La vraie vie
Adeline Dieudonné
Dans la
maison des parents de notre héroïne, il y a une pièce
particulière : la chambre des cadavres. C’est là que son
père, un chasseur professionnel, expose ses trophées. Parmi eux,
une hyène. Si l’animal semble inoffensif, il va peu à peu
prendre le contrôle de son petit frère et envahir sa tête, tel un
esprit maléfique, réduisant le petit garçon à un être uniquement
habité par la haine et par la violence. Mais la jeune fille refuse
de rester passive face à cela, et se prend de passion pour les
sciences afin de remonter le temps et changer l’évènement
dramatique qui a livré Gilles à la hyène. Mais plus elle
grandit, plus elle se rend compte qu’elle devient une cible, une
proie pour son père et pour son âme de chasseur.
J’ai
adoré ce roman, dont j’avais entendu parler sur la chaîne
d’Audrey-le Souffle des mots. Cette histoire m’a proprement
bouleversée. Contrairement à ce que pourrait laisser penser le
résumé, ce roman n’est pas fantastique, même si l’héroïne
ressent véritablement la présence de la hyène. Cet animal est en
réalité la personnification de la mort et de la violence. Je
préfère également ne pas vous révéler quel est l’évènement
tragique qui a fait basculer Gilles, afin de ne pas gâcher le suspense
mis en place par l’auteur.
Ce que
j’ai préféré dans cette histoire, c’est son personnage
principal, bien que nous ne connaissions pas son nom. Nous la suivons
depuis ses dix ans jusqu’à ses 15 ans, et j’ai aimé la voir
grandir, évoluer, prendre en maturité et en force. Elle fait preuve
d’un courage incroyable et d’une détermination sans faille pour
sauver son petit frère. Elle ne renonce jamais, malgré la situation
difficile qu’elle doit affronter, la violence de son père et la
passivité de sa mère. C’est aussi une jeune fille d’une
intelligence rare, qui démontre un don pour les sciences dès son
plus jeune âge. J’ai apprécié la voir évoluer auprès d’un
vieux professeur de son quartier, et le fait de la voir se référer
à Marie Curie comme un modèle.
Ce que
j’ai trouvé également très impressionnant, c’est la façon
dont Adeline Dieudonné parvient à décrire la violence de
l’univers dans lequel ses personnages évoluent. Elle sait
parfaitement instaurer une tension au sein de son histoire, à
travers la hyène tout d’abord, mais aussi via les descriptions du
père de l’héroïne, ses gros plans sur ses mâchoires qui se
contractent et sa voix qui devient douce alors qu’il s’apprête à
frapper. Elle créée un contraste saisissant entre cet homme féroce
et sa femme, qu’elle qualifie d’amibe, fragile et passive, dont
nous percevons cependant un semblant de vie au fur et à mesure que
sa fille se rapproche d’elle.
L’auteure
décrit aussi à la perfection le terrible changement chez Gilles au
cours des cinq années que couvrent le roman. Ces passages sont parfois
très durs mais nécessaires pour comprendre la gravité de la
situation et nous pousser à nous révolter contre ces parents qui ne
remplissent pas leur rôle en ne tentant rien pour aider leur fils,
en laissant ce poids sur les épaules de sa sœur.
Si le
monde clos de la banlieue résidentielle où vivent les personnages
est violent, Adeline Dieudonné nous fait sentir que ce lotissement
est fait une réplique en miniature de la société. Cela est permis
grâce à la femme du vieux professeur, qui a été sauvagement
agressée dans sa jeunesse pour avoir protégé des femmes battues,
alors que le couple vivait encore à Tel Aviv. Cela peut expliquer
le titre du roman. La vraie vie, c’est
celle que les personnages vivent à cet instant, avec toute cette
violence contre les femmes.
La
fin du roman est à la fois terrible et pleine d’espoir. Nous
sentons que même si les protagonistes n’auront pas la vie facile,
il y a peut-être une chance pour qu'elle soit meilleure que celle de leurs parents.
La vraie vie d'Adeline Dieudonné publié aux éditions Iconoclaste.
La vidéo d'Audrey:
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