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mercredi 27 mai 2020

On achève bien les chevaux de Horace McCoy

On achève bien les chevaux


Horace McCoy



On achève bien les chevaux / Horace McCoy

Dans les années trente, aux États-Unis, il ne fait pas bon courir après le rêve américain et le strass et les paillettes de Hollywood. C’est ce que découvrent à leurs dépens Robert et Gloria, deux personnes d’origine modeste espérant devenir figurants pour de grands films. Afin de gagner un peu d’argent, ils s’inscrivent ensemble à un marathon de danse pour espérer empocher une récompense de mille dollars. Mais la compétition est rude. Le principe de ce concours est très simple : il ne faut jamais cesser d’être en mouvement pendant cinquante-cinq minutes. Les participants ont droit à dix minutes de pause pendant lesquelles ils peuvent manger, dormir et se soigner. La durée du jeu est illimitée, et ne cesse véritablement que lorsqu’il ne reste plus qu’un couple en lice. Si, pendant l’épreuve, Robert y voit l’opportunité de se créer un réseau pour une carrière future, Gloria se laisse peu à peu sombrer dans la mélancolie, la rancœur et le mal de vivre, jusqu’à commettre l’irréparable…

J’avais entendu parler de ce roman grâce à la merveilleuse vidéo de LemonJune, qui m’avait donnée très envie de le lire ! Bien que courte, cette lecture laisse un souvenir mémorable.

Le contexte dans lequel se déroule l’histoire est très particulier et révoltant. Je n’avais jamais entendu parler de ces marathons de danse, qui ont pourtant bel et bien existé. L’auteur décrit combien la misère humaine est dressée en spectacle pour les plus offrants. Les organisateurs privilégient le sensationnel, allant jusqu’à mettre en scène de faux mariages ou à profiter des crimes d’un des candidats pour faire la publicité de l’évènement. Les danseurs sont tous des personnes démunies, ayant désespérément besoin d’argent ou en situation de fragilité. Outre Gloria et Robert, nous avons un aperçu des autres couples, parmi lesquels on trouve notamment une femme enceinte et une jeune adolescente en fuite.

La narration laisse également une impression très particulière. Nous suivons uniquement le point de vue de Robert. Nous entendons la voix du personnage, son langage familier et parfois cru, mais dans le même temps nous sommes frappés par la façon dont le jeune homme semble détaché du récit qu’il raconte. Mis à part une rapide mention des douleurs physiques, Robert ne s’attarde pas sur l’horreur de sa situation. Il détaille les faits de façon clinique, il est concentré sur lui-même, ses projets d’avenir, et sa volonté de réussir. Cela ne rend pas pour autant le récit plat et dépourvu d’action. Au contraire, nous ressentons une certaine angoisse lorsque Robert décrit les courses mises en place par les organisateurs pour éliminer plus vite les concourent et renforcer l’aspect spectaculaire du marathon. Nous en venons à éprouver le désir paradoxal que Robert et Gloria restent dans la course, car cela semble être la dernière solution qu’il reste aux personnages.

Ce court roman se déroule presque à huis clos. Les danseurs semblent coupés du monde, plus rien n’existe en dehors de la construction sur pilotis où ils s'entassent jours et nuits. Le passé ou l’avenir des protagonistes ne semblent plus véritablement compter. Même si Robert aspire à devenir réalisateur, il vit au jour le jour, profitant des repas chauds et sympathisant avec les différents sponsors. Quant à Gloria, son désir de mort et son dégoût du monde se renforcent à mesure que les jours passent, si bien qu’elle ne se projette plus du tout dans un futur proche ou lointain.

Gloria est un personnage à la fois fascinant, triste et mystérieux. Nous n’avons que le point de vue de Robert, qui ne la comprend pas, si bien qu’elle garde un voile secret. Cependant, le peu que nous en livre l’auteur sur son passé suffit à nous laisser comprendre qu’il s’agit d’une jeune femme blessée par la vie, abîmée par les violences qu’elle a subi et profondément dégoûtée du monde qui l’entoure et qui ne semble pas présenter un avenir viable. Cela est particulièrement frappant dans son désir qu’elle a de ne pas avoir d’enfants, pour ne pas qu’ils se transforment en adultes pauvres et esclaves de l'argent. Contrairement à Robert, Gloria ne se laisse pas prendre au jeu de la compétition. Elle pose un regard désabusé sur le monde des sponsors, sur le public et les autres danseurs. C’est également un personnage très moderne, mordant et qui a du répondant. Elle n’hésite pas à défendre la liberté des femmes face à une morale austère, et qui cache souvent plus de vices qu’il n’y paraît.

On achève bien les chevaux est donc un roman poignant, dur et sombre, où les personnages semblent condamnés, mais qui dans le même temps pointe du doigt la cruauté et la bêtise humaine, ainsi que son goût pour le spectacle et le morbide. Si vous avez le cœur bien accroché, et si vous désirez en savoir plus sur ce fait historique peu connu, ce roman est fait pour vous !

On achève bien les chevaux de Horace McCoy publié aux éditions Folio.

La vidéo de Lemon June :


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