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lundi 29 avril 2019

L'été circulaire de Marion Brunet

L’été circulaire


Marion Brunet



L'été circulaire / Marion Brunet


Jo et Céline, deux sœurs de 15 et 16 ans vivent dans une petite ville de province du Sud de la France. Écrasées par le soleil, la chaleur et l’ennui, elles s’apprêtent à vivre un été semblable à tous ceux qui ont précédés, en partageant leur temps entre la fête foraine du village et les baignades clandestines dans les piscines de villas inoccupées. Mais tout bascule lorsque l’on s’aperçoit que Céline est enceinte. Devant son refus de dire qui est le père de l’enfant à naître et l’impossibilité d’avorter, une tension va peu à peu gagner la famille et les amis des deux adolescentes. La jeune femme va s’attirer le mépris de sa mère et la colère de son père, un alcoolique irascible et violent, soupçonnant tous les hommes qui s’approchent de Céline et capable de commettre l’irréparable…

Ce roman constitue un véritable choc, une immense découverte. J’avais entendu parler de cette œuvre puisque Marion Brunet a remporté le Grand Prix de littérature policière en 2018, mais je n’avais pas prévu de le lire. Le premier chapitre m’a cependant fait changer d’avis. Le début violent de l’histoire, où Céline reçoit une gifle de son père, nous fait plonger dans le récit et nous pousse à continuer notre lecture.

« Ce soir, Céline, c’est pas une main au cul qu’elle se prend, c’est une main dans la gueule. »

Marion Brunet retranscrit parfaitement l’ambiance lourde du récit via les descriptions du paysages. Ces maisons décrépites et toutes semblables traduisent l’enfermement des personnages qui ne semblent pas pouvoir changer de vie, échapper à leur quotidien.

La famille de Céline et Jo est particulièrement détestable. Nous avons l’impression qu’il existe une sorte de malédiction qui conduit l’histoire à se répéter sur plusieurs génération, en effet la mère de Céline avait également eut sa fille très jeune de façon accidentelle. Nous sentons également toute la rancœur accumulée par père des jeunes filles contre sa situation sociale, son manque d’argent. C’est un homme fermé sur lui-même, raciste et plein de violence. C’est un personnage qui apporte une grande tension au récit.

Céline et Jo quant à elles sont très intéressantes car ce ne sont pas des héroïnes idéales. En effet l’auteure n’essaye pas de nous les rendre sympathiques mais de les dépeindre de façon réaliste. Même si les deux sœurs s’aiment, et que Jo soutient Céline, cela ne l’empêche pas de montrer par moments dure avec elle. Jo est une jeune fille particulièrement insaisissable, sauvage, presque dangereuse. Pourtant cette détermination, cette force, et ce goût pour le théâtre qu’elle découvre tout au long du roman nous fait penser que, de tous ceux qui l’entourent, c’est peut-être la seule qui parviendra à s’échapper de cette vie misérable.

Jo n’est pas forcément sympathique de prime abord, mais nous apprenons à l’aimer et à l’apprécier au fil des pages.

Marion Brunet décrit aussi à la perfection les ravages que le racisme et l’ignorance peuvent faire, combien nous pouvons tout mélanger lorsque nous sommes mal informés et ainsi créer des tensions terribles, qui amènent à des éclats de violence. Sa plume, incisive, avec des termes crus et vulgaires, nous plonge une fois encore dans l’atmosphère du village et ne nous épargne aucun détail. Cela rend ce roman encore plus percutant et marquant.

Je vous recommande donc chaudement la lecture de L’été circulaire qui vous hantera pour longtemps !

L'été circulaire de Marion Brunet publié aux éditions Albin Michel.

lundi 15 avril 2019

Les amours d’un fantôme en temps de guerre de Nicolas de Crécy

Les amours d’un fantôme en temps de guerre


Nicolas de Crécy

 


Les amours d’un fantôme en temps de guerre / Nicolas de Crécy


Alors qu’il s’amuse au-dehors, un bébé fantôme perd brusquement la trace de ses parents. Il est heureusement recueilli par son oncle Boris qui lui procure un nouveau logement en compagnie d’une autre jeune fantôme, Lili, orpheline également. Les deux enfants vivent pendant un temps dans une certaine insouciance, hantant une vieille ferme occupée par une famille d’humain. Mais ils réalisent bientôt qu’un terrible danger pèse sur leur monde : les Fantômes Acides, des êtres maléfiques, veulent imposer leur domination et détruire tous ceux qui ne sont pas comme eux. Notre petit fantôme va alors décider de tout faire pour les combattre.

J’avais entendu parler de ce roman sur la chaîne Youtube de la booktubeuse Lemon June. Le résumé m’avait particulièrement intriguée puisqu’il s’agit d’une réécriture de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale avec des fantômes. En effet le parallèle entre les Fantômes Acides et les nazis n’est pas difficile à établir, d’autant plus qu’il est explicité par l’auteur: l'Histoire des fantômes a toujours un temps d’avance sur la nôtre. Ainsi, alors que la résistance contre les êtres maléfiques est à son paroxysme, l’humanité entame l’année 1933 avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler en Allemagne.

L’originalité de ce roman tient d’abord du fait qu’il est magnifiquement illustré. L’auteur dessine son univers avec un trait qui peu paraître assez simple et enfantin au premier abord mais qui se révèle très efficace, puisqu’il parvient à alterner des paysages de campagnes idylliques et paisibles, symboles de l’innocence première des protagonistes, et des ambiances plus sombres et oppressantes qui évoquent la guerre et la violence. Cela donne un côté immersif et agréable à notre lecture, puisque l’objet livre est magnifique.

Les amours d’un fantôme en temps de guerre   Nicolas de Crécy


L’histoire est aussi très bien menée. L’idée de mettre en scène des fantômes est assez originale et sert véritablement le récit. En effet, outre l’évocation des ravages de la guerre, le personnage principal s’interroge sur sa condition de fantôme, son origine. Il se demande pourquoi il existe alors que tous les humains ne se réincarnent pas en fantômes. Nicolas de Crécy nous dresse le portrait d’une quête identitaire d’un peuple de façon très réaliste. Tout au long du livre, plusieurs autres fantômes vont avancer des théories sur leur origine. Ce questionnement les rend au fond très humains. En parlant des spectres, l’auteur parle aussi de nous.

Les amours d’un fantôme en temps de guerre   Nicolas de Crécy


L’écriture de Nicolas de Crécy est très poétique, fluide et touchante. Nous avons l'impression de filer au rythme des fantômes, nous ne pouvons nous arrêter de tourner les pages. Ce roman procure surtout beaucoup d’émotions et j’ai eu le cœur serré à de nombreuses reprises. J’ai aussi été ravie de la façon dont l’auteur parvient à lier le monde des fantômes à celui des hommes. A un moment du récit, il évoque même Anne Frank.

Les amours d’un fantôme en temps de guerre   Nicolas de Crécy


De plus, j’ai eu l’impression de sentir le personnage mûrir via le style d’écriture tout au long du récit. Le roman s’achève également sur une note plutôt sombre, mais malheureusement très réaliste, qui nous incite nous aussi à tenter de nous dresser à notre échelle, avec nos moyens, contre le mal.

Je vous recommande donc chaudement le livre de Nicolas de Crécy pour ses personnages attachants, son histoire originale, son style d’écriture poétique et ses magnifiques illustrations.


Les amours d’un fantôme en temps de guerre de Nicolas de Crécy publié aux éditions Albin Michel.

La vidéo de Lemon June: