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lundi 23 décembre 2019

3 livres sur... la famille Brontë

3 livres sur… La famille Brontë



Jane Eyre de Charlotte Brontë et Les Hauts de Hurlevents d'Emily Brontë comptent parmi mes romans préférés. Éblouie par l’œuvre de ces écrivaines, j’ai voulu en apprendre un peu plus sur leur vie personnelle et sur la genèse de leurs livres respectifs. Voici mes trois livres pour plonger dans les arcanes du monde des Brontë.



L’amour caché de Charlotte Brontë par Jolien Janzing

 

3 livres sur... La Famille Brontë

 


L’autrice revient sur un épisode particulier de la vie de Charlotte Brontë : le moment où elle se rend à Bruxelles en compagnie de sa sœur Emily afin de se perfectionner dans l’étude du français. Là-bas, Charlotte a la joie de découvrir la vie animée de la grande ville mais y fait également la rencontre de Constantin Heger, un professeur dont elle est follement éprise et qui lui inspirera notamment Mr Rochester dans Jane Eyre.

Ce roman est une très bonne surprise ! Je craignais que l’auteur ne se focalise uniquement sur l’aspect « romantique » de cet épisode de la vie de Charlotte Brontë, mais elle prend le temps de poser le contexte de son intrigue et n’oublie pas traiter les relations entre les deux sœurs au pensionnat. Elle dépeint également très bien le désir d’écrire de la jeune femme, ses rêves, ses ambitions et ses envies d’évasions. Ce roman donne envie de se jeter sur son stylo ou son clavier et de se mettre à noircir des pages comme les écrivains Brontë !

La retranscription des évènements est réaliste et concorde avec ce que l’on sait de la vie de la famille. Jolien Janzing n’a pas pris de libertés invraisemblables avec les faits réels.

Ce roman est donc une lecture agréable pour les amoureux de la famille Brontë et du roman Jane Eyre, et s’adresse surtout à ceux qui ont déjà une connaissance solide de l’histoire de Charlotte.

L’amour caché de Charlotte Brontë par Jolien Janzing publié aux éditions L’Archipel.


Le monde infernal de Branwell Brontë par Daphné du Maurier :

 

3 livres sur... La Famille Brontë

 


Dans cette biographie romanesque, Daphné du Maurier, la célèbre autrice de Rebecca, rend ses lettres de noblesse au personnage le plus méconnu de la famille Brontë : Patrick Branwell, le frère aîné de Charlotte, Emily et Anne. En plus d’être l’auteur de nombreux poèmes et de peintures, c’est également lui qui a chapeauté une grande partie de la création d’un monde imaginaire dont les enfants Brontë aimaient relater les chroniques. Il est en effet connu que Charlotte, Emily, Anne et Branwell ont souvent mis en commun leurs écrits et ont partagé leurs univers, créant une véritable émulation collective.

Alors, pourquoi Branwell est-il presque oublié ? Pourquoi un jeune homme si brillant n’a-t-il rien publié de conséquent, mis à part quelques poèmes ? Daphné du Maurier nous dresse ici le portrait d’un être en proie à des démons, hanté par la mort de sa mère et de ses sœurs, (Marie et Elizabeth étaient les aînées la fratrie) et sombrant dans l’alcoolisme.

Ce livre fut une véritable découverte pour moi. En effet, avant d’être tombée par hasard sur l’ouvrage de Daphné du Maurier, je n’avais jamais entendu parler de Branwell Brontë. J’ai donc été agréablement surprise de voir que Branwell avait aussi écrit des poèmes et contribué fortement à la création de l’univers littéraire de la famille, sous la forme d’un pays nommé Angria.

J’ai aussi été stupéfaite d’apprendre que Branwell avait sans doute contribué à créer Les Hauts de Hurlevents, puisqu’un de ses amis rapporte qu’il lui en aurait lu un extrait. Cela n’enlève bien sûr rien au talent d’Emily, et ne peut être considéré comme du plagiat, dans la mesure où les frères et sœurs s’échangeaient régulièrement leurs personnages, sans compter qu’un être aussi dissolu que Branwell n’aurait pu mener à bien l’œuvre. Branwell a d’ailleurs sans doute servi d’inspiration à Emily pour le personnage d’Heathcliff.

Le texte de Daphné du Maurier met donc en lumière le rôle décisif de Branwell. Grâce à des extraits de ses textes insérés dans les chapitres, nous pouvons découvrir sa plume, aussi bien dans sa version originale que dans sa traduction. L’autrice parvient à instaurer du rythme à son récit, en ayant en ligne de mire la mort de son poète maudit. La fin de ce-dernier est peut-être un peu romancée dans sa description (Du Maurier est un romancière, pas une biographe), mais Le monde infernal de Branwell Brontë repose sur des bases et des sources fiables.

Le monde infernal de Branwell Brontë par Daphné du Maurier publié aux éditions de la Table Ronde.



Les Brontë par Jean-Pierre Ohl

 

3 livres sur... La Famille Brontë

 


Dans cette biographie, l’auteur s’intéresse à toute la famille Brontë, en partant des origines, avec l’installation de Patrick Brontë père à Haworth avec ses enfants jusqu’au décès de Charlotte en 1857. Il parvient, sans que cela ne soit trop long ou ennuyeux, à s’intéresser à chacun des enfants Brontë. Ayant vécu le plus longtemps, Charlotte a une place plus grande dans le récit.

J’ai aimé découvrir la façon dont elle a tenté de se frayer une place dans le monde littéraire de son époque, une fois l’identité du Currer Bell découverte. Jean-Pierre Ohl n’hésite pas également à mettre en perspective les précédentes biographies de Charlotte Brontë. Il critique notamment celle de l’amie de la romancière, Elizabeth Gaskell, qui n’est pas toujours exacte dans ses propos, et nuance le portrait sombre de Branwell dressé par Daphné du Maurier, en arguant que la descente aux enfers du jeune homme n’est pas aussi brutale.

Il nous invite également à réfléchir sur la fascination exercée par la famille Brontë et sur le fait que parfois la vie des auteurs semble davantage fasciner le public que leur œuvres elles-mêmes, ou que les analystes littéraires n’hésitent pas à tirer des conclusions hâtives voire fantaisistes en se basant sur leur biographie. (C’est notamment le cas avec Les Hauts de Hurlevent).

J’ai trouvé cet écrit complet, intéressant à lire et assez rythmé pour que le texte ne soit pas plat et descriptif. L’auteur ne nous surcharge pas de dates et d’éléments historiques. Une chronologie et des annexes sont disponibles à la fin de l’ouvrage, ainsi que des illustrations et des gravures des trois sœurs, de Branwell et de leur père.

Pour les amoureux de la famille Brontë ou ceux qui désirent en savoir davantage sur les auteurs de leurs romans préférés, ce livre est à découvrir !

Les Brontë par Jean-Pierre Ohl publié aux éditions Folio.

mercredi 4 décembre 2019

La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos par Christelle Dabos

La tempête des échos


La Passe-Miroir Livre 4


Christelle Dabos


La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos / Christelle Dabos


Que dire ? Comment commencer ? Des années de lecture, des années d’attentes, et enfin il est là. Le tome 4 de La Passe-Miroir, cette série qui a traversé mon adolescence depuis 2013. J’attendais ce roman avec une telle impatience que je comptais les jours qui me séparaient du 28 novembre 2019. Lorsque jeudi j’ai eu le livre entre les mains, j’ai attendu jusqu’au vendredi soir pour m’y plonger, afin de ne pas être dérangée dans ma lecture et de pouvoir lire les cinq cent et quelques pages d’un coup si cela me chantait. Bien m’en a pris. A quatre heures du matin, les joues mouillées de larmes, j’avais terminé les aventures d’Ophélie et Thorn.

J’essayerai de ne pas inclure de spoilers dans cet article, mais je recommande vivement à ceux qui n’ont pas encore lu les précédents tomes de La Passe-Miroir d’éteindre leur ordinateur et de courir entamer leur lecture.

Une fois de plus, Christelle Dabos parvient à nous emporter dans une histoire totalement inattendue et pleine de rebondissements. En effet, pour approcher au plus près du secret d’Eulalie Dilleux, de la Déchirure et de sa propre identité, Ophélie se fait admettre à l’Observatoire des Déviations de Bablel, un établissement où sont notamment examinés ceux qui n’entrent pas dans les codes de la cité. Les inversés comme elle sont particulièrement recherchés. Mais dans cette aventure, Ophélie ne sera pas seule. Malgré son déguisement de Lord de Lux, Thorn fait équipe avec elle, et c’est un vrai plaisir d’assister à leur travail en équipe et à leur vie de couple si peu conventionnelle.

La tempête des échos n’est pas un tome facile. Bien qu'emportée par la magnifique plume de l’autrice, je me suis malgré tout demandé à certains moments de ma lecture si j’avais bien tout compris de l’intrigue. En effet, le secret de l’univers de La Passe-Miroir n’est pas à la portée du premier apprenti venu, et il faut s’accrocher au moindre indice pour ne pas perdre le fil de l’histoire. Mais une fois que les pièces du puzzle se mettent en place, tout devient clair et limpide, et c’est un vrai plaisir de comprendre enfin pleinement cet univers.

Ce tome 4 est également l’occasion de revenir avec plus de détails sur certains thèmes qui traversent l’œuvre et dont nous saisissons toute l’importance dans ce livre.

Il y a notamment la violence et la contrainte dont on est prêt à user pour faire respecter sa vision du bien, notamment à travers Lady Septima, déterminée à exclure tous les étrangers de la cité de Babel, ou Lazarus, un explorateur en apparence inoffensif mais capable de sacrifier des vies humaines pour ses recherches ou ses inventions. De manière générale, le rejet de ce qui est différent, non-conforme à une norme établie, est un sujet souvent traité au fil des tomes. Au Pôle, Thorn était méprisé pour être né d’un adultère. A Babel, les citoyens sont capables d’être internés pour une orientation sexuelle (comme pour Blasius) ou parce qu’ils présentent une « anomalie » dans leur pouvoir.

Cela m’amène à évoquer le lieu principal de cette intrigue : l’Observatoire des Déviations. Cette sorte d’institut, d’hôpital m’a glacé le sang. J’y ai ressenti le profond malaise d’Ophélie et des pensionnaires, la terrible sensation d’être pris au cœur d’un système sans queue ni tête, où le patient est réduit au stade d’un enfant soumis à ses médecins. J’ai l’impression que Christelle Dabos a voulu dépeindre dans ce roman la violence dont pouvait faire preuve le corps médical et les dérives de certaines expériences. En effet, le but de l’Observatoire n’est pas de soigner leurs patients, mais de les utiliser à des fins despotiques.

Dans cet étrange lieu, au multiples couches, Ophélie va véritablement au bout d’elle-même, puisqu’elle découvre enfin le secret de son identité. J’ai rarement vu un personnage aussi malmené ! Tout au long de l’intrigue la jeune femme est forcée de remettre en question son identité, ses valeurs, ses choix. Pour survivre au Pôle, elle a dû lutter contre sa timidité et son attitude réservée. Pour vaincre l’Autre, Ophélie doit interroger son être profond, sa propre personne. La suivre dans ses découvertes est vraiment passionnant et déroutant. A la fin de ce tome, nous réalisons l’incroyable chemin qu’elle a parcouru depuis le moment où nous l’avons pour la première fois vu franchir un miroir dans les Archives Familiales d’Anima.

Thorn aussi est un personnage qui évolue de façon considérable. Ce tome 4 nous permet pendant de brèves parenthèses de suivre son point de vue. Nous avons notamment droit à des flash-back de son enfance, ou à des explications sur la façon dont il est parvenu à s’échapper du Pôle. Il se montre également plus expansif, il exprime davantage ses sentiments. Il est un soutien indéfectible pour Ophélie. Ces deux protagonistes m’ont énormément touchée. Nous comprenons que Thorn désire simplement être utile à quelqu’un, se sentir aimé, accepté.

A travers ces personnages principaux, Christelle Dabos semble aussi nous montrer combien le corps peut être une source de fardeau, de handicap. Thorn, avec sa jambe articulée, porte le signe criant de son infirmité physique. Il ne peut dissimuler ce qu’il considère comme une faiblesse, et en ressent de la honte et de l’agacement. Le fait qu’il ait de plus en plus de mal à contrôler ses griffes renforce le dégoût qu’il éprouve pour lui-même. Le moment où il parvient enfin à s’accepter grâce au regard de sa cousine Victoire m’a profondément émue. Il est rare dans les romans jeunesse de voir des personnages masculins ressentir un dégoût profond pour leur apparence physique. La question des complexes est en effet souvent réduite au personnage féminin.

Ophélie aussi perçoit son corps comme un fardeau, une entité qui ne lui obéit pas et qui la trahi. Outre sa maladresse légendaire, la jeune femme découvre avec tristesse qu’elle ne pourra jamais avoir d’enfant. Ce droit à la maternité qu’elle s’est involontairement retiré en libérant Eulalie du miroir la marque de manière aiguë et la fait se sentir coupable, incomplète. Là encore, le soutien de Thorn est bienvenu.

Les autres personnages que nous connaissons, bien que moins présents qu’Ophélie et Thorn, sont malgré tout évoqués. Victoire effectue une belle évolution, puisqu’elle parvient enfin à nouer un lien fort avec le monde extérieur. J’ai été ravie et touchée de voir que Berenilde accède enfin à ce qu’elle a toujours aspiré : une famille. Le fait que tous les animistes, notamment la tante Roseline et le grand Oncle soient présents pour la bataille finale m’a enchantée !

Tous les esprits de famille sont également présents dans le Mémorial, notamment Farouk et Artémis. Farouk montre encore une fois sa clairvoyance supérieure à celle de ses frères et sœurs.

Les personnages que j’aurais peut-être aimé voir davantage sont sûrement Gaëlle, Renard et Archibald, mais Christelle Dabos parvient à consacrer plusieurs chapitres à leur périple sur Arc-en-Terre, nous permettant de rencontrer Don Janus, le seul esprit de famille à avoir conservé sa mémoire. Mais l’autrice gère plutôt bien le temps imparti à chacun de ses personnages, tout en concluant son intrigue complexe. J’ai simplement du mal à quitter son univers.

Jusqu’aux dernières pages, Christelle Dabos parvient à nous faire avoir des frissons ! Et cette fin, cette fin !! Au début, je n’étais pas sûre de l’apprécier. J’avais envie de voir si Ophélie allait concrètement retrouver Thorn pour de bon, d’assister à leur vie future… Je ne voulais pas quitter la jeune femme maintenant, sur un passage de miroir !

Mais finalement, après m’être mouchée et essuyé les yeux, j’ai réalisé que cette fin était une fin magistrale et typique de La Passe-Miroir.

En effet, de mon point de vue, il est évident qu’Ophélie retrouve Thorn lorsqu’elle franchit ce miroir. Elle affirme « Nous reviendrons » à Archibald, avec ce ton assuré qu’elle emploie lorsqu’elle s’apprête à résoudre une difficulté. De plus, la chanson dans la boutique, évoquant la fugacité de l’amour, mais également sa capacité d’apparaître là où on ne l’y attend pas, sont significatifs. Enfin, les mots de Thorn, « Un peu plus que cela même. », écrit en italique comme lorsqu’Eulalie s’adresse à Ophélie depuis l’Envers, me font penser que c’est lui-même qui s’adresse à son épouse, ou du moins qu’il est toujours vivant ! Il a survécu au passage dans la Corne de l’abondance, il peut attendre qu’Ophélie trouve le moyen de revenir dans l’Envers.

Si j’ai considéré cette fin comme typique de la série, c’est parce que j’ai trouvé qu’elle laissait une grande liberté au personnage. En effet, comme l’explique Thorn, Ophélie ne cesse de vouloir acquérir son indépendance. Faire se terminer la saga sur son nouveau départ peut paraître frustrant, mais dans le même temps laisse libre notre imagination. Christelle Dabos nous a donné suffisamment de pistes de réflexions pour faire nos propres scénarios.

Ainsi, d’une certaine façon, les aventures d’Ophélie et Thorn ne sont jamais véritablement terminées. Même si nous ne pourrons plus jamais découvrir cette série, il nous sera toujours permis de redécouvrir La Passe-Miroir, d’en explorer les recoins cachés en retraversant le miroir et en replongeant dans ces romans chaque fois que nous le voudrons.

Je ne dis donc pas adieu à Ophélie, mais à bientôt dans une prochaine session de relecture, au cours d’un été brûlant ou d’un hiver venteux. Je veux également la remercier, pour m’avoir tant transportée, fait vibrer, émue au fil des pages, au fil des passages de miroirs. Merci à elle de m’avoir fourni de la force dans l’adversité, un modèle auquel m’identifier, une héroïne à citer.

Et merci surtout à sa créatrice, Christelle Dabos, dont la plume, l’imagination et le talent auront marqué un chapitre décisif de ma vie de lectrice. J’espère que son parcours dans l’écriture sera toujours aussi florissant, et je serai au rendez-vous si elle publie un nouveau roman. (Ou un essai, ou une BD, ou même sa liste de course!)

Que l’écharpe soit avec vous !

Un peu plus que cela même.

La Passe-Miroir livre 4: La tempête des échos de Christelle Dabos publié aux éditions Gallimard Jeunesse.

Le site de l'autrice: ici
La très bonne et émouvante vidéo de Bulledop, qui a contribué à faire connaître la série :