Comment avez-vous vécu votre collège ? Était-ce des années joyeuses ?
Ou au contraire des moments de souffrance, où vous vous réveilliez chaque matin avec la boule au ventre ?
Pour les personnages du nouveau roman de Christelle Dabos, Ici et seulement ici, publié aux éditions Gallimard Jeunesse, leur expérience entre clairement dans la seconde catégorie.
Dans un huis-clos oppressant, nous suivons le quotidien de plusieurs élèves :
Iris, qui vient de débuter son entrée en 6e et a pleinement conscience que l’insouciance de l’enfance est terminée. Au collège, il y a des règles à suivre et un pas de travers peut vite vous conduire au statut de paria. C’est ce qui est arrivé à l’ancien ami d’Iris, Émile, qui a eu le malheur de vouloir utiliser les cabinets des toilettes des filles. La jeune fille est plus prudente. Elle observe, elle imite, elle se fond dans la masse. Jusqu’à réaliser qu’elle est littéralement devenue invisible…
Pierre est depuis l’année dernière le souffre-douleur de sa classe. Constamment humilié, il ne s’imagine pas être quelqu’un d’autre que celui que l’on rejette. Au point de repousser par réflexe la moindre personne qui lui offre son amitié.
Madeleine quant à elle supporte de moins en moins d’être dans l’ombre de sa copine Lola, très bonne élève sans fournir le moindre effort et très populaire auprès des collégiens et même des lycéens. Alors, lorsque Ça la choisit et qu’elle commence à faire des Miracles, Madeleine espère que son quotidien va enfin changer.
Guy, de son côté, gravite dans une promotion découpée en véritables castes. Faisant parti des Hauts, il peut avoir à son service un Bas, un camarade choisi arbitrairement pour être en dessous de lui et qui est forcé d’obéir à ses ordres. Grâce aux Bas, plus besoin de faire ses devoirs si l’on n’en a pas envie. Tous obéissent au prince, élève mystérieux que l’on ne doit jamais regarder dans les yeux. Mais lorsque Sofie arrive au collège et refuse de se soumettre aux diktats de cette microsociété, Guy sent que son année va être bouleversée.
Autour de ces quatre adolescents gravitent encore d’autres protagonistes : une remplaçante, ancienne élève de l’établissement, qui voit avec horreur et consternation les mêmes schémas de violences et de domination se répéter de génération en génération et un club secret de collégiens qui enquête sur une possible fin du monde.
Amoureuse inconditionnelle de La Passe-Miroir, j’étais vraiment impatiente de découvrir le nouveau roman de Christelle Dabos. Je savais qu’il était très différent de sa précédente saga, j’ai donc décidé de l’aborder comme le livre d’une autrice inconnue. Et bien je n’ai pas été déçue !
L’atmosphère de ce livre est pesante. Tout comme les personnages, on ressent la pression du regard des autres, la crainte des bandes, des groupes, des oppresseurs. Dans Ici et seulement ici, le malaise est décuplé par la sensation d’être prisonnier du collège. Les règles qui ont cours à l’extérieur ne s’appliquent pas dans cet établissement. Intimidation et brimades s’y font en toute impunité, et les adultes, censés être des figures d’autorité, semblent totalement dépassés par les élèves qui imposent leur loi. Le prince des 3e en est un exemple marquant.
Mais plus encore que les élèves, c’est le lieu lui-même qui paraît régir la vie de chacun. Si Christelle Dabos décrit peu le physique de ses personnages, elle ne se prive pas en revanche de dépeindre ce sinistre collège. Les « toilettes de l’enfer », où les collégiens manquent de disparaître, les chaises et les tables délabrées de la bibliothèque, tout cela confer une atmosphère presque horrifique à cet établissement scolaire.
Malgré son côté très réaliste, l’écrivaine n’hésite pas à insérer de véritables touches de magie. Rien n’est laissé au hasard, et tous les pouvoirs développés par les adolescents sont finalement une réaction directe à l’ambiance qui règne au sein de l’établissement. Iris devient invisible par crainte de se faire harceler.
Christelle Dabos introduit aussi des éléments mystiques, avec une fin du monde programmée et cyclique qui n’intervient que là-bas. Elle ne porte pas seulement un regard sur le collège, elle analyse notre société, régie par des jeux de lutte et de dominations, mais aussi par le rejet de ce qui est différent et qui sort de la norme. Car que font ces adolescents, sinon reproduire ce qu’ils voient dans le monde des adultes ?
Un mot enfin, sur la plume de l’autrice. Quelle évolution depuis La Tempête des échos ! Christelle Dabos écrit ici de façon moins sage, plus crue, mais toujours aussi riche. Elle parvient à faire entendre à merveille les voix des différents protagonistes.
Le récit évoqué est sombre, mais l’écrivaine instille souvent des touches d’humour bien pensées qui nous permettent de respirer dans l’atmosphère empoisonnée d’Ici et seulement ici.
J’ai eu la chance d’assister à la soirée de lancement du roman à la Librairie de Paris, et je rejoins les mots du libraire qui disait fort justement que ce nouveau roman pouvait guérir l’élève harcelé que nous avions été. Alors je vous encourage à découvrir ce nouveau roman de Christelle Dabos.
Sombre, déroutant mais addictif, vous tremblerez, vibrerez, remettrez votre vieille peau d’adolescent pour une expérience fantastique, cauchemardesque et riche Ici et seulement ici !
Si vous êtes victime ou témoin de harcèlement scolaire :
Le 3020 est un numéro d’appel gratuit opéré par l’École des parents et des éducateurs d’Île-de-France subventionné par le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. Il s’adresse aux élèves, aux familles et aux professionnels témoins ou victimes d’une situation de harcèlement entre élèves.
Le 3020 est joignable du lundi au vendredi, sauf jours fériés, de 9h à 20h du lundi au vendredi et de 9h à 18h le samedi.
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