recommande la lecture du Matin de Neverworld pour
la richesse de son univers, la capacité de l’autrice à mettre en
place à la fois une enquête policière qui tienne la route mais
également un monde parallèle où les règles sont totalement
différentes de notre réalité. Le peu d’attachement que nous
éprouvons pour les protagonistes n’empêche pas de savourer le
suspense établi pas l’autrice.
Le matin de Neverworld de Marisha Pessl publié aux éditions Gallimard Jeunesse.
Dans ce
recueil de nouvelles classées par ordre alphabétique, nous suivons
sur une page et demi la vie d’un ou plusieurs personnages.
Violeurs, parents maltraitants, fous, ratés, nous entrevoyons
pendant quelques courts instants, l’existence des rebus de la
société, de ceux que nous ne voulons pas voir, que nous
préférerions oublier.
Ce
n’est pas une lecture agréable, car aucune des nouvelles ne
procure véritablement de joie ou de plaisir. Pourtant, elles
disposent d’un très étrange pouvoir, celui de nous faire tourner
les pages, encore et encore, pour continuer à avancer dans le
recueil.
Qu’est-ce
qui explique ce phénomène ? La plume fluide et acérée de
l’auteur ? Un petit côté voyeur du lecteur, qui plutôt que
d’expérimenter l’horreur lui-même, la vit par procuration à
travers d’autres personnages, tout comme les lecteurs anglais du
XIXe siècle frissonnaient en lisant des romans gothiques dépeignant
des monstres, des tueurs et des prédateurs ? Sommes-nous fascinés
par le mal, et désireux de pouvoir à la fois nous indigner et dans
le même temps nous délecter des pires horreurs ?
Ou bien
c’est la seule promesse que le malaise ne sera que de courte durée
qui nous fait persévérer.
Microfictions de Régis Jauffret publié aux éditions Gallimard.
Ecrasé
par l’autorité d’un père puritain, Garett pense que sa vie est
toute tracée, lorsqu’il se fait prendre en otage par Abigail
Stentson, une redoutable hors la loi, coupable d’avoir braqué une
banque. Si au départ le jeune homme espère à tout prix être
retrouvé par les autorités, il va peu à peu s’attacher à sa
geôlière et à la nouvelle vie qu’elle lui propose.
Ce
roman de western m’avait attirée de par sa magnifique couverture et
la très bonne critique qu’en avait fait Audrey de la chaîne le
Souffle des Mots. Je n’ai pas été déçue de ma lecture !
J’ai adoré l’ambiance des saloons, du far West et des
chevauchées. Avec de petits détails, Marion Brunet parvient à nous
faire plonger dans l’ambiance des siècles passés.
Je suis
aussi tombée en admiration pour le personnage d’Ab Stentson. J’ai
toujours eu un faible pour les guerrières battantes et intrépides,
et celle-ci est particulièrement courageuse. L’autrice réussi le tour de force d'en faire une figure attachante et touchante lorsqu’elle nous en
apprend davantage sur son passé, sans renier le côté bourru et
violent du personnage.
J’ai aussi adoré la relation d’amitié
sincère qui se développe entre Garett et elle. A travers les yeux
du jeune homme, nous éprouvons de l’admiration pour cette femme
solitaire et différente, qui a choisi de vivre en dehors des règles
établies. Le fait que Garett ne tombe pas amoureux d’Ab est
également rafraîchissant, et permet d’instaurer une véritable
relation de confiance solide entre les deux personnages, sans les éventuels tourments que l'amour pourrait engendrer.
L’autrice
parvient aussi à instaurer des touches d’humour à son œuvre,
malgré la dureté de certains passages du récit. Outre l’univers
des cow-boys et chasseurs de prime, Marion Brunet nous offre un
aperçu du monde de la prostitution et évoque le sort réservé aux
Natifs Américains dans les plaines de l’Ouest.
Certes,
pour les grands consommateurs de Western, le récit peut sembler
assez convenu. En effet, le personnage de l’aventurière solitaire
est récurrent en littérature. Mais la plume fluide de l’autrice,
le regard bienveillant de Garett, la fluidité de la lecture, nous
permet d’apprécier cet univers et cette héroïne. Le thème est
très différent deL’été circulaire, mais le talent de Marion
Brunet est toujours au rendez-vous !
Sans
foi ni loi de Marion Brunet publié aux éditions Pocket
Jeunesse.
Jane
Eyre de Charlotte Brontë et Les Hauts de Hurlevents d'Emily Brontë comptent parmi mes romans
préférés. Éblouie par l’œuvre de ces écrivaines, j’ai
voulu en apprendre un peu plus sur leur vie personnelle et sur la
genèse de leurs livres respectifs. Voici mes trois livres pour
plonger dans les arcanes du monde des Brontë.
L’amour
caché de Charlotte Brontë par Jolien Janzing
L’autrice
revient sur un épisode particulier de la vie de Charlotte Brontë :
le moment où elle se rend à Bruxelles en compagnie de sa sœur
Emily afin de se perfectionner dans l’étude du français. Là-bas,
Charlotte a la joie de découvrir la vie animée de la grande ville
mais y fait également la rencontre de Constantin Heger, un
professeur dont elle est follement éprise et qui lui inspirera
notamment Mr Rochester dans Jane Eyre.
Ce
roman est une très bonne surprise ! Je craignais que l’auteur
ne se focalise uniquement sur l’aspect « romantique »
de cet épisode de la vie de Charlotte Brontë, mais elle prend le
temps de poser le contexte de son intrigue et n’oublie pas traiter
les relations entre les deux sœurs au pensionnat. Elle dépeint
également très bien le désir d’écrire de la jeune femme, ses
rêves, ses ambitions et ses envies d’évasions. Ce roman donne envie de se jeter sur son stylo ou son
clavier et de se mettre à noircir des pages comme les écrivains
Brontë !
La
retranscription des évènements est réaliste et concorde avec ce
que l’on sait de la vie de la famille. Jolien Janzing n’a pas
pris de libertés invraisemblables avec les faits réels.
Ce
roman est donc une lecture agréable pour les amoureux de la famille
Brontë et du roman Jane Eyre, et s’adresse surtout à ceux
qui ont déjà une connaissance solide de l’histoire de Charlotte.
L’amour
caché de Charlotte Brontë par Jolien Janzing publié aux
éditions L’Archipel.
Le
monde infernal de Branwell Brontë par Daphné du Maurier :
Dans
cette biographie romanesque, Daphné du Maurier, la célèbre autrice
de Rebecca, rend ses lettres de noblesse au personnage le
plus méconnu de la famille Brontë : Patrick Branwell, le frère
aîné de Charlotte, Emily et Anne. En plus d’être l’auteur de
nombreux poèmes et de peintures, c’est également lui qui a
chapeauté une grande partie de la création d’un monde imaginaire
dont les enfants Brontë aimaient relater les chroniques. Il est en
effet connu que Charlotte, Emily, Anne et Branwell ont souvent mis en
commun leurs écrits et ont partagé leurs univers, créant une véritable
émulation collective.
Alors,
pourquoi Branwell est-il presque oublié ? Pourquoi un jeune
homme si brillant n’a-t-il rien publié de conséquent, mis à part
quelques poèmes ? Daphné du Maurier nous dresse ici le
portrait d’un être en proie à des démons, hanté par la mort de
sa mère et de ses sœurs, (Marie et Elizabeth étaient les aînées
la fratrie) et sombrant dans l’alcoolisme.
Ce
livre fut une véritable découverte pour moi. En effet, avant d’être
tombée par hasard sur l’ouvrage de Daphné du Maurier, je n’avais
jamais entendu parler de Branwell Brontë. J’ai donc été
agréablement surprise de voir que Branwell avait aussi écrit des
poèmes et contribué fortement à la création de l’univers
littéraire de la famille, sous la forme d’un pays nommé Angria.
J’ai aussi été stupéfaite d’apprendre que Branwell avait sans
doute contribué à créer Les Hauts de Hurlevents, puisqu’un
de ses amis rapporte qu’il lui en aurait lu un extrait. Cela
n’enlève bien sûr rien au talent d’Emily, et ne peut être
considéré comme du plagiat, dans la mesure où les frères et sœurs
s’échangeaient régulièrement leurs personnages, sans compter
qu’un être aussi dissolu que Branwell n’aurait pu mener à bien l’œuvre. Branwell a d’ailleurs sans doute servi d’inspiration
à Emily pour le personnage d’Heathcliff.
Le
texte de Daphné du Maurier met donc en lumière le rôle décisif de Branwell. Grâce à
des extraits de ses textes insérés dans les chapitres, nous pouvons
découvrir sa plume, aussi bien dans sa version originale que dans sa
traduction. L’autrice parvient à instaurer du rythme à son récit,
en ayant en ligne de mire la mort de son poète maudit. La fin de
ce-dernier est peut-être un peu romancée dans sa description (Du
Maurier est un romancière, pas une biographe), mais Le monde
infernal de Branwell Brontë repose
sur des bases et des sources fiables.
Le
monde infernal de Branwell Brontë par
Daphné du Maurier publié aux éditions de
la Table Ronde.
Les Brontë par Jean-Pierre Ohl
Dans cette biographie, l’auteur s’intéresse à toute la famille
Brontë, en partant des origines, avec l’installation de Patrick
Brontë père à Haworth avec ses enfants jusqu’au décès de
Charlotte en 1857. Il parvient, sans que cela ne soit trop long ou
ennuyeux, à s’intéresser à chacun des enfants Brontë. Ayant
vécu le plus longtemps, Charlotte a une place plus grande dans le
récit.
J’ai aimé découvrir la façon dont elle a tenté de se frayer une
place dans le monde littéraire de son époque, une fois l’identité
du Currer Bell découverte. Jean-Pierre Ohl n’hésite pas également
à mettre en perspective les précédentes biographies de Charlotte
Brontë. Il critique notamment celle de l’amie de la romancière,
Elizabeth Gaskell, qui n’est pas toujours exacte dans ses propos,
et nuance le portrait sombre de Branwell dressé par Daphné du
Maurier, en arguant que la descente aux enfers du jeune homme n’est pas aussi brutale.
Il nous invite également à réfléchir sur la fascination exercée
par la famille Brontë et sur le fait que parfois la vie des auteurs
semble davantage fasciner le public que leur œuvres elles-mêmes, ou
que les analystes littéraires n’hésitent pas à tirer des
conclusions hâtives voire fantaisistes en se basant sur leur biographie. (C’est notamment le cas avec Les Hauts de
Hurlevent).
J’ai trouvé cet écrit complet, intéressant à lire et
assez rythmé pour que le texte ne soit pas plat et descriptif.
L’auteur ne nous surcharge pas de dates et d’éléments
historiques. Une chronologie et des annexes sont disponibles à la
fin de l’ouvrage, ainsi que des illustrations et des gravures des
trois sœurs, de Branwell et de leur père.
Pour les amoureux de la famille Brontë ou ceux qui désirent en savoir
davantage sur les auteurs de leurs romans préférés, ce livre est à
découvrir !
Les
Brontë par Jean-Pierre Ohl
publié aux éditions Folio.
Que
dire ? Comment commencer ? Des années de lecture, des
années d’attentes, et enfin il est là. Le tome 4 de La
Passe-Miroir, cette série qui a traversé mon adolescence depuis
2013. J’attendais ce roman avec une telle impatience que je
comptais les jours qui me séparaient du 28 novembre 2019. Lorsque
jeudi j’ai eu le livre entre les mains, j’ai attendu jusqu’au
vendredi soir pour m’y plonger, afin de ne pas être dérangée
dans ma lecture et de pouvoir lire les cinq cent et quelques pages
d’un coup si cela me chantait. Bien m’en a pris. A quatre heures
du matin, les joues mouillées de larmes, j’avais terminé les
aventures d’Ophélie et Thorn.
J’essayerai
de ne pas inclure de spoilers dans cet article, mais je recommande
vivement à ceux qui n’ont pas encore lu les précédents tomes de
La Passe-Miroir d’éteindre leur ordinateur et de courir entamer
leur lecture.
Une
fois de plus, Christelle Dabos parvient à nous emporter dans une
histoire totalement inattendue et pleine de rebondissements. En
effet, pour approcher au plus près du secret d’Eulalie Dilleux, de
la Déchirure et de sa propre identité, Ophélie se fait admettre à
l’Observatoire des Déviations de Bablel, un établissement où
sont notamment examinés ceux qui n’entrent pas dans les codes de
la cité. Les inversés comme elle sont particulièrement recherchés.
Mais dans cette aventure, Ophélie ne sera pas seule. Malgré son
déguisement de Lord de Lux, Thorn fait équipe avec elle, et c’est
un vrai plaisir d’assister à leur travail en équipe et à leur
vie de couple si peu conventionnelle.
La
tempête des échos n’est pas
un tome facile. Bien qu'emportée par la magnifique plume de l’autrice, je
me suis malgré tout demandé à certains moments de ma lecture si
j’avais bien tout compris de l’intrigue. En effet,
le secret de l’univers de La Passe-Miroir n’est
pas à la portée du premier apprenti venu, et il faut s’accrocher
au moindre indice pour ne pas perdre le fil de l’histoire. Mais une
fois que les pièces du puzzle se mettent en place, tout devient
clair et limpide, et c’est un vrai plaisir de comprendre
enfin pleinement cet univers.
Ce tome 4 est également l’occasion de revenir avec plus de détails
sur certains thèmes qui traversent l’œuvre et dont nous
saisissons toute l’importance dans ce livre.
Il y a notamment la
violence et la contrainte dont on est prêt à user pour faire
respecter sa vision du bien, notamment à travers Lady Septima,
déterminée à exclure tous les étrangers de la cité de Babel, ou
Lazarus, un explorateur en apparence inoffensif mais capable de
sacrifier des vies humaines pour ses recherches ou ses inventions. De
manière générale, le rejet de ce qui est différent, non-conforme
à une norme établie, est un sujet souvent traité au fil des tomes. Au Pôle, Thorn était méprisé pour être né
d’un adultère. A Babel, les citoyens sont capables d’être
internés pour une orientation sexuelle (comme pour Blasius) ou
parce qu’ils présentent une « anomalie » dans leur
pouvoir.
Cela m’amène à évoquer le lieu principal de cette intrigue :
l’Observatoire des Déviations. Cette sorte d’institut, d’hôpital
m’a glacé le sang. J’y ai ressenti le profond malaise d’Ophélie
et des pensionnaires, la terrible sensation d’être pris au cœur
d’un système sans queue ni tête, où le patient est réduit au
stade d’un enfant soumis à ses médecins. J’ai l’impression
que Christelle Dabos a voulu dépeindre dans ce roman la violence
dont pouvait faire preuve le corps médical et les dérives de
certaines expériences. En effet, le but de l’Observatoire n’est
pas de soigner leurs patients, mais de les utiliser à des fins
despotiques.
Dans cet étrange lieu, au multiples couches, Ophélie va
véritablement au bout d’elle-même, puisqu’elle découvre enfin le secret de son identité. J’ai rarement vu un personnage aussi
malmené ! Tout au long de l’intrigue la jeune femme est
forcée de remettre en question son identité, ses valeurs, ses
choix. Pour survivre au Pôle, elle a dû lutter contre sa timidité
et son attitude réservée. Pour vaincre l’Autre, Ophélie doit interroger son être profond, sa propre personne. La suivre dans ses
découvertes est vraiment passionnant et déroutant. A la fin de
ce tome, nous réalisons l’incroyable chemin qu’elle a parcouru
depuis le moment où nous l’avons pour la première fois vu
franchir un miroir dans les Archives Familiales d’Anima.
Thorn aussi est un personnage qui évolue de façon considérable. Ce
tome 4 nous permet pendant de brèves parenthèses de suivre son
point de vue. Nous avons notamment droit à des flash-back de son
enfance, ou à des explications sur la façon dont il est parvenu à
s’échapper du Pôle. Il se montre également plus expansif, il
exprime davantage ses sentiments. Il est un soutien indéfectible
pour Ophélie. Ces deux protagonistes m’ont énormément touchée.
Nous comprenons que Thorn désire simplement être utile à
quelqu’un, se sentir aimé, accepté.
A travers ces personnages principaux, Christelle Dabos semble aussi
nous montrer combien le corps peut être une source de fardeau, de
handicap. Thorn, avec sa jambe articulée, porte le signe criant de
son infirmité physique. Il ne peut dissimuler ce qu’il considère
comme une faiblesse, et en ressent de la honte et de l’agacement.
Le fait qu’il ait de plus en plus de mal à contrôler ses griffes
renforce le dégoût qu’il éprouve pour lui-même. Le moment où
il parvient enfin à s’accepter grâce au regard de sa cousine
Victoire m’a profondément émue. Il est rare dans les romans
jeunesse de voir des personnages masculins ressentir un dégoût
profond pour leur apparence physique. La question des complexes est
en effet souvent réduite au personnage féminin.
Ophélie aussi perçoit son corps comme un fardeau, une entité qui
ne lui obéit pas et qui la trahi. Outre sa maladresse légendaire,
la jeune femme découvre avec tristesse qu’elle ne pourra jamais
avoir d’enfant. Ce droit à la maternité qu’elle s’est
involontairement retiré en libérant Eulalie du miroir la marque de
manière aiguë et la fait se sentir coupable, incomplète. Là
encore, le soutien de Thorn est bienvenu.
Les autres personnages que nous connaissons, bien que moins présents
qu’Ophélie et Thorn, sont malgré tout évoqués. Victoire
effectue une belle évolution, puisqu’elle parvient enfin à nouer
un lien fort avec le monde extérieur. J’ai été ravie et touchée
de voir que Berenilde accède enfin à ce qu’elle a toujours
aspiré : une famille. Le fait que tous les animistes, notamment
la tante Roseline et le grand Oncle soient présents pour la
bataille finale m’a enchantée !
Tous les esprits de famille
sont également présents dans le Mémorial, notamment Farouk et Artémis.
Farouk montre encore une fois sa clairvoyance supérieure à celle de
ses frères et sœurs.
Les personnages que j’aurais peut-être aimé voir davantage sont
sûrement Gaëlle, Renard et Archibald, mais Christelle Dabos
parvient à consacrer plusieurs chapitres à leur périple sur
Arc-en-Terre, nous permettant de rencontrer Don Janus, le seul esprit
de famille à avoir conservé sa mémoire. Mais l’autrice gère
plutôt bien le temps imparti à chacun de ses personnages, tout en
concluant son intrigue complexe. J’ai simplement du mal à quitter
son univers.
Jusqu’aux dernières pages, Christelle Dabos parvient à nous faire
avoir des frissons ! Et cette fin, cette fin !! Au début,
je n’étais pas sûre de l’apprécier. J’avais envie de voir si
Ophélie allait concrètement retrouver Thorn pour de bon, d’assister
à leur vie future… Je ne voulais pas quitter la jeune femme
maintenant, sur un passage de miroir !
Mais finalement, après m’être mouchée et essuyé les yeux, j’ai
réalisé que cette fin était une fin magistrale et typique de La
Passe-Miroir.
En effet, de mon point de vue, il est évident qu’Ophélie retrouve
Thorn lorsqu’elle franchit ce miroir. Elle affirme « Nous
reviendrons » à Archibald, avec ce ton assuré qu’elle
emploie lorsqu’elle s’apprête à résoudre une difficulté. De
plus, la chanson dans la boutique, évoquant la fugacité de l’amour,
mais également sa capacité d’apparaître là où on ne l’y
attend pas, sont significatifs. Enfin, les mots de Thorn, « Un
peu plus que cela même. », écrit en italique comme
lorsqu’Eulalie s’adresse à Ophélie depuis l’Envers, me font
penser que c’est lui-même qui s’adresse à son épouse, ou du
moins qu’il est toujours vivant ! Il a survécu au passage
dans la Corne de l’abondance, il peut attendre qu’Ophélie trouve
le moyen de revenir dans l’Envers.
Si j’ai considéré cette fin comme typique de la série, c’est
parce que j’ai trouvé qu’elle laissait une grande liberté au
personnage. En effet, comme l’explique Thorn, Ophélie ne cesse de
vouloir acquérir son indépendance. Faire se terminer la saga sur
son nouveau départ peut paraître frustrant, mais dans le même
temps laisse libre notre imagination. Christelle Dabos nous a donné
suffisamment de pistes de réflexions pour faire nos propres
scénarios.
Ainsi, d’une certaine façon, les aventures d’Ophélie et Thorn
ne sont jamais véritablement terminées. Même si nous ne pourrons
plus jamais découvrir cette série, il nous sera toujours permis de
redécouvrir La Passe-Miroir, d’en explorer les recoins
cachés en retraversant le miroir et en replongeant dans ces romans
chaque fois que nous le voudrons.
Je ne dis donc pas adieu à Ophélie, mais à bientôt dans une
prochaine session de relecture, au cours d’un été brûlant ou
d’un hiver venteux. Je veux également la remercier, pour m’avoir
tant transportée, fait vibrer, émue au fil des pages, au fil des
passages de miroirs. Merci à elle de m’avoir fourni de la force
dans l’adversité, un modèle auquel m’identifier, une héroïne
à citer.
Et merci surtout à sa créatrice, Christelle Dabos, dont la plume,
l’imagination et le talent auront marqué un chapitre décisif de
ma vie de lectrice. J’espère que son parcours dans l’écriture
sera toujours aussi florissant, et je serai au rendez-vous si elle
publie un nouveau roman. (Ou un essai, ou une BD, ou même sa liste
de course!)
Que l’écharpe soit avec vous !
Un peu plus que cela même.
La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos de Christelle Dabos publié aux éditions Gallimard Jeunesse.