Suivez-moi sur les réseaux !

lundi 23 décembre 2019

3 livres sur... la famille Brontë

3 livres sur… La famille Brontë



Jane Eyre de Charlotte Brontë et Les Hauts de Hurlevents d'Emily Brontë comptent parmi mes romans préférés. Éblouie par l’œuvre de ces écrivaines, j’ai voulu en apprendre un peu plus sur leur vie personnelle et sur la genèse de leurs livres respectifs. Voici mes trois livres pour plonger dans les arcanes du monde des Brontë.



L’amour caché de Charlotte Brontë par Jolien Janzing

 

3 livres sur... La Famille Brontë

 


L’autrice revient sur un épisode particulier de la vie de Charlotte Brontë : le moment où elle se rend à Bruxelles en compagnie de sa sœur Emily afin de se perfectionner dans l’étude du français. Là-bas, Charlotte a la joie de découvrir la vie animée de la grande ville mais y fait également la rencontre de Constantin Heger, un professeur dont elle est follement éprise et qui lui inspirera notamment Mr Rochester dans Jane Eyre.

Ce roman est une très bonne surprise ! Je craignais que l’auteur ne se focalise uniquement sur l’aspect « romantique » de cet épisode de la vie de Charlotte Brontë, mais elle prend le temps de poser le contexte de son intrigue et n’oublie pas traiter les relations entre les deux sœurs au pensionnat. Elle dépeint également très bien le désir d’écrire de la jeune femme, ses rêves, ses ambitions et ses envies d’évasions. Ce roman donne envie de se jeter sur son stylo ou son clavier et de se mettre à noircir des pages comme les écrivains Brontë !

La retranscription des évènements est réaliste et concorde avec ce que l’on sait de la vie de la famille. Jolien Janzing n’a pas pris de libertés invraisemblables avec les faits réels.

Ce roman est donc une lecture agréable pour les amoureux de la famille Brontë et du roman Jane Eyre, et s’adresse surtout à ceux qui ont déjà une connaissance solide de l’histoire de Charlotte.

L’amour caché de Charlotte Brontë par Jolien Janzing publié aux éditions L’Archipel.


Le monde infernal de Branwell Brontë par Daphné du Maurier :

 

3 livres sur... La Famille Brontë

 


Dans cette biographie romanesque, Daphné du Maurier, la célèbre autrice de Rebecca, rend ses lettres de noblesse au personnage le plus méconnu de la famille Brontë : Patrick Branwell, le frère aîné de Charlotte, Emily et Anne. En plus d’être l’auteur de nombreux poèmes et de peintures, c’est également lui qui a chapeauté une grande partie de la création d’un monde imaginaire dont les enfants Brontë aimaient relater les chroniques. Il est en effet connu que Charlotte, Emily, Anne et Branwell ont souvent mis en commun leurs écrits et ont partagé leurs univers, créant une véritable émulation collective.

Alors, pourquoi Branwell est-il presque oublié ? Pourquoi un jeune homme si brillant n’a-t-il rien publié de conséquent, mis à part quelques poèmes ? Daphné du Maurier nous dresse ici le portrait d’un être en proie à des démons, hanté par la mort de sa mère et de ses sœurs, (Marie et Elizabeth étaient les aînées la fratrie) et sombrant dans l’alcoolisme.

Ce livre fut une véritable découverte pour moi. En effet, avant d’être tombée par hasard sur l’ouvrage de Daphné du Maurier, je n’avais jamais entendu parler de Branwell Brontë. J’ai donc été agréablement surprise de voir que Branwell avait aussi écrit des poèmes et contribué fortement à la création de l’univers littéraire de la famille, sous la forme d’un pays nommé Angria.

J’ai aussi été stupéfaite d’apprendre que Branwell avait sans doute contribué à créer Les Hauts de Hurlevents, puisqu’un de ses amis rapporte qu’il lui en aurait lu un extrait. Cela n’enlève bien sûr rien au talent d’Emily, et ne peut être considéré comme du plagiat, dans la mesure où les frères et sœurs s’échangeaient régulièrement leurs personnages, sans compter qu’un être aussi dissolu que Branwell n’aurait pu mener à bien l’œuvre. Branwell a d’ailleurs sans doute servi d’inspiration à Emily pour le personnage d’Heathcliff.

Le texte de Daphné du Maurier met donc en lumière le rôle décisif de Branwell. Grâce à des extraits de ses textes insérés dans les chapitres, nous pouvons découvrir sa plume, aussi bien dans sa version originale que dans sa traduction. L’autrice parvient à instaurer du rythme à son récit, en ayant en ligne de mire la mort de son poète maudit. La fin de ce-dernier est peut-être un peu romancée dans sa description (Du Maurier est un romancière, pas une biographe), mais Le monde infernal de Branwell Brontë repose sur des bases et des sources fiables.

Le monde infernal de Branwell Brontë par Daphné du Maurier publié aux éditions de la Table Ronde.



Les Brontë par Jean-Pierre Ohl

 

3 livres sur... La Famille Brontë

 


Dans cette biographie, l’auteur s’intéresse à toute la famille Brontë, en partant des origines, avec l’installation de Patrick Brontë père à Haworth avec ses enfants jusqu’au décès de Charlotte en 1857. Il parvient, sans que cela ne soit trop long ou ennuyeux, à s’intéresser à chacun des enfants Brontë. Ayant vécu le plus longtemps, Charlotte a une place plus grande dans le récit.

J’ai aimé découvrir la façon dont elle a tenté de se frayer une place dans le monde littéraire de son époque, une fois l’identité du Currer Bell découverte. Jean-Pierre Ohl n’hésite pas également à mettre en perspective les précédentes biographies de Charlotte Brontë. Il critique notamment celle de l’amie de la romancière, Elizabeth Gaskell, qui n’est pas toujours exacte dans ses propos, et nuance le portrait sombre de Branwell dressé par Daphné du Maurier, en arguant que la descente aux enfers du jeune homme n’est pas aussi brutale.

Il nous invite également à réfléchir sur la fascination exercée par la famille Brontë et sur le fait que parfois la vie des auteurs semble davantage fasciner le public que leur œuvres elles-mêmes, ou que les analystes littéraires n’hésitent pas à tirer des conclusions hâtives voire fantaisistes en se basant sur leur biographie. (C’est notamment le cas avec Les Hauts de Hurlevent).

J’ai trouvé cet écrit complet, intéressant à lire et assez rythmé pour que le texte ne soit pas plat et descriptif. L’auteur ne nous surcharge pas de dates et d’éléments historiques. Une chronologie et des annexes sont disponibles à la fin de l’ouvrage, ainsi que des illustrations et des gravures des trois sœurs, de Branwell et de leur père.

Pour les amoureux de la famille Brontë ou ceux qui désirent en savoir davantage sur les auteurs de leurs romans préférés, ce livre est à découvrir !

Les Brontë par Jean-Pierre Ohl publié aux éditions Folio.

mercredi 4 décembre 2019

La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos par Christelle Dabos

La tempête des échos


La Passe-Miroir Livre 4


Christelle Dabos


La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos / Christelle Dabos


Que dire ? Comment commencer ? Des années de lecture, des années d’attentes, et enfin il est là. Le tome 4 de La Passe-Miroir, cette série qui a traversé mon adolescence depuis 2013. J’attendais ce roman avec une telle impatience que je comptais les jours qui me séparaient du 28 novembre 2019. Lorsque jeudi j’ai eu le livre entre les mains, j’ai attendu jusqu’au vendredi soir pour m’y plonger, afin de ne pas être dérangée dans ma lecture et de pouvoir lire les cinq cent et quelques pages d’un coup si cela me chantait. Bien m’en a pris. A quatre heures du matin, les joues mouillées de larmes, j’avais terminé les aventures d’Ophélie et Thorn.

J’essayerai de ne pas inclure de spoilers dans cet article, mais je recommande vivement à ceux qui n’ont pas encore lu les précédents tomes de La Passe-Miroir d’éteindre leur ordinateur et de courir entamer leur lecture.

Une fois de plus, Christelle Dabos parvient à nous emporter dans une histoire totalement inattendue et pleine de rebondissements. En effet, pour approcher au plus près du secret d’Eulalie Dilleux, de la Déchirure et de sa propre identité, Ophélie se fait admettre à l’Observatoire des Déviations de Bablel, un établissement où sont notamment examinés ceux qui n’entrent pas dans les codes de la cité. Les inversés comme elle sont particulièrement recherchés. Mais dans cette aventure, Ophélie ne sera pas seule. Malgré son déguisement de Lord de Lux, Thorn fait équipe avec elle, et c’est un vrai plaisir d’assister à leur travail en équipe et à leur vie de couple si peu conventionnelle.

La tempête des échos n’est pas un tome facile. Bien qu'emportée par la magnifique plume de l’autrice, je me suis malgré tout demandé à certains moments de ma lecture si j’avais bien tout compris de l’intrigue. En effet, le secret de l’univers de La Passe-Miroir n’est pas à la portée du premier apprenti venu, et il faut s’accrocher au moindre indice pour ne pas perdre le fil de l’histoire. Mais une fois que les pièces du puzzle se mettent en place, tout devient clair et limpide, et c’est un vrai plaisir de comprendre enfin pleinement cet univers.

Ce tome 4 est également l’occasion de revenir avec plus de détails sur certains thèmes qui traversent l’œuvre et dont nous saisissons toute l’importance dans ce livre.

Il y a notamment la violence et la contrainte dont on est prêt à user pour faire respecter sa vision du bien, notamment à travers Lady Septima, déterminée à exclure tous les étrangers de la cité de Babel, ou Lazarus, un explorateur en apparence inoffensif mais capable de sacrifier des vies humaines pour ses recherches ou ses inventions. De manière générale, le rejet de ce qui est différent, non-conforme à une norme établie, est un sujet souvent traité au fil des tomes. Au Pôle, Thorn était méprisé pour être né d’un adultère. A Babel, les citoyens sont capables d’être internés pour une orientation sexuelle (comme pour Blasius) ou parce qu’ils présentent une « anomalie » dans leur pouvoir.

Cela m’amène à évoquer le lieu principal de cette intrigue : l’Observatoire des Déviations. Cette sorte d’institut, d’hôpital m’a glacé le sang. J’y ai ressenti le profond malaise d’Ophélie et des pensionnaires, la terrible sensation d’être pris au cœur d’un système sans queue ni tête, où le patient est réduit au stade d’un enfant soumis à ses médecins. J’ai l’impression que Christelle Dabos a voulu dépeindre dans ce roman la violence dont pouvait faire preuve le corps médical et les dérives de certaines expériences. En effet, le but de l’Observatoire n’est pas de soigner leurs patients, mais de les utiliser à des fins despotiques.

Dans cet étrange lieu, au multiples couches, Ophélie va véritablement au bout d’elle-même, puisqu’elle découvre enfin le secret de son identité. J’ai rarement vu un personnage aussi malmené ! Tout au long de l’intrigue la jeune femme est forcée de remettre en question son identité, ses valeurs, ses choix. Pour survivre au Pôle, elle a dû lutter contre sa timidité et son attitude réservée. Pour vaincre l’Autre, Ophélie doit interroger son être profond, sa propre personne. La suivre dans ses découvertes est vraiment passionnant et déroutant. A la fin de ce tome, nous réalisons l’incroyable chemin qu’elle a parcouru depuis le moment où nous l’avons pour la première fois vu franchir un miroir dans les Archives Familiales d’Anima.

Thorn aussi est un personnage qui évolue de façon considérable. Ce tome 4 nous permet pendant de brèves parenthèses de suivre son point de vue. Nous avons notamment droit à des flash-back de son enfance, ou à des explications sur la façon dont il est parvenu à s’échapper du Pôle. Il se montre également plus expansif, il exprime davantage ses sentiments. Il est un soutien indéfectible pour Ophélie. Ces deux protagonistes m’ont énormément touchée. Nous comprenons que Thorn désire simplement être utile à quelqu’un, se sentir aimé, accepté.

A travers ces personnages principaux, Christelle Dabos semble aussi nous montrer combien le corps peut être une source de fardeau, de handicap. Thorn, avec sa jambe articulée, porte le signe criant de son infirmité physique. Il ne peut dissimuler ce qu’il considère comme une faiblesse, et en ressent de la honte et de l’agacement. Le fait qu’il ait de plus en plus de mal à contrôler ses griffes renforce le dégoût qu’il éprouve pour lui-même. Le moment où il parvient enfin à s’accepter grâce au regard de sa cousine Victoire m’a profondément émue. Il est rare dans les romans jeunesse de voir des personnages masculins ressentir un dégoût profond pour leur apparence physique. La question des complexes est en effet souvent réduite au personnage féminin.

Ophélie aussi perçoit son corps comme un fardeau, une entité qui ne lui obéit pas et qui la trahi. Outre sa maladresse légendaire, la jeune femme découvre avec tristesse qu’elle ne pourra jamais avoir d’enfant. Ce droit à la maternité qu’elle s’est involontairement retiré en libérant Eulalie du miroir la marque de manière aiguë et la fait se sentir coupable, incomplète. Là encore, le soutien de Thorn est bienvenu.

Les autres personnages que nous connaissons, bien que moins présents qu’Ophélie et Thorn, sont malgré tout évoqués. Victoire effectue une belle évolution, puisqu’elle parvient enfin à nouer un lien fort avec le monde extérieur. J’ai été ravie et touchée de voir que Berenilde accède enfin à ce qu’elle a toujours aspiré : une famille. Le fait que tous les animistes, notamment la tante Roseline et le grand Oncle soient présents pour la bataille finale m’a enchantée !

Tous les esprits de famille sont également présents dans le Mémorial, notamment Farouk et Artémis. Farouk montre encore une fois sa clairvoyance supérieure à celle de ses frères et sœurs.

Les personnages que j’aurais peut-être aimé voir davantage sont sûrement Gaëlle, Renard et Archibald, mais Christelle Dabos parvient à consacrer plusieurs chapitres à leur périple sur Arc-en-Terre, nous permettant de rencontrer Don Janus, le seul esprit de famille à avoir conservé sa mémoire. Mais l’autrice gère plutôt bien le temps imparti à chacun de ses personnages, tout en concluant son intrigue complexe. J’ai simplement du mal à quitter son univers.

Jusqu’aux dernières pages, Christelle Dabos parvient à nous faire avoir des frissons ! Et cette fin, cette fin !! Au début, je n’étais pas sûre de l’apprécier. J’avais envie de voir si Ophélie allait concrètement retrouver Thorn pour de bon, d’assister à leur vie future… Je ne voulais pas quitter la jeune femme maintenant, sur un passage de miroir !

Mais finalement, après m’être mouchée et essuyé les yeux, j’ai réalisé que cette fin était une fin magistrale et typique de La Passe-Miroir.

En effet, de mon point de vue, il est évident qu’Ophélie retrouve Thorn lorsqu’elle franchit ce miroir. Elle affirme « Nous reviendrons » à Archibald, avec ce ton assuré qu’elle emploie lorsqu’elle s’apprête à résoudre une difficulté. De plus, la chanson dans la boutique, évoquant la fugacité de l’amour, mais également sa capacité d’apparaître là où on ne l’y attend pas, sont significatifs. Enfin, les mots de Thorn, « Un peu plus que cela même. », écrit en italique comme lorsqu’Eulalie s’adresse à Ophélie depuis l’Envers, me font penser que c’est lui-même qui s’adresse à son épouse, ou du moins qu’il est toujours vivant ! Il a survécu au passage dans la Corne de l’abondance, il peut attendre qu’Ophélie trouve le moyen de revenir dans l’Envers.

Si j’ai considéré cette fin comme typique de la série, c’est parce que j’ai trouvé qu’elle laissait une grande liberté au personnage. En effet, comme l’explique Thorn, Ophélie ne cesse de vouloir acquérir son indépendance. Faire se terminer la saga sur son nouveau départ peut paraître frustrant, mais dans le même temps laisse libre notre imagination. Christelle Dabos nous a donné suffisamment de pistes de réflexions pour faire nos propres scénarios.

Ainsi, d’une certaine façon, les aventures d’Ophélie et Thorn ne sont jamais véritablement terminées. Même si nous ne pourrons plus jamais découvrir cette série, il nous sera toujours permis de redécouvrir La Passe-Miroir, d’en explorer les recoins cachés en retraversant le miroir et en replongeant dans ces romans chaque fois que nous le voudrons.

Je ne dis donc pas adieu à Ophélie, mais à bientôt dans une prochaine session de relecture, au cours d’un été brûlant ou d’un hiver venteux. Je veux également la remercier, pour m’avoir tant transportée, fait vibrer, émue au fil des pages, au fil des passages de miroirs. Merci à elle de m’avoir fourni de la force dans l’adversité, un modèle auquel m’identifier, une héroïne à citer.

Et merci surtout à sa créatrice, Christelle Dabos, dont la plume, l’imagination et le talent auront marqué un chapitre décisif de ma vie de lectrice. J’espère que son parcours dans l’écriture sera toujours aussi florissant, et je serai au rendez-vous si elle publie un nouveau roman. (Ou un essai, ou une BD, ou même sa liste de course!)

Que l’écharpe soit avec vous !

Un peu plus que cela même.

La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos de Christelle Dabos publié aux éditions Gallimard Jeunesse.

Le site de l'autrice: ici
La très bonne et émouvante vidéo de Bulledop, qui a contribué à faire connaître la série :


lundi 18 novembre 2019

The hate u give d'Angie Thomas

The hate u give


Angie Thomas




Starr, une jeune afro-américaine de 16 ans, a constamment l’impression de jouer un rôle et de n’être nulle part à sa place. En effet, ses parents issus d’un milieu pauvre, ont réussi à l’envoyer dans un lycée riche dont la population est majoritairement blanche.

Là-bas, Starr fait attention à ne pas employer des mots d’argot ou des attitudes qui pourraient rappeler à ses camarades de classe qu’elle est noire et qu’elle vient du « ghetto ». Mais dans son quartier, elle souffre du fait de ne pas être dans le même lycée que les personnes avec lesquelles elle a grandi, elle a le sentiment de les avoir trahis.

La vie de la jeune fille bascule lorsque lors d’un contrôle de police, son ami d’enfance Khalil est abattu sous ses yeux par un agent. Starr se retrouve obligée de faire un choix : se taire et bafouer la mémoire de son ami et des siens ou parler et s’exposer aux représailles de la police.

Ce roman est une bonne surprise ! J’avais entendu beaucoup de bien de cette histoire il y a un an, notamment lors de la sortie du film, et j’avais peur je l’avoue, de me lancer dans cette lecture. Je craignais en effet de placer la barre trop haut pour ce roman.
Or ce livre m’a au contraire beaucoup plu ! Il aborde avec justesse plusieurs sujets de sociétés, et notamment ceux concernant la société américaine.

J’ai tout d’abord apprécié comment l’autrice parvient à nous faire sentir le déchirement de l’héroïne prise entre deux rôles, deux mondes, deux identités. Nous ressentons sa crainte de ne pas être acceptée, son agacement quant au fait de devoir jouer un rôle, nous comprenons pourquoi elle le fait, mais nous voudrions l’encourager à être plus elle-même. La description de la vie au lycée de Starr nous fait également prendre conscience du côté insidieux du racisme ordinaire. Des remarques ou des attitudes adoptées en passant peuvent en réalité cacher un mépris ou des préjugés plus profonds. L’autrice fait également preuve de largesse de vue en incluant aussi des démonstrations de racisme envers la communauté asiatique, moins souvent dénoncé.

La description de l’assassinat du meilleur ami de Starr est juste et poignante. Angie Thomas n’insiste pas sur les détails sanglants, mais sur le caractère injustifié et absurde de ce meurtre. Elle pointe du doigt le fait que les agents ont souvent tendance a faire du délit de faciès lorsqu’ils contrôlent des conducteurs, et qu’ils ont des réactions disproportionnées. Cependant, elle ne tombe pas dans le piège du manichéisme, en faisant de Khalil un être pur et sans taches. Elle montre combien la société est nuancée, et que le monde ne se divise pas entre bons et mauvais. L’oncle de Starr par exemple, est aussi un policier.

Angie Thomas évoque aussi de façon détaillée l’emprise des gangs sur les quartiers pauvres où vivent une majorité d’afro-américains. Ces groupes apparaissent comme de véritables gangrènes pour le lieu où ils sévissent, empêchant les jeunes de trouver une autre voie que celle des trafics. Ce thème est notamment abordé à travers le père de Starr, un ancien membre de gang, et Khalil lui-même, accusé d’être un dealer. Nous pouvons aussi mentionner King, un puissant baron de la drogue qui fait notamment pression sur Starr pour l’empêcher de révéler qu’il a exercé des menaces sur Khalil.

Enfin j’ai été captivée par la façon dont Angie Thomas retranscrit le procès. Elle parvient à créer une atmosphère de tension, sans tomber dans le théâtral. En entendant les jurés, on se sent révoltés par leurs questions et leurs arguments, leur façon insidieuse de faire petit à petit reposer l’entière responsabilité de la mort de Khalil sur le garçon lui-même. Le pire est peut-être que cette histoire se déroule au XXIe siècle.

Ce roman est donc une œuvre coup de poing et un moyen aussi de prendre conscience que le racisme n'est pas un problème mineur, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs. The hate u give est aussi un bon roman pour se renseigner sur la culture et les codes afro-américains, notamment avec les nombreuses références au rap. Angie Thomas, afro-américaine elle-même et élevée à Jackson, Mississippi, nous décrit un monde qu’elle connaît parfaitement. La retranscription du slang de la jeune fille à l’argot de chez nous m’a d’abord surprise, mais finalement on s’y habitue bien, et cela ajoute de l’authenticité au récit.

The hate u give d'Angie Thomas publié aux éditions Nathan.

La bande annonce du film :


Le site web de l'autrice ici.

dimanche 3 novembre 2019

Nouvelles extraordinaires d'Edgar Allan Poe

 Nouvelles extraordinaires 

Edgar Allan Poe



Nouvelles extraordinaires Edgar Allan Poe

Avec un peu de retard je vous propose de vous plonger dans cet ensemble de textes pour continuer de fêter Halloween et la saison automnale tout au long de ce mois de novembre !

Dans ce recueil, Edgar Allan Poe nous emmène dans les profondeurs sombres de la société. Que ce soit dans le Cœur révélateur ou dans La chute de la Maison Usher, nous sommes face à des personnages torturés, persuadés d'être poursuivis par les des démons, des fantômes ou d'anciennes épouses ! L'auteur parvient à instaurer une ambiance sombre, angoissante, voire franchement déplaisante et horrifique ! Outre les nouvelles purement fantastiques, j'ai aussi apprécié les premières histoires plutôt policières. L'inspecteur m'a notamment fait penser à Sherlock Holmes grâce à son don de déduction incroyable ! Je recommande ces nouvelles à ceux qui désirent une lecture rapide et efficace pour frisonner, et qui ne désirent pas se lancer dans un gros roman.

Nouvelles extraordinaires d'Edgar Allan Poe publié aux éditions GF.

vendredi 27 septembre 2019

La Passe-Miroir: la couverture du tome 4 est révélée !

La Passe-Miroir

La tempête des échos : une couverture qui suscite la tempête sous nos crânes!



Enfin la couverture du tome 4 de La Passe-Miroir a été révélée par Christelle Dabos sur son blog ! Je la trouve magnifique, la couleur rouge va très bien avec les tons des autres tomes. Les bâtiments, de style asiatique, sont très beaux, et nous laissent présager la découverte d'une nouvelle arche ! (Peut-être Titan?)

J'ai si hâte d'être au 28 novembre ! Cette couverture est un cadeau avant l'heure, un avant goût délicieux ! Dans le même temps, je ne parviens pas à me dire qu'après ce livre-là, les aventures d'Ophélie et Thorn seront définitivement terminées... Après toutes ses années... six ans !

La tempête des échos n'est pas encore parue, cependant, je décide de faire un pari sur l'avenir, et affirmer que cette série dans son ensemble est une merveille. Christelle Dabos a magnifiquement bâti son histoire, en disséminant des indices sur le déroulement de l'intrigue dès le tome 1. En effet, les échos sont présents dès Les fiancés de l'hiver, lorsque le grand-oncle d'Ophélie écoute de la musique sur son gramophone et que le disque saute, puis dans le tome 2, lorsque Hector désire prendre des photos et ne parvient pas à en obtenir une de nette, et enfin dans le tome 3 lorsque les personnages écoutent la radio et que parfois les phrases se répètent !

Bref, la tempête se déchaîne également sous mon crâne, je pose ma plume, ou plutôt mon je lâche mon clavier, et je retourne à ma relecture du tome 1, 2 et 3 !

Que l'écharpe soit avec vous comme dirait Christelle Dabos !

Mes articles sur La Passe-Miroir :


Sur les tomes 1 et 2, cliquez ici
Sur le tome 3, cliquez ici
Mon article sur le TAG La Passe-Miroir inventé par Bulledop  ici

Ophélie et Thorn par Camille Rostan
 

lundi 12 août 2019

Sucre noir de Miguel Bonnefoy

Sucre noir


Miguel Bonnefoy

 

Sucre noir / Miguel Bonnefoy

 


Dans une partie perdue des Caraïbes est venu s’échouer le navire de Henry Morgan, un pirate ayant amassé une fortune colossale. Deux siècles plus tard, Severo, un jeune homme plein d’espoir et de rêves décide de partir à la recherche de ce fabuleux trésor. Mais ses projets vont être détournés par sa rencontre avec Serena, qui va lui apprendre que les plus beaux trésors ne sont pas forcément fait de pièces d’or. Alors qu’ils ont monté une florissante plantation de canne à sucre, leur fille adoptive Eva Fuego va elle aussi se mettre à rêver du trésor du capitaine Morgan ! Mais doté d’un tempérament plus fougueux et conquérant que ses parents, elle pourrait bien se laisser consumer par l’appât du gain…

Ce roman est une excellente surprise ! J’ai toujours aimé les histoires de pirates, et même si finalement ceux-ci sont très peu présents dans le récit, ils hantent toujours le livre à travers la quête des autres personnages.

Le ton de l’auteur m’a beaucoup plu, son style assez rythmé, presque poétique, fait penser à celui d’un conteur. Nous pouvons presque percevoir les bruits de la forêt profonde qui entoure la maison, le son des ouvriers dans les champs de canne à sucre. J’ai aussi apprécié suivre les différentes générations de personnages. Serena, qui apparaît d’abord pleine de vie et désireuse de suivre une autre voie que ses parents, rêvant d’amour et d’aventure, se range finalement dans une vie simple, aux côtés d’un homme pour qui elle a un attachement, mais pas vraiment d’amour.

Sa fille, Eva Fuego, m’a à la fois impressionnée, par sa capacité à bâtir un empire, et effrayée par sa cruauté, sa cupidité. Elle est aussi terrible que le forban Henry Morgan.

Les descriptions de l’auteur sont également très prenantes et nous permettent de nous représenter les décors du récit. J’ai particulièrement aimé la scène d’ouverture où il relate comment le bateau des flibustier s’est perché au sommet d’arbres.

Sucre noir ressemble à la description d’une malédiction qui s’abat sur la famille de cultivateurs. Si Severo semble parvenir à se soustraire à peu près à son envie de trésor, sa fille y succombe complètement. La fin, à la fois triste et grotesque, représente une véritable descente aux enfers, un châtiment. La soif d’or semble ronger la jeune femme, la demeure, et même la région.

Ce roman est très prenant et se lit d’une traite. Je le recommande à tous les aventuriers dans l’âme.

Sucre noir de Miguel Bonnefoy publié aux éditions Rivages.

lundi 5 août 2019

Les Brumes de Riverton de Kate Morton

Les brumes de Riverton


Kate Morton

 


Les brumes de Riverton / Kate Morton


A quatre-vingt-dix-neuf ans, Grace a eu le temps de vivre mille vies. Elle a été archéologue, professeure à l’université et a voyagé aux quatre coins du monde. Mais la période qui lui revient le plus clairement est l’époque où elle servait en tant que bonne au manoir de Riverton, en Angleterre, à l’aube du XXe siècle. Elle a notamment servi la jeune et fougeuse Hannah et sa jeune sœur Emeline. Mais être domestique permet aussi d’être au courant des secrets les mieux gardés. Grace sait par exemple la vérité au sujet du suicide d’un célèbre poète, Robbie, qui aurait été selon la rumeur le fiancé d’Emeline et l’amant d’Hannah. Hantée par les fantômes de son passé, la vieille femme est enfin prête à se confier…

Ce roman est une excellente lecture ! Une fois encore Kate Morton montre son talent à créer des intrigues bien ficelées et à dépeindre la haute société anglaise au début du XXe siècle. L’auteur parvient à rendre compte des vieilles traditions ancestrales, de l’ambiance qui pouvait régner depuis le salon jusqu’à l’office des domestiques. Elle nous fait également très bien percevoir les bouleversements qu’a subi ce monde bien ordonné, notamment avec les ravages de la Première Guerre mondiale, l’avènement des syndicats et l’explosion des conventions.

Les personnages de ce roman m’ont également beaucoup plu. J’ai adoré suivre Grace à la fois en vieille femme âgée qui relate son histoire et également en jeune domestique de quatorze ans. Ce double point de vue nous permet de savoir tous les détails de la vie des riches aristocrates qu’elle servait et d’avoir son point de vue critique et distancié des évènements. De plus, même si Kate Morton se concentre beaucoup sur le passé de Grace, elle ne néglige pas non plus son développement par la suite. Nous comprenons combien son service à Riverton a affecté toute sa vie future.

J’ai aussi beaucoup aimé suivre la relation qui s’établit entre Hannah et Grace. Même si elles ne sont absolument pas du même monde, elles parviennent à nouer une complicité. A travers les yeux de la jeune bonne, nous avons une image idéalisée d’Hannah, qui apparaît comme fougueuse et prête à briser les conventions. Mais il est intéressant de voir le développement qu’en fait l’auteure, en nous montrant comment elle est contrainte de se plier aux normes de son monde, en se mariant avec un homme qu’elle respecte mais n’aime pas. Ce choix de vie finalement rangée amènera son malheur. Kate Morton souligne à travers Hannah la sensation d’emprisonnement dont pouvaient souffrir les femmes de la haute société.

C’est finalement Emmeline qui se montre la plus libre des deux, en se lançant dans le cinéma, sans crainte de provoquer le scandale !

A la fin du roman, nous ressentons une tristesse vis à vis d’Hannah en pensant au destin dont elle rêvait et qu’elle n’a finalement pas eu.

Ce roman est un des plus célèbres de Kate Morton, que je recommande aux amateurs de la vie de la bonne société anglaise, des scandales et des enquêtes !

Les Brumes de Riverton de Kate Morton publié aux éditions Pocket.

Mon article sur un autre roman de Kate Morton, L'enfant du lac: ici

lundi 29 juillet 2019

Mille femmes blanches de Jim Fergus

Mille femmes blanches


Jim Fergus

 

Mille femmes blanches / Fergus

 


États-Unis, fin du XIXe siècle.

Afin de favoriser l’entente entre les Indiens et les hommes blancs, Little Wolf, le chef de la tribu cheyenne propose au président de lui échanger mille femmes blanches contre mille chevaux. Comme les enfants nés des unions entre les cheyennes et les femmes blanches seront élevés dans la famille de leur mère, le mélange pourra se faire entre les Indiens et les Blancs.

Alors qu’elle est internée à l’asile pour avoir vécu avec un homme de condition inférieur hors des liens du mariage, May Dodd a vent de ce projet fou. Désirant échapper à ce lieu terrible où elle est prisonnière, elle accepte avec une vingtaine de femmes, pionnières de l’aventure, de se lancer dans l’expédition. Elle va ainsi découvrir une culture, des coutumes et un mode de vie complètement différent du sien. Petit à petit, la jeune femme parvient à avoir une place importante dans la tribu, en se faisant même surnommer Mesoke, l’hirondelle.

Mais May va également assister à la fin de la civilisation indienne, minée par la boisson et l’avancée de l’homme blanc dans les terres, appâté par l’or et faisant fi des traités.

Ce roman est un coup de cœur ! Je n’ai absolument rien à redire à ma lecture, j’ai adoré cette expérience de bout en bout !
Le roman se présente sous la forme du journal intime de May, ce qui est déjà un bon point car nous pouvons percevoir toutes ses pensées, ses émotions, nous nous sentons au cœur de l’histoire. Le personnage de May Dodd est aussi extrêmement attachant. Elle est forte, déterminée, ouverte d’esprit et incroyablement moderne pour l’époque. Elle devient un modèle pour les autres femmes blanches et pour nous, nous donnant envie de nous battre pour notre place dans le monde.

May n’est pas le seul personnage attachant du roman. J’ai également apprécié découvrir les autres membres du groupe, notamment, Femi, une ancienne esclave bien déterminée à ne plus jamais se laisser asservir. Elle sera la première femme nommée guerrière dans la tribu. Femi est un personnage à part, du fait de sa couleur de peau, mais aussi de sa grande lucidité au sujet des réserves. Dès le début, contrairement à May et les autres, elle perçoit le côté emprisonnant de ce dispositif, et fait un parallèle avec l’esclavage. Les débats qu’elle a avec May Dodd sur le futur des indiens sont très intéressants, surtout lorsque nous connaissons la fin historique des évènements.

Hélène Flyt, une ornithologue, est aussi attachante que les deux autres. Sa passion pour les oiseaux lui permet à elle aussi d’avoir une place de choix dans la tribu cheyenne. Elle intègre véritablement les mœurs de son nouveau peuple. Gurthie, une jeune cochère déguisée en homme, m’a beaucoup plu, de par son fort caractère et sa franchise.

Le livre de Jim Fergus est principalement composé de personnages féminins. J’ai trouvé que l’auteur exploitait bien cet aspect du roman en évoquant plusieurs questionnements ou douleurs féminines. Tout d’abord, il évoque explicitement leur sexualité, notamment à travers May, qui est libérée et qui peut discuter de ces sujets avec des femmes moins expérimentées, notamment son amie Martha. Jim Fergus souligne aussi le fait que les femmes, quelques soient les tribus, sont la proie des hommes, de leur jugement, et de leur condamnation.

Ce roman comporte des scènes difficiles, notamment des scènes de viols. J’ai éprouvé un sentiment de colère, de révolte, d’impuissance et d’écœurement à la lecture de certains passages. L’auteur décrit avec une acuité terrible les ravages de la boisson sur les indiens. Ces scènes sont cependant ponctuelles et toujours justifiées.

J’ai aussi aimé voir la politique de la tribu cheyenne à travers un regard extérieur. Les femmes savent reconnaître les qualités de leur nouveau monde, comme la démocratie de la tribu, mais aussi ses défauts, tel que le manque d’unité entre les indiens.

La fin de ce livre m’a bouleversée et m’a laissée sans voix.

Je recommande ce roman à tous les amoureux de la civilisation indienne, de la conquête de l’Ouest et aussi des personnages féminins forts et attachants !

Mille femmes blanches de Jim Fergus publié aux éditions Pocket.

lundi 22 juillet 2019

Le Roi Magicien de Lev Grossman

Le Roi magicien


(Les Magiciens tome 2)

Lev Grossman





Pour lire mon article sur le tome 1, cliquez ici !

/!\ Cette article contient des révélations dérangeantes pour toute personne n’ayant pas lu le tome 1 et souhaitant commencer la lecture de la saga !

Quentin, Eliott et Jane sont à présents rois de Fillory. Mais comme toujours dans ce monde, rien ne se passe comme prévu, et Quentin ne voit pas venir la quête espérée, qui lui permettra de devenir un véritable héros. Une mission va finalement se présenter lorsque les jeunes gens se voient chargés de rassembler sept clés d’or susceptibles de sauver Fillory et le monde de la magie ! Alors que Quentin espère être au centre des évènements, il se retrouve projeté sur Terre et doit trouver son chemin pour regagner son royaume ! La quête du jeune homme ne semble pas seulement être celle de sauver Fillory mais également de découvrir quelle est pour lui la définition véritable du héros et son but dans l’existence. Aidé de son amie Julia, une « sorcière pourrie », il va parcourir le monde, en passant aussi bien par Brakebills que par Venise ou le pays du Ni !

Ce tome 2 m’a grandement satisfaite. Tout d’abord, nous retrouvons l’ambiance assez humoristique qu’instaure Lev Grossman en faisant prendre à son intrigue le contre-pied total des romans de fantasy habituels. En effet, Quentin semble toujours être empêché de se trouver au cœur de l’action. L’auteur nous surprend en permanence !

J’ai aussi apprécié retrouver certains personnages du tome 1 comme Eliott ou Josh. Mais ce que j’ai surtout adoré, c’est en apprendre plus sur Julia, la meilleure amie de Quentin avant son entrée à Brakebills, et délaissée dans le tome 1. Nous disposons d’informations sur ce qu’elle a accompli depuis son échec à l’examen d’entrée dans l’école de magie. C’est un personnage qui m’a grandement impressionné par sa détermination, sa persévérance, son refus de s’avouer vaincue devant l’échec, sa force. C’est une jeune femme blessée par la vie, mais qui parvient à se battre malgré tout. J’ai également beaucoup aimé que l’auteur nous renseigne plus sur l’origine de la magie.

Ce sont des romans que je recommande chaudement aux lassés de fantastiques et de fantasy, ils pourraient bien renouer avec le genre.

Le Roi Magicien de Lev Grossman publié aux éditions de l'Atalante.


J’ai également commencé à regarder la série télévisée diffusée sur Syfy. Celle-ci m’a également beaucoup plu, même si les réalisateurs ont effectués de nombreux changements par rapport aux livres. Je trouve cependant que ceux-ci sont réfléchis et indiquent qu’ils ont pensé à la structure de l’histoire et l’ont étudiée avec soin.

Quentin et Alice


En effet, dès la saison 1, nous suivons l’histoire de Julia et Quentin en parallèle, nous voyons leur évolution, le jeune homme chez les magiciens « officiels » de Brakebills, son amie dans les bas-fonds du monde fantastique, chez les sorcières. Cela me paraît logique et intelligent.


Julia dans la série



De plus, je trouve que les réalisateurs ont fait preuve d’audace et n’ont pas hésité à retranscrire les scènes « osées » des romans, où les adolescents boivent, fument, font l’amour. Ils n’ont pas lissés les personnages, ils les ont rendu avec leur failles, et n’hésitent pas à accentuer le côté parfois parodique de l’univers.

Je trouve qu’ils ont également rendu certains personnages plus intéressant, notamment Penny, qui est davantage développé que dans les romans. Nous en savons également plus sur certains évènements qui sont simplement effleurés, par exemple la tentative d’assassinat du Grand Roi de Fillory.

Penny


J’ai aussi apprécié le fait que Jane, qui s’appelle Margot dans la série, soit montrée comme régentant le royaume. Son côté autoritaire, et le fait qu’elle soit prête à tout pour aider Eliott m’a beaucoup plu.

Margot et Eliott


J’ai aussi aimé que l’homosexualité, le polyamour soient évoqués explicitement.

Je pense donc que ceux qui ont lu les romans pourront apprécier la série, malgré les modifications qu’elle apporte ! Je recommande cependant d’essayer de lire et de regarder les deux versions séparément pour ne pas se perdre dans l’histoire !

lundi 8 juillet 2019

Tropismes de Nathalie Sarraute

Tropismes

Nathalie Sarraute

 
Tropismes / Nathalie Sarraute

Avec ces vingt-quatre nouvelles, Nathalie Sarraute brise tous les codes du genre. Plus de personnages, de lieux définis. Plus de vraie action principale. Nous suivons différents êtres, jeunes, vieux, anonymes, parfois peut-être non humains à travers leur perception, leurs sensations. Ils semblent parfois tristes, malheureux, inquiets ou étouffés sous le poids du regard des autres, de la société.

Avec une acuité extrême, l'auteure souligne combien les normes et les codes peuvent emprisonner les individus, ce qui justifie sans doute aussi ses choix romanesques. En effet, Nathalie Sarraute appartient au courant littéraire du Nouveau Roman, qui rejette les codes préétablis de la littérature, notamment ceux des réalistes comme Balzac, qui bâtissent une histoire dotée de lieux précis, de personnages nommés, fouillés, étudiés, parfois à différents moments de leur vie.

Si ces nouvelles sont troublantes, elles ne sont pas désagréables pour autant. Le style de Sarraute est fluide, très beau, presque poétique parfois. Elle parvient avec un grand talent à décrire les plus petits détails d'une pièce, d'une atmosphère, à rendre par les mots nos moindres sensations.

Les nouvelles étant elles-mêmes courtes, à peine plus de deux pages, nous n'avons pas le temps de nous sentir perdus, agacés par le manque de structure des textes.

Le meilleur conseil que je pourrais fournir aux lecteurs curieux est de se lancer, d'essayer. Les textes de Tropismes sont impossibles à résumer, mais ils laisseront une impression durable en vous. Je finirai donc sur une définition de Nathalie Sarraute : "Les tropismes, ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est impossible de définir."

Tropismes de Nathalie Sarraute publié aux éditions de Minuit.

lundi 24 juin 2019

La rigole du diable de Sylvie Granotier

La rigole du diable

 

Sylvie Granotier


La rigole du diable /  Sylvie Granotier

Catherine, une jeune avocate prometteuse, est ravie. Elle vient enfin de décrocher un procès en assise, qui lui permettra sûrement de prendre du galon en temps que membre du barreau. Sa cliente, Miriam, une jeune gabonaise récemment arrivée en France suite à des circonstances tragiques, est accusée d’avoir assassiné son époux Gaston, afin de toucher son héritage. Pour Catherine, sa cliente est victime du racisme ordinaire et de la cupidité de la famille de Gaston, qui ne peut supporter que la jeune femme soit l’héritière de la fortune du défunt. Alors que l’avocate se rend dans la Creuse pour couvrir le procès, elle réalise que son propre passé, douloureux et tragique, pourrait bien la rattraper. En effet vingt-ans plus tôt sa mère est morte assassinée sauvagement. Et si Catherine se rapprochait sans le savoir de l’assassin ?

J’ai emprunté ce roman complètement par hasard, en voulant simplement savourer une enquête policière couplée d’un suspense haletant, pourtant je dois admettre que je suis plutôt déçue par ma lecture.

Le personnage de Catherine m’a tout d’abord posée problème. En effet je trouve qu’elle est l’archétype de l’héroïne de roman policier, c’est-à-dire belle, pourvue d’un passé tragique et douloureux, d’une carrière exigeante et d’une vie amoureuse et sexuelle débridée, bien que souffrant parfois d’un manque de vrai amour… J’ai trouvé que Catherine rentrait un peu trop dans les codes habituels. Malgré tout, je suis quand même parvenue à m’attacher à elle et à la suivre dans son aventure jusqu’au bout. C’est pourquoi je peux évoquer mon deuxième problème, l’intrigue, ou plutôt, son dénouement.

Durant tout le roman, l’auteure parvient à développer de façon équilibrée deux axes majeurs : le procès de Miriam et le passé de Catherine. Nous découvrons à tâtons avec le personnage divers éléments pouvant l’aider à reconstituer des traces de sa mère. Sylvie Granotier parvient à faire progressivement monter une tension à mesure que nous progressons vers le dénouement ! Elle nous donne même le point de vue de potentiels meurtriers ou personnages dangereux pour Catherine, ce qui nous plonge dans une angoisse semblable à celle qu’éprouve parfois l’héroïne. L’écrivaine parvient aussi à dresser le portrait de nombreux personnages secondaires.

Mais la fin de La rigole du diable m’a fait l’effet d’un pétard mouillé, d’un feu d’artifice trop vite éteint… Le point culminant tant attendu du récit est relaté beaucoup trop rapidement à mon goût. Pour commencer, avant d’en avoir une confirmation explicite, j’avais déjà deviné qui était le meurtrier. De plus, lorsque Catherine est confrontée à celui-ci, je trouve que la scène passe trop rapidement. Le sort du coupable est expédié en quelques lignes et nous n’avons pas vraiment de détails sur le cheminement parcouru par l'avocate pour en arriver à cette conclusion.

Le procès de Miriam n’a également pas le grandiose que nous pouvions espérer. Là encore, au lieu d’être théâtrale, détaillée, l’affaire est expédiée en à peine un chapitre. Il y a certes un petit retournement de situation mais cela ne change pas vraiment le cours des évènements, Catherine continue toujours de défendre sa cliente.
[Spoiler alert] Le lecteur peut aussi avoir l’impression de rester sur sa faim lorsque le roman se termine, puisque nous n’en savons pas plus sur les motivations de Miriam qui l’ont poussées à dissimuler des éléments importants à son avocate ou qui a mis le cyanure dans la nourriture de Gaston. Tout est beaucoup trop rapide !

Ce point négatif est vraiment très problématique pour moi puisque la fin dans un roman est déterminante. Ainsi, je ne peux même pas vraiment qualifier ce roman de bonne lecture, mais de lecture passable, qui m’a laissée insatisfaite.

La Rigole du diable de Sylvie Granoiter publié aux éditions Albin Michel.

lundi 10 juin 2019

Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus d'Eric-Emmanuel Schmitt

Les dix enfants que Madame Ming n’a jamais eus.


Eric-Emmanuel Schmitt

 

Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus / Eric-Emmanuel Schmitt

 


Lors d’un voyage en Chine, un industriel européen, spécialiste en affaires, se lie d’amitié avec Mme Ming, une femme d’âge mûr officiant en tant que « dame pipi » dans un hôtel luxueux. Au fil des conversations, il apprend avec stupeur que Mme Ming a dix enfants. Or l’industriel connaît parfaitement la restriction de natalité qui sévit en Chine. Il refuse d’abord de croire aux dires de la femme… Mais le temps passant, il se met à douter… Et si Mme Ming avait bel et bien une famille nombreuse et extraordinaire ?

Le roman d’Eric-Emmanuel Schmitt est une bonne lecture. Je trouve que l’auteur a un style direct et efficace, qui parvient finement à critiquer certains aspects de notre société. Nous sentons notamment combien il est opposé à notre société de consommation qui exploite les employés chinois en les faisant travailler des heures dans des conditions détestables pour produire nos jouets, nos produits. Il parvient aussi à décrire les souffrances qu’à pu causer la loi de l’enfant unique en Chine, et la douleur ressentie par certaines personnes à l’idée de ne pas avoir d’enfants.

L’auteur parvient aussi à dépeindre des personnages attachants. Tout comme le héros du récit, nous éprouvons de l’affection pour Mme Ming, pour son don pour raconter les histoires, ses maximes intelligentes, sa gentillesse. C’est une femme particulièrement émouvante qui a probablement vécue des épreuves terribles. Le narrateur est aussi un protagoniste que nous aimons suivre. Son regard ironique et piquant sur notre société nous offre des moments d’humour mémorables. Nous sentons aussi toutes ses faiblesses et son propre désir d’avoir une famille, sans pour autant oser franchir le pas.

Le défaut que je reprocherai à ce roman est le fait qu’il reste trop en surface. Les thèmes abordés, les personnages sont tous très intéressants, mais j’aurais aimé qu’Eric-Emmanuel Schmitt approfondisse encore un peu plus son propos, que l’on en sache davantage sur le passé de Mme Ming, qu’il traite plus en détail des défauts de la mondialisation, des problèmes causés par la loi de l’enfant unique. Toutes les idées du récit sont bonnes, intrigantes, captivantes, mais la fin de l’histoire est beaucoup trop rapide !

C’est pourquoi Les dix enfants que Madame Ming n’a jamais eus restera simplement une bonne lecture, un bon divertissement, une intéressante piste de réflexion, mais pas un coup de cœur ou une lecture marquante car l’auteur ne va pas assez au fond de ses thèmes. C’est sûrement une histoire dont les détails m’auront échappés d’ici quelques semaines… Cependant, il me laissera une bonne impression. C’est pourquoi je recommande ce roman à ceux qui désirent une lecture rapide et agréable et à ceux qui aiment les contes et les histoires courtes.


Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus d'Eric-Emmanuel Schmitt publié aux éditions Albin Michel.

lundi 20 mai 2019

Dans un rayon de soleil de Tillie Walden

Dans un rayon de soleil


Tillie Walden

 

Dans un rayon de soleil / Tillie Walden

 


Dans un monde parallèle presque exclusivement féminin, les êtres humains peuvent voyager entre les planètes. Mia, une jeune femme d’une vingtaine d’années, rejoint l’équipage d’Alma et de Char, deux femmes spécialisées dans la réparation des bâtiments anciens. Au sein du groupe, Mia forge des amitiés puissantes et solides notamment avec Julie, une ex-patineuse vive, pétillante et courageuse et Eliott un.e mécanicien.nne hors paire, d’une remarquable intelligence et d’une loyauté sans égal. Mais Mia n’a pas pour seul objectif de restaurer des objets anciens. Au cœur du cosmos, elle est hantée par le souvenir de son amour de jeunesse, Grace, qu’elle a rencontrée alors qu’elle était en pensionnat. La jeune fille a mystérieusement disparue de sa vie, et Mia tient absolument à la retrouver pour pouvoir enfin cesser d’être hantée par son ombre…

Dans un rayon de soleil / Tillie Walden


Cette bande-dessinée est un coup de cœur ! J’ai eu envie de la lire grâce à la merveilleuse chronique de Mlle Cordélia et je n’ai vraiment pas été déçue de ma lecture !

C’est une bande-dessinée originale, entre la science-fiction et le récit d’aventure. Je trouve que l’auteure parvient à planter un univers riche, sans pour autant nous perdre dans des détails ou des explications complexes. C’est un monde à la fois très mécanique, avec de nombreux vaisseaux, outils de navigations, mais aussi assez féerique et poétique, (l’engin dans lequel se déplacent Mia et ses amis ressemblent à un poisson géant).

Dans un rayon de soleil / Tillie Walden

Tillie Walden dépeint des personnages attachants, que l’on aime suivre tout au long de cette aventures. Chacun a ses qualités et ses défauts. Mia, notre héroïne, peut-être parfois insolente, têtue et irréfléchie, pourtant elle est aussi très sociable, généreuse, elle accepte les autres, malgré leurs différences. J’ai également apprécié le personnage d’Alma, qui sous ses airs bourrus et autoritaire cache une profonde affection sincère pour ses coéquipiers. J’ai aussi été charmée par le/a mystérieux.se Eliott. Iel est non-binaire, c’est-à-dire qu’iel ne se définit ni comme une fille, ni comme un garçon. Ce personnage n’est cependant pas défini uniquement par cette identité de genre, c’est aussi un protagoniste au passé mystérieux et douloureux que l’on apprend à découvrir au fil du récit.

Dans un rayon de soleil / Tillie Walden


C’est encore un autre point qui me fait adorer cette bande-dessiné, Tillie Walden parvient à intégrer à son odyssée spatiale déjà riche le passé des personnages principaux, sans que cela nuise au rythme du récit. Cela nous permet donc d’avoir une histoire palpitante, sans pour autant avoir des protagonistes au caractère superficiel.

Dans un rayon de soleil / Tillie Walden

L’histoire d’amour entre Mia et Grace m’a également beaucoup touchée, j’ai trouvé cette petite romance très douce, avec en même temps un côté assez dramatique puisque les deux jeunes filles se retrouvent séparées. Je trouve également que l’auteure traite cette relation avec réalisme, sans en faire quelque chose de trop omniprésent ou de trop niais. En effet, la fin de cette histoire n’est pas malheureuse mais ce n’est pas non plus le happy end classique des comédies romantiques qui peuvent parfois paraître trop parfaites et irréalistes à mon cœur dur de lectrice aigrie.

Dans un rayon de soleil / Tillie Walden


Mais le gros point fort de cette BD est les dessins. Nous en avons pour notre argent, l’œuvre de Tillie Walden est énorme, et toutes les planches sont en couleur, ce qui nous offre des cases magnifiques sur chaque page ! L’auteure sait magnifiquement bien jouer avec les couleurs. En effet, lorsque Mia se remémore ses souvenirs de pensionnat, les couleurs sont dans des tons plutôt froids, bleus, noirs et violets foncés, alors que lorsque nous suivons le déroulement actuel des évènements, les couleurs sont plutôt chaudes, dans les tons rouges orangés. Tillie Walden met également beaucoup de détails et soigne les expressions de ses protagonistes.

Dans un rayon de soleil / Tillie Walden


C’est donc une bande-dessiné que je recommande à cent pour cent pour tous les amoureux de science-fiction, d’histoires d’amour, de quête et d’aventures !

Dans un rayon de soleil de Tillie Walden publié chez Gallimard.

La vidéo de Mlle Cordélia: