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lundi 28 mai 2018

Au revoir là-haut de Pierre Lemaître


Au revoir là-haut

 

Pierre Lemaître

 
Au revoir là-haut / Pierre Lemaître

La Première Guerre mondiale a fait des ravages dans toute l’Europe. Dans cette histoire, Pierre Lemaître nous invite à nous pencher sur le sort de deux soldats français, Albert Maillard et Edouard Péricourt. Alors qu’ils ont survécu à quatre ans de guerre, leur destin va basculer lorsque leur capitaine, Henri d’Aulnay Pradelle, décide de mener un dernier assaut pour se couvrir de gloire à quelques jours de l’armistice.

Afin de motiver des troupes réticentes, il s’arrange pour tuer deux soldats en faisant croire que ce sont les Allemands qui les ont abattus. Mais Albert comprend le stratagème. Pradelle décide donc de le tuer froidement. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’Edouard, l’homme le plus chanceux du régiment, est déterminé à le sauver. Alors qu’il parvient à déterrer son camarade du trou où le capitaine l’a poussé, il se prend un éclat d’obus en plein visage.

Cette blessure abominable, qui le laisse défiguré, va lier le destin des deux soldats. Se sentant coupable pour Edouard, Albert va rester près de lui et le suivre dans ses idées les plus folles, quitte à monter l’arnaque la plus scandaleuse pour récolter de l’argent, une société de faux monuments aux morts.

Ce roman n’est plus véritablement a présenter, il a remporté le prix Goncourt en 2013 et été adapté au cinéma. J’ai vu le film d'Albert Dupontel avant de me plonger dans le livre, le réalisateur a fait un travail magnifique et assez fidèle au roman. Je n’ai donc pas été déçue par ma lecture.

L’incipit de d’Au revoir là-haut est saisissant, nous assistons à une scène de combat décrite minute par minute. En quelques pages, l’auteur parvient à retranscrire la violence de la guerre, la puissance destructrice des armes à feu et la peur ressentie par les soldats avant de mener l’assaut. Cette scène est aussi bouleversante dans le film. Grâce à ce début très efficace, nous avons envie de connaître la suite.

Les personnages sont aussi très attachants. J’ai de l’affection pour Albert, cet antihéros maladroit et pourtant si attendrissant. Malgré sa faiblesse de caractère, on ne peut s’empêcher de l’apprécier, d’autant qu’il dégage tout de même une force, notamment par sa bonté qui le pousse à prendre soin de son camarade, à se démener pour lui. C’est au fond un protagoniste très humain.

J’ai également bien aimé Edouard, même si j’ai eu moins d’empathie pour lui que pour Albert. Cela peut paraître étonnant quand on sait qu’il a une terrible blessure, mais j’ai parfois trouvé le jeune homme trop égoïste, déconnecté de la réalité. Même si l’éclat d’obus qu’il a reçu l’a traumatisé, ce qui est très compréhensible, j’ai parfois trouvé qu’il se comportait comme si tout lui était due. Cependant, nous pouvons encore une fois noter qu’Edouard est un personnage très humain, avec ses qualités et ses défauts.

Le père d’Edouard, M. Péricourt, est également fascinant. Alors que du vivant de son fils il n’a cessé de le mépriser, ne pouvant se résoudre à aimer ce garçon artiste, trop différent de lui, il éprouve de terribles regrets en le croyant mort (le jeune homme refuse de revenir chez lui défiguré). Il fait donc tout pour racheter sa conduite passée et se réconcilie presque avec son enfant dans le deuil. Ce chemin est très intéressant, car cet homme si dure et froid reconnaît enfin ses erreurs et fait un long travail sur lui-même.

Enfin, j’ai adoré détester Henri d’Aulnay Pradelle. Ce personnage est tellement abjecte qu’on est presque content de le voir réapparaître pour espérer sa chute. Lorsque les choses se compliquent pour le capitaine, on exulte de joie. La fin de Pradelle dans le roman m’a un peu déçue cependant, j’ai préféré celle du film, j’ai trouvé que cela était plus ironique et cruel, ce que ce protagoniste mérite amplement.

Nous pouvons aussi ajouter que même les protagonistes de passage sont magnifiquement développés par l’auteur. En quelques lignes Pierre Lemaître parvient à décrire le caractère de chacun, leurs ambitions, leur passé, leurs rêves.

Le style de l’écrivain est aussi très agréable, plein d’ironie et d’humour noir, ce qui colle parfaitement avec l’atmosphère de l’œuvre. Ce livre est également intéressant d’un point de vue historique, puisqu’il nous rappelle que l’Armistice ne signifie pas que tout rentre immédiatement en ordre, pour certains soldats, la véritable guerre commence après la guerre.

Je vous recommande donc chaudement Au revoir là-haut, qui vous offrira une palette de personnages humains et attachants mais également des arrivistes à détester et une histoire de France comme vous n’en avez jamais lu !

Au revoir là-haut de Pierre Lemaître publié aux éditions Le Livre de Poche.

La bande annonce de l'adaptation cinématographique d'Albert Dupontel.



Cette année, Pierre Lemaître a également publié la suite de son roman, Couleurs de l'incendie, où nous nous focalisons davantage sur la soeur d'Edouard, Madeleine. Je ne l'ai pas encore lu, mais j'ai hâte d'en apprendre plus sur la jeune femme.

Couleurs de l'incendie / Pierre Lemaître

lundi 7 mai 2018

Le Lac de Yana Vagner (suite de Vongozero)


Le lac

 

Yana Vagner


Le Lac / Yana Vagner

Le Lac est la suite du roman Vongozero. Si vous n’avez pas lu ce livre, ne lisez pas cette chronique et allez plutôt consulter mon article ici pour éviter toute information susceptible de briser le suspense du tome 1 !

Anna et ses compagnons ont finalement atteint Vongozero après des semaines de fuite effrénée. Cependant, leur arrivée à destination ne signifie pas que leur vie soit de tout repos. Les survivants sont entassés dans une cabane minuscule, exposés au froid, au manque de nourriture, d’intimité, d’espace. Plus les jours passent, moins Anna supporte la présence de ses voisins qu’elle déteste et de l’ex-femme de son mari, Irina, qui est si mystérieuse. Sans compter que nulle échappatoire n’est possible, car au-dehors, la maladie est loin d’avoir fini de décimer la population. La venue d’étrangers va alors bouleverser la vie des survivants de Vongozero. Ils vont devoir traiter avec les nouveaux venus pour le meilleur, comme pour le pire.

Dans ma précédente chronique, j’avais dit que la fin de Vongozero se suffisait à elle-même. Pourtant, je n’étais pas mécontente de retrouver les personnages du tome 1 ! L’auteur parvient immédiatement à nous replonger dans l’ambiance oppressante du premier livre. Nous ressentons le confinement éprouvé par Anna et nous désirons nous échapper avec elle. Cette atmosphère est presque pire car, dans un premier temps, les protagonistes étaient en voiture alors qu’à présent, ils ne quittent plus leur île. Les femmes notamment, sont confinées à l’intérieur de la bâtisse et doivent s’occuper des enfants et de la cuisine, ce qui rend l’atmosphère irrespirable.

Pour ceux qui craindraient de se lasser de cette ambiance, sachez que peu à peu, l’auteur va apporter des changements à son intrigue. Pour commencer, l’arrivée d'étrangers va bouleverser le quotidien du groupe. Cela va également permettre de mettre en valeur le personnage d’Anna puisqu’elle est particulièrement appréciée des nouveaux venus, ce qui vaut aux survivants une aide précieuse.

De plus, si dans le tome 1 notre héroïne avait dû mal à faire entendre sa voix, elle va connaître une évolution, notamment à cause de l’oppression qu’elle ressent en permanence au quotidien. Vivre toute la journée aux côtés de femmes qu’elle déteste va peu à peu la rendre presque folle et la faire sortir de ses gonds, au point de jeter une assiette à la tête de ses camarades. Elle va également pouvoir enfin exprimer son désir de ne plus vivre confinée à Sergueï. Même si ce changement d’attitude n’aura pas tout de suite l’effet escompté, il est plaisant de voir Anna s’affirmer.

La jeune femme parvient aussi à se détacher davantage de son époux et à se montrer plus indépendante, plus forte, plus froide.

Il y a également un passage que j’ai considéré comme un tournant du récit, celui où toutes les femmes se confient autour d’un verre d’alcool. Alors que les hommes sont partis en mission, elles vont peu à peu ouvrir leur cœur, ce qu’elles n’avaient jamais fait alors qu’elles se connaissent depuis longtemps. Même si cela n’empêchera pas Anna de déménager dans une autre demeure, ces confessions vont améliorer les relations entre toutes les femmes, ce qui est très intéressant et rend l’atmosphère du livre plus respirable.
Cela donne également de l’épaisseur aux personnages, notamment à ceux de Marina, Natacha et Irina, qui n’étaient finalement pas beaucoup exploités dans le tome 1.

Au niveau des personnages, j’ai beaucoup d’affection pour Anna, que je trouve très réaliste et novatrice, loin des stéréotypes de l’héroïne de dystopies habituelles. Grâce à cela, nous pouvons facilement nous identifier à elle et compatir à ses malheurs. J’ai aussi beaucoup aimé retrouver le vieil et bourru Boris.

En revanche, je n’ai pas du tout apprécié Sergueï, que j’ai trouvé très égoïste et peu soucieux du bonheur de son épouse. Alors qu’Anna finit par exploser à force de vivre enfermée avec des personnes qu’elle ne peut supporter, ce-dernier ne veut pas faire d’efforts pour changer les choses. Il faut que son ex-femme Irina se mette du côté de la jeune femme pour qu’il prenne une décision.

Une fois encore, la relation entre les deux femmes est très différente de ce à quoi on pourrait s’attendre. Il n’y a pas de scènes brutales entre elles, pas d’horribles disputes, simplement une tension permanente. Cette tension va cependant peu à peu se dissiper pour devenir une complicité, une bonne entente, notamment à la fin du livre. A plusieurs reprises elles vont se soutenir mutuellement. Elles vont finir par former une sorte de famille. Cet aspect du récit m’a beaucoup plu, j’ai trouvé cela très original.

Enfin, le fait que le principal élément perturbateur de ce tome soit de nouveaux arrivants n’est pas du tout ennuyeux, au contraire, je trouve que cela renforce l’originalité de l’œuvre. En effet, avec l’arrivée du virus dans le tome 1, on pourrait s’attendre à des mutations génétiques créant des espèces de zombies comme dans d’autres dystopies, mais l’auteure ne s’attarde pas sur la raison de la propagation de la maladie. Elle nous livre simplement des détails sur les symptômes nous informant de sa présence.

Cela permet de souligner le fait que le plus grand danger pour l’homme est l’homme lui-même. A l’heure du chaos, la loi du plus fort renaît, tout s’achète et se négocie. Yana Vagner arrive à créer une tension dans le récit.

Je recommande donc chaudement la lecture de ce tome 2 pour l’évolution des personnages, notamment celui d’Anna, et la relation entre Anna et Irina. Ce roman est addictif, nous ne pouvons nous arrêter de le lire une fois commencé !

Le Lac de Yana Vagner publié aux éditions Pocket.