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lundi 30 avril 2018

Les Loyautés de Delphine de Vigan


Les loyautés

 

Delphine de Vigan


Les Loyautés / Delphine de Vigan

L’auteure de Rien ne s’oppose à la nuit revient cette fois avec une fiction. Dans Les Loyautés nous suivons une palette de personnages ayant tous un passé difficile ou un lien avec l’alcool. Hélène, une professeure de sciences, a subi les violences d’un père alcoolique, Cécile, issue d’un milieu populaire, a vu son propre père se transformer en une épave à cause de la boisson, enfin Théo, 12 ans, cherche à oublier ses problèmes familiaux en s’étourdissant dans l’alcool afin de finir dans un comas salvateur.

Cette histoire est à la fois très courte mais en même temps très prenante. En quelques phrases Delphine de Vigan parvient à nous dépeindre le passé et le portrait psychologique de ses héros. Ils ont à la fois une grande fragilité et en même temps une grande sensibilité, ce qui fait leur force. Hélène notamment remarque immédiatement que Théo ne va pas bien, même si elle ne connaît pas exactement la cause de son mal être.

Il est aussi très impressionnant de voir comment les protagonistes vont peu à peu approcher chacun à leur manière les frontières de la folie. Cécile, qui s’efforce d’oublier d’où elle vient, ne cesse de se parler à elle-même, au point que cela en devienne pathologique. Cependant, ce besoin lui est nécessaire depuis qu’elle a découvert que son mari n’était pas l’homme qu’elle croyait. Hélène quant à elle, prend très à cœur le cas de Théo, ne pouvant s’empêcher de s’identifier à cet élève au point d’être prête à transgresser toutes les règles.

Delphine de Vigan parvient également à faire converger tous ses personnages autour de Théo, qui est véritablement l’axe central du récit. Chacun d’eux à un lien plus ou moins proche avec le collégien. Cette façon de faire m’a beaucoup plu, j’ai aimé suivre le fil déroulé par la narratrice. Le fait que le héros soit très jeune rend également d’autant plus choquant son problème d’alcoolisme et nous incite à la vigilance et à la prudence.

Le style d’écriture de l’auteure, toujours aussi beau, mêle là encore une certaine poésie, un beau rythme, avec des tournures simples qui font que l’on ne peut s’empêcher de dévorer l’histoire.

Enfin, la fin est particulièrement angoissante, bien que je la trouve un peu abrupte. J’aurais préféré avoir quelques pages de plus pour pouvoir quitter les protagonistes en douceur.

Mais ce bémol est très minime. Je recommande donc chaudement le nouveau livre de Delphine de Vigan à la fois pour sa palette de héros marqués par la vie et les épreuves et la charpente du récit qui fait converger les points de vue vers Théo.

Attention cependant pour ceux qui ont l’habitude de plonger dans la vie intime de l’auteure, rien dans cet ouvrage ne semble relié à son passé. Mais si vous avez aimé ses romans de fiction comme No et moi, Les loyautés vous plairont certainement !

Les Loyautés de Delphine de Vigan publié aux éditions JC Lattès.

lundi 23 avril 2018

Arrête avec tes mensonges de Philippe Besson


Arrête avec tes mensonges

 

Philippe Besson

 

Arrête avec tes mensonges / Besson

Dans ce récit, l’auteur revient sur son adolescence et notamment sur son histoire d’amour avec Thomas, son camarade de classe. Il y évoque sans tabou son homosexualité, ses premières expériences sexuelles ainsi que la douleur d’un amour déçu.

Philippe Besson relate aussi combien il est difficile d’être gay dans une petite ville. L'auteur met l'accent sur le grand courage qu'il faut pour révéler son attirance pour une personne du même sexe et l’impossibilité pour certains d’y arriver.

En évoquant sa relation avec Thomas, qui n’a jamais pu « sortir du placard », franchir le cap, Besson nous livre une magnifique expérience de vie et un poignant témoignage. De plus, il nous décrit son rapport à l’écriture et combien il est ardu de coucher sur le papier ses blessures passées.

Ce roman est une découverte, une révélation ! J’ai été totalement happée par la plume de l’auteur, que je ne connaissais pas du tout. Sa façon de raconter un épisode très intime de sa vie et d’évoquer son rapport à l’écriture m’a fait penser au style de Delphine de Vigan, notamment dans son œuvre Rien ne s’oppose à la nuit, bien que les histoires relatées soient très différentes.

Philippe Besson parvient à mêler à la fois de belles phrases poétiques et un vocabulaire cru qui rendent l’histoire très poignante.

L’auteur décrit magnifiquement l’ardeur des premiers amours mais aussi combien une rupture peut-être dévastatrice.
 
Thomas est un personnage très intéressant à découvrir. Il est misanthrope, solitaire et réservé, mais en même il fait le premier pas vers notre héros. De plus, il insiste sur le fait que la relation qu’entretiennent les deux jeunes gens doit rester secrète et ne mener à rien, mais il s’abandonne totalement lorsqu’il fait l’amour. Ce paradoxe est d’autant plus touchant que l'adolescent finira par s’enfermer dans une existence qui ne lui convient pas.

L’écrivain parvient aussi à nous faire sentir les différences de classe sociale entre lui et Thomas. En effet, le jeune homme est le fils d’un agriculteur et destiné à reprendre la ferme, à rester alors que l’auteur est promis à de grandes études. Cette fracture sociale indique déjà que tout est fait pour les séparer.

Besson évoque aussi brièvement son rapport à l’écriture, notamment en expliquant que depuis tout petit il aime inventer des histoires. Sa mère lui disait souvent d’arrêter de « raconter des mensonges », craignant sûrement que cette mauvaise manie devienne néfaste pour sa vie future. L’auteur explique qu’il a commencé à écrire des lettres où il se livrait avant de se tourner vers la fiction.

Enfin, la fin de cette histoire, qui est bouleversante, achève de nous rappeler que nous ne sommes pas dans une fiction mais dans la vie réelle, ce qui est encore plus triste. Le livre de Philippe Besson sonne comme un appel à la tolérance et un encouragement pour toutes les personnes ne parvenant pas à assumer qui elles sont véritablement.

Arrête avec tes mensonges est un récit marquant, émouvant avec une plume unique qui nous empêche de refermer le roman.

Arrête avec tes mensonges de Philippe Besson publié aux éditions 10/18.

lundi 16 avril 2018

Un long dimanche de fiançailles de Sébastien Japrisot


Un long dimanche de fiançailles

 

Sébastien Japrisot


Un long dimanche de fiançailles / Japrisot

Alors que la Première Guerre mondiale déchire la France, cinq soldats français sont traînés à travers les tranchées pour être exécutés. Leur crime ? Avoir tenté de déserter en se tirant une balle dans la main. Mais au lieu de les tuer, les personnes chargées de l’exécution les laissent libres au cœur des tirs ennemis. A l’arrière, Mathilde attend des nouvelles de son fiancé, qui fait partie des cinq condamnés. Lorsqu’elle apprend qu’il reste peut-être une chance pour que son amant soit encore en vie, elle décide de mener l’enquête, quitte à subir une cruelle désillusion.

Un long dimanche de fiançailles est l’un de ces classiques dont nous avons souvent entendu parler, mais que nous n’avons pas forcément lu. Pour ma part, je ne regrette absolument pas cette expérience, ce roman est un véritable coup de cœur !

L’incipit nous plonge immédiatement dans l’ambiance : nous suivons les cinq condamnés marchant à travers les fils barbelés des tranchées pour rejoindre le lieu de leur exécution. Chacun d’eux se remémore son passé tandis qu’il marche vers son destin. Ce procédé narratif nous permet de pénétrer directement le cœur des personnages et nous nous attachons fortement à eux. Si vous hésitez à vous lancer dans Un long dimanche de fiançailles, lisez simplement les premières pages, vous serez conquis !

L’héroïne, Mathilde, est le deuxième élément qui m’a fait adorer ce roman. A l’âge de 3 ans, la jeune fille perd l’usage de ses jambes suite à une mauvaise chute. Pourtant, son infirmité ne l’empêche pas d’être extrêmement autonome et déterminée, elle n’hésite pas à contacter toutes ses connaissances et à parcourir la France pour connaître la vérité. Sa volonté m’a impressionnée, sa capacité de déduction également. A mesure qu’elle rassemble les éléments de l’intrigue, nous reconstituons les faits avec elle. Nous éprouvons aussi ses craintes, ses doutes, sa tristesse, qu’elle tente de contenir mais qui affleure et surtout, la terrible attente.

Mais cette attente n’est pas seulement celle de Mathilde, c’est également celle de toutes les femmes de l’arrière, qui essayent de savoir ce que sont devenus leurs époux, ou qui pleurent leur disparition. Avec les portraits de protagonistes secondaires que nous ne suivons que sur quelques pages, Japrisot parvient à nous dresser le tableau du quotidien de ces épouses qui n’ont pas d’autre choix que d’espérer ou de vivre avec leur douleur. Ces portraits sont très touchants et réalistes.

La trame historique, très complète, fait toute la saveur du roman. Nous en apprenons beaucoup sur les conditions de vie des Poilus, le fonctionnement de l’Etat major, l’après-guerre… L’histoire mêle à la fois le romanesque et le réalisme, ce qui instaure un climat particulier, qui nous prend littéralement au piège et nous empêche de refermer Un long dimanche de fiançailles !

Le style d’écriture de l’auteur, assez poétique, très porté sur les descriptions, les sensations et parfois très cru en fonction des personnages, est magnifique et nous porte tout au long du récit.

Je recommande donc chaudement cette histoire à tous les amateurs de romans historiques.

Un long dimanche de fiançailles publié aux éditions Folio.

lundi 9 avril 2018

Banana Girl de Kei Lam


Banana Girl

 

Kei Lam

 
Banana Girl / Kei Lam

Kei est arrivée en France avec ses parents alors qu’elle était très jeune. Dans une jolie BD elle nous raconte son parcours, les différences culturelles auxquelles elle a dû faire face, la difficile acclimatation mais également la richesse du mélange des traditions et les belles amitiés qui nous attendent lorsque nous voyageons.

Kei Lam p.21


Cette bande dessinée est vraiment très mignonne, dans le bon sens du terme. Les dessins sont à la fois simples et expressifs, mêlant le noir et blanc et les touches de couleurs sur certaines planches. La particularité de cette BD est qu'il n'y a en réalité que peu de bulles et beaucoup de texte explicatif. Cela n'est absolument pas dérangeant et reste très lisible. J’ai également aimé découvrir la vie de l’auteur.


Kei Lam p.20


Banana Girl est donc une excellente bande-dessinée que je recommande vivement !


Kei Lam


Banana Girl de Kei Lam publié aux éditions Steinkis.

lundi 2 avril 2018

Dracula de Bram Stocker


Dracula

 

Bram Stocker

 
Dracula / Bram Stocker

Jonathan Harker se rend en Transylvanie afin de rendre visite au mystérieux comte Dracula, qui désire acheter des biens en Angleterre. Au fil de son séjour, le jeune homme va réaliser que son hôte est bien étrange : il n’apparaît qu’au coucher du soleil, n’a pas de domestiques et ne semble pas se nourrir. De plus, les villageois paraîssent le craindre. Jonathan va finir par découvrir que Dracula n’est peut-être pas l'humain qu'il prétend… En s’échappant du domaine du comte, Jonathan va croiser la route d'hommes qui ont comme lui compris la véritable nature de l'aristocrate et qui sont déterminés à le détruire. Mais est-il possible de vaincre Dracula ?

J’avais déjà lu une version abrégée de Dracula. J’en avais gardé un vague mais bon souvenir. La version intégrale ne m’a pas déçue, bien au contraire, j’ai vraiment adoré me plonger au cœur de cette intrigue étrange et mystérieuse.

La première partie de l’œuvre, celle où Jonathan est chez le comte, est ma préférée, tout d’abord parce que nous observons directement Dracula en action et que nous notons avec le jeune homme la singularité du comte. L’auteur parvient à semer de nombreux indices tout au long du séjour de Harker en Transylvanie et, même si nous connaissons déjà la véritable nature du monstre, il est assez plaisant d’observer le héros rassembler tous les éléments. Bram Stocker parvient à nous communiquer l’anxiété de son protagoniste et la fuite de Jonathan hors du château de Dracula est absolument impressionnante. Il fait  preuve d’un courage hors du commun !

La suite du roman m’a également beaucoup plu, même si j’ai trouvé qu’il y avait parfois quelques longueurs. Nous nous focalisons notamment sur Mina, la femme de Jonathan qui attend des nouvelles de son époux et Lucie, une amie de Mme Harker. Cette-dernière est victime de crises de somnambulisme. Après une nuit particulièrement mouvementée où elle se retrouve dehors en pleine nuit, elle est frappée d’une étrange maladie qui la fait paraître exsangue, comme si elle perdait mystérieusement des litres de sang ! Nous devinons bien évidemment que Dracula est derrière tout cela et il est intéressant de le voir rôder autour des personnages. J’ai trouvé cependant l’agonie de Lucie un peu trop longue, Bram Stocker aurait pu à mon sens abréger certains passages. Cela fait perdre du rythme au récit.

Un autre point de vue du livre m’a cependant beaucoup plu : celui du docteur Stewart, un médecin dirigeant un asile d’aliénés. Il suit notamment un de ses patients Renfield, qui a pour manie de dévorer les petits animaux comme les mouches et évoque un « maître » qu’il vénère notamment lorsque le soleil se couche. Là encore, nous sentons l’ombre du vampire planer sur la scène. Les dialogues entre le médecin et Renfield sont à la fois passionnants et inquiétants.

Je me suis beaucoup attachée aux personnages, spécialement à Mina, qui fait preuve d’une intelligence, d’un courage et d’un esprit de déduction incroyables et à Jonathan, pour qui je garde une affection particulière depuis qu’il est parvenu à échapper aux griffes du comte. Mais je n’ai pas aimé comment les protagonistes tentent d’écarter Mina de l’aventure sous prétexte qu’elle est une femme et qu’il faut la ménager. Je sais que le roman a été écrit au XIXe siècle et que les mœurs étaient différents, mais pour la lectrice du XXIe siècle que je suis cela m’a immédiatement fait bondir. Malgré tout, l’auteur se rattrape en faisant finalement participer Mina à l’action.

Ce que j’ai également eu plaisir à redécouvrir est la représentation du vampire dans l’œuvre de Bram Stocker. Dracula est véritablement la source de toutes les histoires de vampires que nous connaissons, il est donc très enrichissant de lire quel est le portrait de la créature que crée l’auteur.

Ce tableau est finalement assez différent de celui que nous connaissons : certes, il possède des crocs, ne supporte pas le soleil et dort dans un cercueil, mais il ne fascine pas les humains dans le bon sens du terme. Aucun personnage du livre ne trouve Dracula hypnotique, séduisant, au contraire, les protagonistes sont horrifiés par le monstre. Même Jonathan, qui est pendant quelques instants envoûté par les femmes vampires qui gravitent autour du comte, réalise très rapidement combien elles sont maléfiques et est dégoûté.

Les sentiments de Dracula sont également très peu montrés dans le livre. Nous savons certes qu’il est ambitieux, calculateur, avide de pouvoir et de savoir, mais nous ne savons pratiquement rien de ses aspirations amoureuses, qui sont pourtant la base de nombreuses réécritures. Certes, il dit lui-même qu’il est capable d’aimer, mais cela n’est cependant pas montré explicitement dans le roman. Même lorsqu’il s’en prend à Lucie, il semble plus motivé par le sang de la jeune femme que par un amour pour elle. Il est donc très intéressant de voir qu’à partir d’infimes détails les auteurs qui ont succédé à Bram Stocker ont fait de Dracula un héros romantique.

La présence du vampire dans le roman est finalement très minime, il rôde plus qu’il n’apparaît vraiment. Cela m’a presque déçue, j’aurais voulu le revoir avant la fin de l’œuvre.

[Spoiler alert : je vais révéler la fin du roman dans 3…2…1…]

La fin de l’œuvre est d’ailleurs assez étonnante. Finalement, ce n’est pas la force qui finit par triompher du comte Dracula mais la stratégie. En effet, les héros s’arrangent pour le piéger alors qu’il est le plus faible. Je ne sais pas encore quoi penser de cette fin, je suis à la fois agréablement surprise et en même temps un peu déçue car je l’ai trouvée assez rapide. Malgré cela il y a une grande part de positif dans ma lecture.

Je vous recommande donc vivement Dracula de Bram Stocker si vous voulez plonger au cœur du mythe du vampire !

Dracula de Bram Stocker publié aux éditions J'ai lu.