Sommeil
Haruki Murakami
Illustrations de Kat Menschik
Quel est le piment de notre vie ? Notre travail ?
Notre famille ? Nos amis ? Une passion ? A première vue,
l’existence de l’héroïne anonyme que nous suivons dans cette nouvelle est
plutôt heureuse, son mari a un métier stable, son fils est sage et affectueux.
Mais en réalité, elle effectue ses tâches quotidiennes comme un automate et ses
journées sont mornes et sans saveurs. Tout bascule lorsque la jeune femme est
frappée d’une étrange maladie : elle n’a plus besoin de dormir. Et si cela
était pour elle l’occasion de redonner du piment à sa vie ? Un seul moyen
pour cela : la lecture !
Pour commencer, il faut savoir que Sommeil est une
nouvelle relativement courte. Malgré tout, l’auteur parvient à nous transmettre
de façon très poétique la monotonie
initiale de la vie de l’héroïne et sa renaissance grâce à la lecture.
Murakami nous transmet le plaisir de la lecture,
notamment par l’évocation de petits détails : des choses que l’on retrouve
entre les pages d’un livre que l’on n’a pas lu depuis longtemps et qui nous
rappellent des souvenirs, le plaisir de dévorer un roman sans jamais s’arrêter, que des personnages puissent nous habiter au point que l’on y pense
très fréquemment au cours de notre journée. (Attention, l’héroïne lit Anna
Kaérine et nous livre ses impressions, il peut y donc avoir des spoilers).
Haruki Murakami décrit aussi avec brio la relation étonnante
qu’entretient notre héroïne avec son mari. Alors qu’elle revit à travers la
lecture, elle se rend compte qu’elle n’éprouve que très peu d’affection pour
celui avec qui elle partage sa vie. D’ailleurs, elle se demande souvent
pourquoi elle l’a épousé. L’autre aspect surprenant de Sommeil est que
les proches de la jeune femme ne se rendent compte de rien. En effet, le jour,
elle décide de vaquer à ses occupations comme à l’ordinaire.
Cela donne un côté fantastique au récit et illustre de façon
poignante combien les hommes vivent les uns à côté des autres, sans chercher à
se connaître véritablement. Alors que l’époux de notre héroïne pourrait
partager une nouvelle passion avec sa femme, il ne s’étonne même pas du fait
qu’elle recommence à lire bien qu’elle ait arrêté dès le début de leur
mariage. L’auteur dénonce donc une forme d’égocentrisme qui peut parfois se
retrouver au sein même des familles.
La particularité de cette nouvelle, outre son ton poétique
est le fait qu’elle soit illustrée. Les dessins, assez oniriques, nous plongent
dans l’ambiance et ajoutent un plus au récit.
Le seul petit bémol est que j’ai trouvé la fin du récit
assez abrupte, nous laissant sur notre faim, mais c’est souvent le cas dans
les histoires courtes. Nous pouvons y voir une métaphore qui indique que le
sursis que la jeune femme avait par sa capacité à ne pas dormir est terminé. Elle doit donc payer une compensation.
Sommeil est un bon moyen de s’initier à l’univers
d’Haruki Murakami avant de se lancer dans un de ses romans, comme par exemple L’incoloreTsukuru Tasaki et ses années de pèlerinage.
Sommeil d'Haruki Murakami publié aux éditions Belfond.
Découvrez la lecture en directe de Lemon June :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire