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lundi 29 juillet 2019

Mille femmes blanches de Jim Fergus

Mille femmes blanches


Jim Fergus

 

Mille femmes blanches / Fergus

 


États-Unis, fin du XIXe siècle.

Afin de favoriser l’entente entre les Indiens et les hommes blancs, Little Wolf, le chef de la tribu cheyenne propose au président de lui échanger mille femmes blanches contre mille chevaux. Comme les enfants nés des unions entre les cheyennes et les femmes blanches seront élevés dans la famille de leur mère, le mélange pourra se faire entre les Indiens et les Blancs.

Alors qu’elle est internée à l’asile pour avoir vécu avec un homme de condition inférieur hors des liens du mariage, May Dodd a vent de ce projet fou. Désirant échapper à ce lieu terrible où elle est prisonnière, elle accepte avec une vingtaine de femmes, pionnières de l’aventure, de se lancer dans l’expédition. Elle va ainsi découvrir une culture, des coutumes et un mode de vie complètement différent du sien. Petit à petit, la jeune femme parvient à avoir une place importante dans la tribu, en se faisant même surnommer Mesoke, l’hirondelle.

Mais May va également assister à la fin de la civilisation indienne, minée par la boisson et l’avancée de l’homme blanc dans les terres, appâté par l’or et faisant fi des traités.

Ce roman est un coup de cœur ! Je n’ai absolument rien à redire à ma lecture, j’ai adoré cette expérience de bout en bout !
Le roman se présente sous la forme du journal intime de May, ce qui est déjà un bon point car nous pouvons percevoir toutes ses pensées, ses émotions, nous nous sentons au cœur de l’histoire. Le personnage de May Dodd est aussi extrêmement attachant. Elle est forte, déterminée, ouverte d’esprit et incroyablement moderne pour l’époque. Elle devient un modèle pour les autres femmes blanches et pour nous, nous donnant envie de nous battre pour notre place dans le monde.

May n’est pas le seul personnage attachant du roman. J’ai également apprécié découvrir les autres membres du groupe, notamment, Femi, une ancienne esclave bien déterminée à ne plus jamais se laisser asservir. Elle sera la première femme nommée guerrière dans la tribu. Femi est un personnage à part, du fait de sa couleur de peau, mais aussi de sa grande lucidité au sujet des réserves. Dès le début, contrairement à May et les autres, elle perçoit le côté emprisonnant de ce dispositif, et fait un parallèle avec l’esclavage. Les débats qu’elle a avec May Dodd sur le futur des indiens sont très intéressants, surtout lorsque nous connaissons la fin historique des évènements.

Hélène Flyt, une ornithologue, est aussi attachante que les deux autres. Sa passion pour les oiseaux lui permet à elle aussi d’avoir une place de choix dans la tribu cheyenne. Elle intègre véritablement les mœurs de son nouveau peuple. Gurthie, une jeune cochère déguisée en homme, m’a beaucoup plu, de par son fort caractère et sa franchise.

Le livre de Jim Fergus est principalement composé de personnages féminins. J’ai trouvé que l’auteur exploitait bien cet aspect du roman en évoquant plusieurs questionnements ou douleurs féminines. Tout d’abord, il évoque explicitement leur sexualité, notamment à travers May, qui est libérée et qui peut discuter de ces sujets avec des femmes moins expérimentées, notamment son amie Martha. Jim Fergus souligne aussi le fait que les femmes, quelques soient les tribus, sont la proie des hommes, de leur jugement, et de leur condamnation.

Ce roman comporte des scènes difficiles, notamment des scènes de viols. J’ai éprouvé un sentiment de colère, de révolte, d’impuissance et d’écœurement à la lecture de certains passages. L’auteur décrit avec une acuité terrible les ravages de la boisson sur les indiens. Ces scènes sont cependant ponctuelles et toujours justifiées.

J’ai aussi aimé voir la politique de la tribu cheyenne à travers un regard extérieur. Les femmes savent reconnaître les qualités de leur nouveau monde, comme la démocratie de la tribu, mais aussi ses défauts, tel que le manque d’unité entre les indiens.

La fin de ce livre m’a bouleversée et m’a laissée sans voix.

Je recommande ce roman à tous les amoureux de la civilisation indienne, de la conquête de l’Ouest et aussi des personnages féminins forts et attachants !

Mille femmes blanches de Jim Fergus publié aux éditions Pocket.

lundi 22 juillet 2019

Le Roi Magicien de Lev Grossman

Le Roi magicien


(Les Magiciens tome 2)

Lev Grossman





Pour lire mon article sur le tome 1, cliquez ici !

/!\ Cette article contient des révélations dérangeantes pour toute personne n’ayant pas lu le tome 1 et souhaitant commencer la lecture de la saga !

Quentin, Eliott et Jane sont à présents rois de Fillory. Mais comme toujours dans ce monde, rien ne se passe comme prévu, et Quentin ne voit pas venir la quête espérée, qui lui permettra de devenir un véritable héros. Une mission va finalement se présenter lorsque les jeunes gens se voient chargés de rassembler sept clés d’or susceptibles de sauver Fillory et le monde de la magie ! Alors que Quentin espère être au centre des évènements, il se retrouve projeté sur Terre et doit trouver son chemin pour regagner son royaume ! La quête du jeune homme ne semble pas seulement être celle de sauver Fillory mais également de découvrir quelle est pour lui la définition véritable du héros et son but dans l’existence. Aidé de son amie Julia, une « sorcière pourrie », il va parcourir le monde, en passant aussi bien par Brakebills que par Venise ou le pays du Ni !

Ce tome 2 m’a grandement satisfaite. Tout d’abord, nous retrouvons l’ambiance assez humoristique qu’instaure Lev Grossman en faisant prendre à son intrigue le contre-pied total des romans de fantasy habituels. En effet, Quentin semble toujours être empêché de se trouver au cœur de l’action. L’auteur nous surprend en permanence !

J’ai aussi apprécié retrouver certains personnages du tome 1 comme Eliott ou Josh. Mais ce que j’ai surtout adoré, c’est en apprendre plus sur Julia, la meilleure amie de Quentin avant son entrée à Brakebills, et délaissée dans le tome 1. Nous disposons d’informations sur ce qu’elle a accompli depuis son échec à l’examen d’entrée dans l’école de magie. C’est un personnage qui m’a grandement impressionné par sa détermination, sa persévérance, son refus de s’avouer vaincue devant l’échec, sa force. C’est une jeune femme blessée par la vie, mais qui parvient à se battre malgré tout. J’ai également beaucoup aimé que l’auteur nous renseigne plus sur l’origine de la magie.

Ce sont des romans que je recommande chaudement aux lassés de fantastiques et de fantasy, ils pourraient bien renouer avec le genre.

Le Roi Magicien de Lev Grossman publié aux éditions de l'Atalante.


J’ai également commencé à regarder la série télévisée diffusée sur Syfy. Celle-ci m’a également beaucoup plu, même si les réalisateurs ont effectués de nombreux changements par rapport aux livres. Je trouve cependant que ceux-ci sont réfléchis et indiquent qu’ils ont pensé à la structure de l’histoire et l’ont étudiée avec soin.

Quentin et Alice


En effet, dès la saison 1, nous suivons l’histoire de Julia et Quentin en parallèle, nous voyons leur évolution, le jeune homme chez les magiciens « officiels » de Brakebills, son amie dans les bas-fonds du monde fantastique, chez les sorcières. Cela me paraît logique et intelligent.


Julia dans la série



De plus, je trouve que les réalisateurs ont fait preuve d’audace et n’ont pas hésité à retranscrire les scènes « osées » des romans, où les adolescents boivent, fument, font l’amour. Ils n’ont pas lissés les personnages, ils les ont rendu avec leur failles, et n’hésitent pas à accentuer le côté parfois parodique de l’univers.

Je trouve qu’ils ont également rendu certains personnages plus intéressant, notamment Penny, qui est davantage développé que dans les romans. Nous en savons également plus sur certains évènements qui sont simplement effleurés, par exemple la tentative d’assassinat du Grand Roi de Fillory.

Penny


J’ai aussi apprécié le fait que Jane, qui s’appelle Margot dans la série, soit montrée comme régentant le royaume. Son côté autoritaire, et le fait qu’elle soit prête à tout pour aider Eliott m’a beaucoup plu.

Margot et Eliott


J’ai aussi aimé que l’homosexualité, le polyamour soient évoqués explicitement.

Je pense donc que ceux qui ont lu les romans pourront apprécier la série, malgré les modifications qu’elle apporte ! Je recommande cependant d’essayer de lire et de regarder les deux versions séparément pour ne pas se perdre dans l’histoire !

lundi 8 juillet 2019

Tropismes de Nathalie Sarraute

Tropismes

Nathalie Sarraute

 
Tropismes / Nathalie Sarraute

Avec ces vingt-quatre nouvelles, Nathalie Sarraute brise tous les codes du genre. Plus de personnages, de lieux définis. Plus de vraie action principale. Nous suivons différents êtres, jeunes, vieux, anonymes, parfois peut-être non humains à travers leur perception, leurs sensations. Ils semblent parfois tristes, malheureux, inquiets ou étouffés sous le poids du regard des autres, de la société.

Avec une acuité extrême, l'auteure souligne combien les normes et les codes peuvent emprisonner les individus, ce qui justifie sans doute aussi ses choix romanesques. En effet, Nathalie Sarraute appartient au courant littéraire du Nouveau Roman, qui rejette les codes préétablis de la littérature, notamment ceux des réalistes comme Balzac, qui bâtissent une histoire dotée de lieux précis, de personnages nommés, fouillés, étudiés, parfois à différents moments de leur vie.

Si ces nouvelles sont troublantes, elles ne sont pas désagréables pour autant. Le style de Sarraute est fluide, très beau, presque poétique parfois. Elle parvient avec un grand talent à décrire les plus petits détails d'une pièce, d'une atmosphère, à rendre par les mots nos moindres sensations.

Les nouvelles étant elles-mêmes courtes, à peine plus de deux pages, nous n'avons pas le temps de nous sentir perdus, agacés par le manque de structure des textes.

Le meilleur conseil que je pourrais fournir aux lecteurs curieux est de se lancer, d'essayer. Les textes de Tropismes sont impossibles à résumer, mais ils laisseront une impression durable en vous. Je finirai donc sur une définition de Nathalie Sarraute : "Les tropismes, ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est impossible de définir."

Tropismes de Nathalie Sarraute publié aux éditions de Minuit.