J’ai avalé un arc-en-ciel.
Erwan Ji
Capucine, une franco-américaine, se prépare à faire sa
rentrée pour sa dernière année de lycée. Elle n’a qu’une hâte, pouvoir
bénéficier de tous les privilèges des seniors, notamment participer à la
grande compétition de pistolets à eau de fin d’année ou de bénéficier parfois
de plus d’indulgence de la part des surveillants qui les connaissent bien. Mais
ses projets vont être bouleversés par l’arrivée d’une nouvelle élève, Aiden.
Capucine va alors éprouver des sentiments qu’elle n’aurait jamais cru ressentir
un jour…
Ce roman a reçu beaucoup de critiques positives. Dans la
bibliothèque où j’ai été l’emprunter, il était même classé « coup de cœur
des ados ». J’étais cependant tombée sur les vidéos de deux booktubeuses,
Mx Cordélia et Audrey-Le souffle des mots, qui n’avaient pas apprécié leur
lecture. Alors, en voyant ces avis si divergents, j’ai décidé de me faire ma
propre opinion sur ce roman.
L’histoire est moins pire que ce que je craignais. Mais je
reste mitigée sur plusieurs points.
Tout d’abord la représentation du lycée américain. Cette
vision semble très idéalisée. Le lycée est pour des adolescents bourgeois ce
qui permet aux élèves d’avoir un Macbook offert en début d’année, sans oublier
le nombre incroyable de fêtes organisées (presque chaque semaine). Pour
couronner le tout, les professeurs sont attentifs et plutôt bienveillants.
J’ai peine à croire que tout soit si rose ! Cette
vision ressemble à celle que l’on peut avoir d’un point de vue extérieur, en
regardant des séries par exemple. De plus, l’héroïne affirme également au début
du livre qu’il n’y a pas de harcèlement dans son établissement. Mais, comme l’a
signalé Mx Cordélia dans sa vidéo, elle se fait bel et bien harcelée par deux
filles qui menacent de révéler son amour pour Aiden.
Ensuite, j’ai eu dû mal à apprécier le personnage de
Capucine. Tout d’abord, j’ai trouvé que l’auteur nous mentait presque à son
sujet, en la présentant comme une jeune fille « moins riche que ses
camarades » alors qu’elle habite dans une maison, dispose de nombreuses
paires de chaussures, a le permis et part en vacances en France par exemple.
Ensuite, elle se définit comme une élève pas véritablement
« populaire », mais tous les garçons de son lycée semblent être
obnubilée par elle et la jeune fille a été élue avec son ex-petit ami
« plus beau couple de l’année ». Si ce n’est pas être populaire, je
ne sais pas comment définir cela.
Ce souci m’amène a en évoquer un second : l’idée des
clans dans le lycée de Capucine. Elle ne cesse d’évoquer les Artistes, les
Nerds, les Populaires. Cette division des élèves m’a semblée extrêmement peu
crédible. Certes, l’histoire se déroule en Amérique et non pas en France, mais
j’ai du mal à imaginer comment les élèves peuvent se regrouper à ce point par
affinités. Normalement, les classes sont fixes. De plus, il est normal dans un
groupe d’amis que chacun ait ses propres goûts, pourquoi vouloir imposer une
étiquette réductrice à ces personnages ? J’ai trouvé que cela faisait
perdre de l’épaisseur à l’intrigue et véhiculait des stéréotypes détestables.
Il y a eu également des moments qui m’ont mis assez mal à
l’aise, notamment certaines blagues ou remarques que fait l’héroïne. Cordélia a
déjà évoqué la culture du viol dans sa vidéo, mais j’aimerai également
mentionner ce qui me semble être du racisme ordinaire. A deux reprises Capucine
évoque deux élèves d’origine chinoise qui portent par hasard le même nom de
famille. Tout d’abord, elle ne cesse de faire des plaisanteries à ce sujet en
évoquant un possible mariage et affirme
qu’on ne voit pas bien leurs yeux car ils sont bridés. Ces phrases, qui
sont très anodines, m’ont fait réagir, car je n’ai pas trouvé cela approprié.
Je ne sais pas pourquoi l’auteur a fait faire ce genre de remarques à son personnage.
Etrangement, la compétition de pistolets à eau de fin
d’année m’a fait sortir de ma zone de confort Le jeu s’appelle les Assassins.
La règle du jeu est simple, chaque senior reçoit le nom d’une personne à
« tuer ». S’il touche sa cible, il hérite de celle de son adversaire.
Le but est qu’il ne reste qu’une personne. Sur le principe, cela peut paraître
amusant, mais j’ai immédiatement pensé aux nombreuses tueries qui ont eu lieu
dans les écoles américaines à cause des armes à feu. Faire jouer les protagonistes
à ce jeu, (qui ne semble pas exister dans la réalité) m’a semblé presque
indécent.
Enfin, j’aimerais évoquer le traitement de l’homosexualité
dans le roman. J’ai trouvé le couple d’Aiden et Capucine assez mignon, c’est
d’ailleurs l’un des seuls aspects que j’ai apprécié dans ma lecture. Je trouve
également que le dilemme de l’héroïne, la négation de son attirance pour la
jeune femme, est bien retranscrit. Cependant, J’ai avalé un arc-en-ciel ne
nous permet pas de nous renseigner véritablement sur la communauté LGBT+.
En effet, comme l’a signalé Cordélia dans sa vidéo, Capucine
est bisexuelle. Or le terme n’est pas écrit une seule fois dans le roman. Cela
peut s’expliquer par le fait que la jeune fille nie son attirance pour les
filles, mais j’aurais préféré que l’auteur soit plus clair sur la question,
notamment pour les lecteurs assez jeunes. Je pense que ce livre peut se lire à
partir de 13 ans.
Or à cet âge, je n’étais pas encore au clair sur les
différentes orientations sexuelles. Je connaissais évidemment l’hétérosexualité
et l’homosexualité, mais j’étais assez perdue entre les transsexuels, les
bisexuels etc. Ces termes étaient assez flous pour moi, et cette histoire ne
nous permet pas d’en apprendre davantage, alors que Capucine aurait pu obtenir
des renseignements via Aiden, qui semble mieux accepter le fait qu’elle soit
lesbienne.
A un moment du récit, l’héroïne évoque l’existence d’un club
LGBT dans son lycée. Pourquoi l’auteur n’a-t-il pas fait aller Capucine en
secret à ce rendez-vous pour s’informer ? Bref, toujours est-il que pour
un roman adolescent qui traite de l’homosexualité, j’ai trouvé que le sujet
restait un peu en surface, il aurait mérité d’être davantage creusé.
Je ne vous recommande donc pas J’ai avalé un arc en ciel car
je trouve que les défauts de ce roman sont trop dérangeants pour être ignorés.
Néanmoins, si vous souhaitez lire des romans traitant de l’homosexualité, je
vous conseille d’aller sur la chaîne de Mx Cordélia qui propose un panel
large de livre LGBT+.
J’ai avalé un
arc-en-ciel d'Erwan Ji publié aux éditions Nathan.
La vidéo de Mlle Cordélia sur le roman d'Erwan Ji :