Au revoir là-haut
Pierre Lemaître
La Première Guerre mondiale a fait des ravages dans toute
l’Europe. Dans cette histoire, Pierre Lemaître nous invite à nous pencher sur le sort de deux
soldats français, Albert Maillard et Edouard Péricourt. Alors qu’ils ont
survécu à quatre ans de guerre, leur destin va basculer lorsque leur capitaine,
Henri d’Aulnay Pradelle, décide de mener un dernier assaut pour se couvrir de
gloire à quelques jours de l’armistice.
Afin de motiver des troupes réticentes,
il s’arrange pour tuer deux soldats en faisant croire que ce sont les Allemands
qui les ont abattus. Mais Albert comprend le stratagème. Pradelle décide donc de
le tuer froidement. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’Edouard, l’homme le plus
chanceux du régiment, est déterminé à le sauver. Alors qu’il parvient à
déterrer son camarade du trou où le capitaine l’a poussé, il se prend un éclat
d’obus en plein visage.
Cette blessure abominable, qui le laisse défiguré, va lier
le destin des deux soldats. Se sentant coupable pour Edouard, Albert va rester
près de lui et le suivre dans ses idées les plus folles, quitte à monter
l’arnaque la plus scandaleuse pour récolter de l’argent, une société de faux
monuments aux morts.
Ce roman n’est plus véritablement a présenter, il a remporté
le prix Goncourt en 2013 et été adapté au cinéma. J’ai vu le film d'Albert Dupontel avant de me plonger
dans le livre, le réalisateur a fait un travail magnifique et assez fidèle au
roman. Je n’ai donc pas été déçue par ma lecture.
L’incipit de d’Au revoir là-haut est saisissant, nous
assistons à une scène de combat décrite minute par minute. En quelques pages,
l’auteur parvient à retranscrire la violence de la guerre, la puissance
destructrice des armes à feu et la peur ressentie par les soldats avant de
mener l’assaut. Cette scène est aussi bouleversante dans le film. Grâce à ce
début très efficace, nous avons envie de connaître la suite.
Les personnages sont aussi très attachants. J’ai de
l’affection pour Albert, cet antihéros maladroit et pourtant si attendrissant.
Malgré sa faiblesse de caractère, on ne peut s’empêcher de l’apprécier,
d’autant qu’il dégage tout de même une force, notamment par sa bonté qui le
pousse à prendre soin de son camarade, à se démener pour lui. C’est au fond un
protagoniste très humain.
J’ai également bien aimé Edouard, même si j’ai eu moins
d’empathie pour lui que pour Albert. Cela peut paraître étonnant quand on sait
qu’il a une terrible blessure, mais j’ai parfois trouvé le jeune homme trop
égoïste, déconnecté de la réalité. Même si l’éclat d’obus qu’il a reçu l’a
traumatisé, ce qui est très compréhensible, j’ai parfois trouvé qu’il se
comportait comme si tout lui était due. Cependant, nous pouvons encore une fois
noter qu’Edouard est un personnage très humain, avec ses qualités et ses
défauts.
Le père d’Edouard, M. Péricourt, est également fascinant. Alors que du
vivant de son fils il n’a cessé de le mépriser, ne pouvant se résoudre à aimer
ce garçon artiste, trop différent de lui, il éprouve de terribles regrets en le
croyant mort (le jeune homme refuse de revenir chez lui défiguré). Il fait donc
tout pour racheter sa conduite passée et se réconcilie presque avec son enfant
dans le deuil. Ce chemin est très intéressant, car cet homme si dure et froid
reconnaît enfin ses erreurs et fait un long travail sur lui-même.
Enfin, j’ai adoré détester Henri d’Aulnay Pradelle. Ce
personnage est tellement abjecte qu’on est presque content de le voir
réapparaître pour espérer sa chute. Lorsque les choses se compliquent pour le
capitaine, on exulte de joie. La fin de Pradelle dans le roman m’a un peu
déçue cependant, j’ai préféré celle du film, j’ai trouvé que cela était plus
ironique et cruel, ce que ce protagoniste mérite amplement.
Nous pouvons aussi ajouter que même les protagonistes de
passage sont magnifiquement développés par l’auteur. En quelques lignes Pierre
Lemaître parvient à décrire le caractère de chacun, leurs ambitions, leur passé,
leurs rêves.
Le style de l’écrivain est aussi très agréable, plein
d’ironie et d’humour noir, ce qui colle parfaitement avec l’atmosphère de l’œuvre.
Ce livre est également intéressant d’un point de vue historique, puisqu’il nous
rappelle que l’Armistice ne signifie pas que tout rentre immédiatement en
ordre, pour certains soldats, la véritable guerre commence après la guerre.
Je vous recommande donc chaudement Au revoir là-haut, qui
vous offrira une palette de personnages humains et attachants mais également
des arrivistes à détester et une histoire de France comme vous n’en avez jamais lu !
Au revoir là-haut de Pierre Lemaître publié aux éditions Le Livre de Poche.
La bande annonce de l'adaptation cinématographique d'Albert Dupontel.
Cette année, Pierre Lemaître a également publié la suite de son roman, Couleurs de l'incendie, où nous nous focalisons davantage sur la soeur d'Edouard, Madeleine. Je ne l'ai pas encore lu, mais j'ai hâte d'en apprendre plus sur la jeune femme.