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lundi 24 juin 2019

La rigole du diable de Sylvie Granotier

La rigole du diable

 

Sylvie Granotier


La rigole du diable /  Sylvie Granotier

Catherine, une jeune avocate prometteuse, est ravie. Elle vient enfin de décrocher un procès en assise, qui lui permettra sûrement de prendre du galon en temps que membre du barreau. Sa cliente, Miriam, une jeune gabonaise récemment arrivée en France suite à des circonstances tragiques, est accusée d’avoir assassiné son époux Gaston, afin de toucher son héritage. Pour Catherine, sa cliente est victime du racisme ordinaire et de la cupidité de la famille de Gaston, qui ne peut supporter que la jeune femme soit l’héritière de la fortune du défunt. Alors que l’avocate se rend dans la Creuse pour couvrir le procès, elle réalise que son propre passé, douloureux et tragique, pourrait bien la rattraper. En effet vingt-ans plus tôt sa mère est morte assassinée sauvagement. Et si Catherine se rapprochait sans le savoir de l’assassin ?

J’ai emprunté ce roman complètement par hasard, en voulant simplement savourer une enquête policière couplée d’un suspense haletant, pourtant je dois admettre que je suis plutôt déçue par ma lecture.

Le personnage de Catherine m’a tout d’abord posée problème. En effet je trouve qu’elle est l’archétype de l’héroïne de roman policier, c’est-à-dire belle, pourvue d’un passé tragique et douloureux, d’une carrière exigeante et d’une vie amoureuse et sexuelle débridée, bien que souffrant parfois d’un manque de vrai amour… J’ai trouvé que Catherine rentrait un peu trop dans les codes habituels. Malgré tout, je suis quand même parvenue à m’attacher à elle et à la suivre dans son aventure jusqu’au bout. C’est pourquoi je peux évoquer mon deuxième problème, l’intrigue, ou plutôt, son dénouement.

Durant tout le roman, l’auteure parvient à développer de façon équilibrée deux axes majeurs : le procès de Miriam et le passé de Catherine. Nous découvrons à tâtons avec le personnage divers éléments pouvant l’aider à reconstituer des traces de sa mère. Sylvie Granotier parvient à faire progressivement monter une tension à mesure que nous progressons vers le dénouement ! Elle nous donne même le point de vue de potentiels meurtriers ou personnages dangereux pour Catherine, ce qui nous plonge dans une angoisse semblable à celle qu’éprouve parfois l’héroïne. L’écrivaine parvient aussi à dresser le portrait de nombreux personnages secondaires.

Mais la fin de La rigole du diable m’a fait l’effet d’un pétard mouillé, d’un feu d’artifice trop vite éteint… Le point culminant tant attendu du récit est relaté beaucoup trop rapidement à mon goût. Pour commencer, avant d’en avoir une confirmation explicite, j’avais déjà deviné qui était le meurtrier. De plus, lorsque Catherine est confrontée à celui-ci, je trouve que la scène passe trop rapidement. Le sort du coupable est expédié en quelques lignes et nous n’avons pas vraiment de détails sur le cheminement parcouru par l'avocate pour en arriver à cette conclusion.

Le procès de Miriam n’a également pas le grandiose que nous pouvions espérer. Là encore, au lieu d’être théâtrale, détaillée, l’affaire est expédiée en à peine un chapitre. Il y a certes un petit retournement de situation mais cela ne change pas vraiment le cours des évènements, Catherine continue toujours de défendre sa cliente.
[Spoiler alert] Le lecteur peut aussi avoir l’impression de rester sur sa faim lorsque le roman se termine, puisque nous n’en savons pas plus sur les motivations de Miriam qui l’ont poussées à dissimuler des éléments importants à son avocate ou qui a mis le cyanure dans la nourriture de Gaston. Tout est beaucoup trop rapide !

Ce point négatif est vraiment très problématique pour moi puisque la fin dans un roman est déterminante. Ainsi, je ne peux même pas vraiment qualifier ce roman de bonne lecture, mais de lecture passable, qui m’a laissée insatisfaite.

La Rigole du diable de Sylvie Granoiter publié aux éditions Albin Michel.

lundi 10 juin 2019

Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus d'Eric-Emmanuel Schmitt

Les dix enfants que Madame Ming n’a jamais eus.


Eric-Emmanuel Schmitt

 

Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus / Eric-Emmanuel Schmitt

 


Lors d’un voyage en Chine, un industriel européen, spécialiste en affaires, se lie d’amitié avec Mme Ming, une femme d’âge mûr officiant en tant que « dame pipi » dans un hôtel luxueux. Au fil des conversations, il apprend avec stupeur que Mme Ming a dix enfants. Or l’industriel connaît parfaitement la restriction de natalité qui sévit en Chine. Il refuse d’abord de croire aux dires de la femme… Mais le temps passant, il se met à douter… Et si Mme Ming avait bel et bien une famille nombreuse et extraordinaire ?

Le roman d’Eric-Emmanuel Schmitt est une bonne lecture. Je trouve que l’auteur a un style direct et efficace, qui parvient finement à critiquer certains aspects de notre société. Nous sentons notamment combien il est opposé à notre société de consommation qui exploite les employés chinois en les faisant travailler des heures dans des conditions détestables pour produire nos jouets, nos produits. Il parvient aussi à décrire les souffrances qu’à pu causer la loi de l’enfant unique en Chine, et la douleur ressentie par certaines personnes à l’idée de ne pas avoir d’enfants.

L’auteur parvient aussi à dépeindre des personnages attachants. Tout comme le héros du récit, nous éprouvons de l’affection pour Mme Ming, pour son don pour raconter les histoires, ses maximes intelligentes, sa gentillesse. C’est une femme particulièrement émouvante qui a probablement vécue des épreuves terribles. Le narrateur est aussi un protagoniste que nous aimons suivre. Son regard ironique et piquant sur notre société nous offre des moments d’humour mémorables. Nous sentons aussi toutes ses faiblesses et son propre désir d’avoir une famille, sans pour autant oser franchir le pas.

Le défaut que je reprocherai à ce roman est le fait qu’il reste trop en surface. Les thèmes abordés, les personnages sont tous très intéressants, mais j’aurais aimé qu’Eric-Emmanuel Schmitt approfondisse encore un peu plus son propos, que l’on en sache davantage sur le passé de Mme Ming, qu’il traite plus en détail des défauts de la mondialisation, des problèmes causés par la loi de l’enfant unique. Toutes les idées du récit sont bonnes, intrigantes, captivantes, mais la fin de l’histoire est beaucoup trop rapide !

C’est pourquoi Les dix enfants que Madame Ming n’a jamais eus restera simplement une bonne lecture, un bon divertissement, une intéressante piste de réflexion, mais pas un coup de cœur ou une lecture marquante car l’auteur ne va pas assez au fond de ses thèmes. C’est sûrement une histoire dont les détails m’auront échappés d’ici quelques semaines… Cependant, il me laissera une bonne impression. C’est pourquoi je recommande ce roman à ceux qui désirent une lecture rapide et agréable et à ceux qui aiment les contes et les histoires courtes.


Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus d'Eric-Emmanuel Schmitt publié aux éditions Albin Michel.