Ce
magnifique roman graphique nous entraîne au sein d'une maison close, la
Maison sans Horloge. Vendue par sa mère à l'âge de neuf ans, Som-Som
porte un masque qui lui mange tout un côté du visage et altère ses
capacités de paroles et de compréhension. C'est pourtant sous son regard
que se déroule une histoire d'amour tragique et cruelle entre deux
comédiens. Passion et ambition côtoient la vengeance.
J'avais entendu parler de ce livre sur la chaîne d'@alexbouquineenprada et j'avais très envie de me faire mon propre avis sur cette œuvre.
Pour
commencer, il faut souligner que le travail de l'illustratrice est
absolument fabuleux ! Ses dessins riches en détails retranscrivent bien
l'atmosphère sombre et mystérieuse du lieu. Si la plupart des
illustrations sont en noir et blanc, il y a également trois planches en
couleur.
L'histoire en elle-même m'a également semblé
intéressante. En très peu de pages l'auteur parvient à construire
l'atmosphère de la maison close où se situe l'intrigue ainsi que la
personnalité des deux comédiens. J'ai aimé voir évoluer les rapports de
force entre les personnages. La réflexion sur l'ambition et l'amour est
très juste.
Som-Som est également un personnage attachant, pour
qui l'on éprouve de l'empathie face à l'horreur de sa condition (même si
aucune scène explicite n'est dessinée ou écrite). Cependant, elle passe
finalement assez vite en retrait par rapport au reste de l'intrigue, ce
que j'ai trouvé quelque peu déstabilisant. En effet, le résumé laissait
véritablement penser que nous suivrons davantage son histoire.
Enfin,
bien qu'elle ne soit pas décrite de façon détaillée, une scène de viol
dans le récit m'a quelque peu dérangée. Nous comprenons que c'est pour
montrer la relation toxique entre deux personnages, mais je reste
persuadée qu'il n'y avait pas besoin de cela pour nous faire comprendre
que cette relation était malsaine et vouée à l'échec.
Malgré ces
points noirs, je recommande aux amoureux des romans graphiques et des
atmosphères mystérieuses de se pencher sur L'hypothèse du Lézard afin de
plonger en immersion dans une histoire d'amour tourmentée.
L'hypothèse du Lézard de Alan Moore et Cindy Canévet publié aux éditions ActuSF.
A la fin du XIXe siècle, l'un des lieux les plus redoutés de Paris pour les femmes, pauvres comme riches, est l'hôpital de la Salpêtrière. Un mot de travers, une attitude jugée déplacée ou une autre entorse à la normalité peuvent leur valoir un aller simple entre les murs de cet asile. Cependant, ce lieu n'est plus rempli de cachots sordides où l'on enchaînait les prisonnières. C'est le haut lieu d'étude du professeur Charcot, un neurologue renommé dans toute la capitale. Geneviève, infirmière depuis des années à la Salpêtrière, est convaincue d’œuvrer pour le plus grand bien de la science et des femmes. Ses certitudes vont être bouleversées par l'arrivée d'Eugénie, une jeune bourgeoise qui prétend communiquer avec les Esprits.
J'attendais de lire ce roman avec une grande impatience, ayant entendu beaucoup de bons échos et d'avis enthousiastes. J'ai beaucoup apprécié l'aspect historique et informatif du Bal des Folles. L'autrice nous offre une véritable immersion dans cet univers clos et particulier, avec ses propres us et coutumes. Le point culminant du roman est véritablement la préparation du bal du Carême, autrement appelé le Bal des Folles, où des membres triés sur le volet de la haute société peuvent aller à la rencontre lors d'une soirée dansante de ces internées qui fascinent et répugnent à la fois.
Il est frappant de constater le manque d'empathie des médecins, qui ne les considèrent que comme des objets d'expériences scientifiques, et combien les motifs d'internement sont parfois arbitraires et injustes.
J'ai aussi aimé la rencontre entre les personnages d'Eugénie et Geneviève dont les convictions sont si différentes. Les voir évoluer tout au long du roman était très intéressant. Les relations nouées entre les patientes sont aussi très touchantes.
Cependant, ma lecture n'a pas été exempte de quelques bémols. Pour commencer, quasiment aucun des retournements de situation ne m'a surprise. Tous les évènements s'enchaînent de façon attendue. Certes, Le Bal des Folles n'a pas vocation à être un roman à suspense, mais j'aurais souhaité un peu plus de surprise pour pimenter ma lecture.
Ensuite, je trouve parfois que l'autrice fait preuve de peu de subtilité dans son propos et dans son écriture. Le but sous-jacent de Victoria Mas est de dénoncer les violences faites aux femmes aussi bien par le corps médical, que par la société dans laquelle elles vivent. Cette œuvre est profondément féministe, ce qui est très appréciable et que l'on doit encourager. Pourtant, j'ai eu parfois l'impression que l'autrice voulait le souligner et le clamer à grands traits, manquant parfois de finesse, et faisant perdre le fil de la narration avec des réflexions qui semblent parfois trop modernes pour les personnages de l'époque.
Cette façon d'appuyer sur le féminisme comme pour faire de ce roman un livre dans la tendance m'a un peu dérangée.
Malgré cela, Le Bal des Folles reste une bonne lecture que j'ai apprécié notamment pour l'aspect historique et documentaire qu'il propose. Je le conseille à ceux qui s'intéresse à la psychanalyse.
Le Bal des Folles de Victoria Mas publié aux éditions Albin Michel.
Malo 15 ans déménage à la campagne avec
sa famille. Outre le déplaisir de laisser ses amis derrière lui, le
jeune homme ressent de l'angoisse dans sa nouvelle demeure. La vieille
bâtisse dégage des ondes néfastes, comme si des secrets étaient enfouis
sous ses fondations...
Lorsque sa petite sœur Jeanne adopte un
comportement de plus en plus alarmant, Malo décide de mener l'enquête et
de percer le secret de sa nouvelle maison.
Ce roman jeunesse est parfait pour les jeunes lecteurs qui veulent prolonger l'atmosphère d'Halloween !
L'autrice
parvient à créer une atmosphère angoissante dès l'instant où la famille
arrive dans la bâtisse. Que ce soit dans la forêt qui borde la maison
ou dans les couloirs du bâtiment, nous ressentons comme Malo un frisson
le long de l'échine !
Delphine Bertholon s'inspire clairement des
romans d'horreur traditionnels et surtout de Stephen King, qu'elle
remercie d'ailleurs à la fin de son œuvre !
Nous pouvons
dénombrer les éléments classiques d'un bon romans horrifique : la petite
fille qui semble possédée par des forces extérieures, les parents
aveugles aux phénomènes surnaturels et le jeune protagoniste qui doit
bien malgré lui jouer au chasseur de fantôme !
Le dénouement de
l'intrigue n'a pas été une surprise pour moi, les éléments qui se
déroulent dans ce récit sont assez attendus et conventionnels. Cependant
l'histoire se lit très bien et l'on passe un agréable moment
frissonnant avec Malo !
Je conseille ce roman aux jeunes adolescents qui n'osent pas encore attaquer franchement le genre de l'horreur.
Celle qui marche la nuit de Delphine Bertholon publié aux éditions Albin Michel.
Pour arrondir ses fins de mois, Ange, une
étudiante bruxelloise, décide de donner des cours particuliers de
français. Elle fait alors la connaissance de Pie, un jeune homme
dyslexique que son père dit incapable de lire un seul volume. Ange
découvre au contraire que Pie est capable de dévorer des romans s'il les
trouve à son goût.
Ange se lance alors dans la tâche ardue de transmettre à cet adolescent le plaisir de lire...
Ce roman est une bonne lecture pour moi!
L'idée
de départ est très bien amenée, et c'est une joie de voir Ange et Pie
débattre autour de classiques de la littérature comme L'Odyssée d'Homère
et La métamorphose de Kafka. Une fois le livre refermé, on ressent
l'envie de dévorer des romans d'une traite comme le fait le jeune héros !
C'est
également un texte qui évoque de façon juste le thème de la solitude.
Ange ne parvient pas à se faire accepter par ses camarades de faculté et
Pie n'a pas d'amis au sein de son lycée. La lecture devient un refuge
pour ces deux solitaires. Ils apprennent à se connaître par
l'interprétation qu'ils font des textes et des mots.
Ma seule
déception est la façon dont la fin est construite et amenée. Sans rien
révéler , j'ajouterai seulement que j'ai trouvé le retournement de
situation trop brutal et presque incongru, comme si l'autrice n'avait
pas su comment terminer son histoire et avait opté pour une fin
sensationnelle en dernier recours.
Cela ne gâche cependant pas ma lecture que, pour faire honneur au héros du livre, j'ai dévoré en à peine une journée !
Aya
Kinomiya grandit dans une famille dysfonctionnelle. Son père, un
homme violent, ne cesse de s’en prendre à sa mère, sous l’œil
indifférent de son grand frère. Impuissante face à cette
brutalité, elle se découvre brusquement le don de disparaître à
volonté. Grâce à ce nouveau pouvoir, elle parvient à dénouer la
situation. Mais en grandissant, elle voit poindre en elle une
culpabilité qui l’empêche de véritablement se lier aux autres.
Alors qu’elle entre au lycée, deux jeunes filles percent petit à
petit sa carapace, et lui permettent ainsi de vivre pleinement.
Ce
manga est un coup de cœur ! Cela faisait longtemps que je ne
m’étais pas lancée dans une lecture sous ce format, et cela m’a
fait très plaisir de découvrir cette série. Je trouve que le
mangaka met en place l’intrigue de façon à la fois sobre, sans
scènes de violences excessives, mais en même temps très parlante.
Le dessin des expressions du visage du père d’Aya lorsqu’il est
en colère laisse très clairement transparaître la brutalité de
son comportement. Nous nous attachons immédiatement à la jeune
héroïne et nous compatissons à son malheur.
L’intervention
d’un élément fantastique dans ce cadre réaliste est aussi très
bien amenée. Le lecteur peut rapidement l’interpréter comme
l’expression de la culpabilité de la jeune fille et de sa crainte
de se lier aux autres.
Les
relations que créée Aya avec ses deux amies sont aussi agréables à
suivre. J’ai aimé voir comment petit à petit la lycéenne s’ouvre
aux autres. La fin du tome 2 nous laisse sur notre faim, avec un
revers brutal et inattendu, et j’ai très hâte de connaître la
suite ! La série est en quatre tomes, ce qui évitera, je
pense, d’étirer l’histoire en longueur. Tous les opus sont
sortis en VO, et le tome 3 sera disponible en français le 20
septembre 2020.
Un
manga parfait pour ceux et celles qui aiment les séries courtes,
réalistes et contemporaines.
Transparente de Jun Ogino publié aux éditions Kurokawa.
Grâce à @de_poudlard_a_anima j'ai pu découvrir le merveilleux premier tome de la série L'assassin Royal de Robin Hobb !
Cela
faisait longtemps que je ne m'étais pas laissée autant embarquer dans
un univers de fantasy médiévale ! Nous y suivons les aventures de Fitz,
le fils illégitime du prince Chevalerie , qui va se voir dispenser la
formation d'assassin pour le compte du Roi. Malgré son jeune âge, Fitz
se retrouve pris au milieu d'intrigues de Cour qui pourraient engendrer
sa chute, voire sa mort ...
Ce premier tome pose les bases de
l'univers dans lequel nous allons évoluer. Malgré les nombreuses
descriptions, je ne me suis pas ennuyée un seul instant.
J'ai
immédiatement ressenti de l'affection pour le personnage de Fitz,
notamment en le voyant grandir et évoluer. L'auteur en fait un
personnage très humain, avec ses défauts et ses moments de doute, mais
également avec un cœur tendre. Sa relation avec Burrich, le maître
écuyer qui l'a élevé, est très touchante, bien que complexe et semée
parfois de non-dits.
D'autres personnages, comme celui du Fou, me fascinent, et j'ai hâte d'en apprendre plus sur eux dans les prochains tomes.
Pour
les amoureux d'intrigues politiques, de fantasy se déroulant au
Moyen-Âge ou de longues sagas, cette série est faite pour vous !
L'Assassin Royal : Tome 1 : L' Apprenti Assassin de Robbin Hobb publié aux éditions J'ai Lu
Holden, un jeune homme de seize ans, s'est fait renvoyer pour la quatrième fois d'un collège prestigieux où ses parents l'ont inscrit. Craignant de rentrer plus tôt que prévu et de subir leur colère, il décide d'errer dans les rues de New York, allant dans des hôtels mal famés, des boîtes de nuit sombres et renouant contact avec de vieilles connaissances. Ce jeune homme est hanté par plusieurs démons : le décès de son jeune frère Allie, la crainte de devoir retourner dans un autre internat où il n'a pas sa place et le souvenir de Jane, une jeune fille qu'il semble avoir sincèrement aimé et qu'il ne parvient pourtant pas à recontacter.
Le ton familier du narrateur nous interpelle immédiatement dès les premières pages du livre. Avec un humour assez cynique, il n'hésite pas à pulvériser les codes du roman classique, et nous livre des informations très succinctes sur sa vie ou son passé. Malgré la cruauté qu'il peut avoir dans ses descriptions ou ses réflexions sur les autres, on ne peut s'empêcher d'éprouver un attachement sincère pour cet adolescent qui porte en lui une grande tristesse, mais également une grande tendresse pour les siens. Son attachement pour sa petite sœur Phoebé ou les souvenirs qu'il partage avec son frère Allie sont bouleversants et touchants.
Des détails comme le gant de baseball sur lequel Allie écrivait des poèmes rendent les protagonistes marquants, atypiques et attachants. Holden semble parfois faire preuve d'une immaturité touchante mais il est au contraire d'une clairvoyance saisissante. Il incarne le désœuvrement que l'on peut éprouver en tant qu'adolescent ou jeune adulte face à l'avenir.
Grâce à lui nous découvrons New York sous toutes ses coutures depuis le quartier de Brodway jusqu'à Central Park.
Ce récit court, qui tient sur une soirée et une journée, nous fait entrer fugacement, mais de façon marquante, dans la vie d'un personnage étonnant.
L'attrape-coeur de JD Salinger publié aux éditions Robert Laffont.
Diane LeGoffe exerce un métier peu commun : elle officie en tant que guérisseuse dans une région reculée de Bretagne. Mais un matin, alors qu'elle se rend au chevet d'un patient, sa voiture dérape sur une plaque de verglas, la tuant sur le coup. Une de ses amies de Paris, écrivaine et journaliste, se rend alors en Bretagne pour soutenir ses deux filles, désormais orphelines. Mais la cadette est formelle : la mort de Diane n'est pas un accident, c'est un meurtre. En effet, sa mère n'était pas seulement dénommée guérisseuse, on chuchotait également qu'elle était une sorcière. Et si le décès de Diane avait été provoqué par un mauvais sort ?
Ce roman est un coup de cœur, une excellente surprise ! Le thème de la sorcière m'a toujours beaucoup intéressée et fascinée, mais je n'avais jamais encore lu de roman comme celui-ci. En effet, nous ne sommes pas dans une œuvre fantastique, où la magie est synonyme de boules de feu et d'éclairs aveuglants. Ici nous sommes face à une pratique plus proche de la nature, plus spirituelle. L'autrice explore les différentes significations des mots "sorcière" et "guérisseuse", en retraçant notamment l'histoire de la sorcellerie en Bretagne. Elle évoque notamment le mythe de Merlin l'Enchanteur. Elle joue très bien sur la frontière ténue qu'il existe entre les phénomènes paranormaux et les phénomènes dits "magiques" qui ne se réalisent que parce que l'on y croit avec fermeté.
La narratrice, écrivaine parisienne, est tiraillée entre une éducation très rationaliste et une attirance pour les forces occultes et la sorcellerie. En menant son enquête sur la mort de sa meilleure amie, elle interroge différents personnages sur leur vision de la magie, offrant au lecteur une palette de perceptions différentes. A travers ce personnage, l'autrice nous invite également à nous pencher sur le métier d'écrivain. La narratrice éprouve une culpabilité car tout ce qu'elle écrit dans ses romans, notamment les choses les plus tragiques, semblent se réaliser. Or peu de temps avant la mort de Diane, elle rédige un passage comportant un accident de voiture. Cela nous fait nous poser la question du pouvoir démiurge de l'écrivain et du pouvoir des mots.
Le roman aborde également avec beaucoup de finesse la question du deuil et de la filiation. La résolution du mystère de la mort de Diane n'est finalement peut-être pas le plus important dans le livre, ce qui est très prenant est surtout le cheminement du deuil effectué par les deux orphelines.
Les chapitres courts et la plume fluides nous font dévorer ce roman.
Je recommande donc cette histoire de sorcières aux amoureux de la Bretagne, des légendes et de l'écriture. Ceux qui préfèrent les pures enquêtes peuvent risquer de s'ennuyer, cependant je leur conseille malgré tout de tenter l'aventure. Le mystère comporte une véritable résolution et ils pourraient avoir une belle surprise !
Le réveil des sorcières de Stéphanie Janicot publié aux éditions Albin Michel.
Contre l'avis de son peuple, Binti se rend à l'Université
d'Ookama, l'un des établissements les plus prestigieux de la galaxie.
Harmonisatrice et virtuose des mathématiques, elle espère y
perfectionner son art.
Mais en chemin le vaisseau dans lequel
elle voyage est attaqué par le peuple des Méduses, une race réputée pour
être belliqueuse et sans merci. Cet événement va changer Binti à tout jamais.
Ce
roman de science-fiction est très original. L'auteur met en place un
univers étonnant, où des créatures hybrides se mêlent aux hommes. Les
vaisseaux dans lesquels voyagent les étudiants sont des poissons géants,
et les villes sont réparties entre différents domaines (la ville des
mathématiques, la ville des armes).
Il décrit également très
précisément les traditions de chaque peuple. Des décors anciens et
familiers tel que le désert se mêlent à des décors ultramodernes et
technologiquement supérieurs à nous.
La jeune fille utilise les
mathématiques pour méditer ou produire des champs de force qui la
mettent en harmonie avec le monde qui l'entoure, ce qui est très
original.
La force de ce roman est aussi la façon dont il aborde
la question du traumatisme. Tout au long du roman, Binti tente de
surmonter ce qui lui est arrivé. Ce n'est pas tant un roman d'action
comme on pourrait s'y attendre (même s'il n'en est pas dépourvu) mais un
roman d'introspection, et de recherche de son identité.
En
voyageant, Binti remet en question les traditions de son peuple et tout
ce qu'elle croit connaître. Elle apprend à se découvrir.
Ce
premier tome nous ouvre donc les portes d'un univers orignal, avec une
héroïne attachante et ouverte d'esprit. Il peut plaire aussi bien aux
amoureux des chiffres qu'aux littéraires convaincus. Je recommande
cependant d'être un lecteur aguerri en science-fiction pour se lancer.
Le dépaysement risque sinon d'être un peu rude !
Dans un
futur qui pourrait être le nôtre, les arbres ont presque totalement
disparu de la surface du globe et la Terre est devenue un immense
désert. Samaa qui vit dans une petite tribu de survivants au sein de
cette étendue de sable doit utiliser quotidiennement des bouteilles
d’oxygène et boire de l’eau gélifiée.
Elle ne rêve que d’une
chose, devenir chasseuse d’arbres, comme ces humains qui parcourent les
plaines désertiques à la recherches des derniers grands végétaux,
qui se dissimulent dans des crevasses. En coupant le bois qu’ils
revendent dans les dernières grandes villes, ils peuvent gagner
suffisamment d’argent pour acheter des boîtes de conserves ou du
tissu synthétique. Mais ce métier n’est accessible qu’aux
hommes.
Un jour Samaa désobéit à la règle et suit le groupe de
chasseur. Alors qu’elle est perdue dans le désert, elle fait une
rencontre qui change le cours de sa vie.
Ce très
court roman, qui tient presque lieu de fable, m’a véritablement
transportée ! J’ai déjà lu des romans de Marie Pavlenko,
notamment Je suis ton soleil (que j’ai beaucoup aimé). Le style
employé par l’auteur est ici très différent. La plume suit le
rythme des pas de la jeune fille, l’écoulement lent du temps dans
le désert. Le ton est presque musical et les mots sont choisis avec soin.
En peu
de pages, Marie Pavlenko parvient à rendre crédible et clair
l’univers dystopique qu’elle met en place. Nous comprenons les
modes de vie de ces derniers hommes, et aussi tout ce qui leur
manque, notamment des connaissances sur le fonctionnement des arbres
et de la biodiversité. Ces végétaux, qu’ils considèrent presque
comme des ennemis, de simples marchandises, seraient en vérité
leurs meilleurs alliés.
L’autrice
décrit également très bien comment Samaa prend petit à petit
conscience de la valeur d’un arbre, et du pouvoir régénérateur
de celui-ci. Même si ce roman est très court, il est très intense,
prenant, et délivre de façon très claire une revendication
écologique. Une fois le livre refermé, nous ressentons un mélange
de tristesse et d’espoir.
Cette
très courte nouvelle, portée par une héroïne audacieuse, peut
plaire à la fois aux amateurs de dystopie, mais également aux
amoureux de films comme Princesse Mononoké, Mon Voisin
Totoro ou Nausicaa de la Vallée du Vent, qui véhiculent
ces mêmes messages écologiques.
Et le
désert disparaîtra de Marie Pavlenko publié aux éditions
Flammarion.
Pour patienter avant
une nouvelle chronique, voici un TAG qui existe depuis très
longtemps dans la communauté livresque : le TAG livresque de A
à Z. Le principe est simple, il faut citer autant de livres qu’il
y a de lettres de l’alphabet. Chaque lettre correspond à une
question. Pour corser un peu le défi, je vais essayer de ne pas
citer La Passe-Miroir de Christelle Dabos et Harry Potter de JK
Rowling à toutes les questions.
A pour Auteur –
Auteur dont tu as lu le plus de livres.
Il s’agit de la série Les
désastreuses aventures des orphelins Baudelaire, écrite par Lemony Snickett et qui ne comporte pas moins de treize volumes. Tout comme
le chiffre treize porte malchance, la vie de la fratrie Baudelaire
est couronnée de mésaventures. Après le décès tragique de leurs
parents, ils doivent échapper au terrible Oncle Olaff qui fait tout
pour s’approprier leur héritage. Cette série pleine d’humour et
de rebondissements m’a laissée un excellent souvenir ! Je la
recommande chaudement aux petits comme aux grands.
B pour « Best » –
La meilleure « suite » de série
Les disparus du Clairdelune de Christelle Dabos. Je
manque déjà à ma parole, mais le deuxième tome de La Passe-Miroir
est une merveille qui se doit d’être mentionnée. En effet, après
la réussite magistrale du tome un, nombreux étaient les lecteurs
qui craignaient que la suite ne soit pas à la hauteur du premier !
J’étais de ceux-là. J’ai depuis appris que Christelle Dabos ne nous
déçoit jamais ! Les disparus du Clairdelune mêle une intrigue
policière aux mœurs débridées de la cour du Pôle. Plongée au cœur d’un conflit qui la dépasse, Ophélie tente de tirer son
épingle du jeu, et doit faire alliance avec son ours mal léché de
mari...
C pour « Current »
Je lis actuellement Mischling de d'Affinity Konar. Nous y suivons deux soeurs jumelles déportées à Auschwitz et servant de cobaye à Joseph Mengele durant de terribles expériences.
D pour « Drink » –
La boisson qui accompagne tes lectures.
Je ne bois que rarement
lorsque je lis, mais lorsque cela arrive, c’est généralement du
thé.
E pour « E-book »
– E-books ou romans papier ?
Livres papiers sans hésiter!
L’odeur et le son des pages qui se tournent me manquent cruellement
sur liseuse !
F pour « Fictif »
– Un personnage fictif avec lequel tu serais effectivement sortie
au lycée.
Le petit ami de Cat, Lévi, dans Fangirl de Rainbow Rowell. Il tolère la passion immodérée de sa petite amie pour la série Simon Snow, il aurait donc certainement accepté mon
passe-temps tout à fait névrosé pour Harry Potter ou La Passe-Miroir.
G pour « Glad » –
Un roman auquel tu es contente d’avoir donné une chance
Il
y en a beaucoup, mes découvertes livresques sont généralement
heureuses. Une de celles qui m’a marquée est a série Les
Penderwick de Jeanne Birdsall. J’ai beaucoup rechigné à lire ce roman, mais une fois
lancée, je me suis prise d’affection pour les sœurs Penderwick,
les faisant entrer dans mon top 3 des romans préférés sur les frères et soeurs.
H pour « Hidden »
– Un roman que tu considères comme un joyau caché.
Espérer le soleil de Nelly Chadour. J’en ai beaucoup parlé sur ce blog, mais
je ne l’ai jamais vu mentionné chez les nombreux booktubeurs que
je suis. Je suis donc contente d’être tombée sur cette petite
merveille, qui mêle à la fois le fantastique et l’enquête
policière, dans un futur alternatif.
I pour « Important
» – Un moment important dans ta vie de lectrice.
Lorsque ma
mère m’a lu Miss Charity de Marie-Aude Murail. C’est à la fois
un roman que nous avons toutes les deux adorées et c’est le
dernier roman qu’elle m’a lu le soir avant que je m’endorme.
Par la suite, j’ai totalement lu par mes propres moyens.
J pour « Juste » –
Le roman que tu viens juste de finir.
On achève bien les chevaux de Horace McCoy que j'ai chroniqué ici !
K pour « Kind » –
Le genre de romans que tu ne liras jamais
Ne jamais dire
jamais !
L pour « Long » –
Le roman le plus long que tu aies jamais lu
Le Passage de Justin
Cronin qui ne fait pas moins de 1008 pages ! La version grand
format ressemble à un dictionnaire Larousse. Mais il faut bien toutes ces pages pour raconter le futur d'une humanité ravagée par d'étranges créatures nées d'expériences scientifiques ayant mal tourné...
M pour « Major » –
Le roman qui t’a causé le plus gros « book hangover » (« trop
plein » livresque – tu ne pouvais plus rien lire après ça)
Après
avoir lu le dernier tome de La Passe-Miroir, mes autres lectures me
semblaient bien fades, tant j’étais hantée par La Tempête des Echos.
N pour « Nombre »
– Le nombre de bibliothèques (meubles) que tu possèdes
Une seule,
mais elle déborde de partout !
La bibliothèque de mes rêves
O pour « One » –
Un roman que tu as lu plusieurs fois.
Il y en a beaucoup, j’aime
relire mes livres ! Pour ne pas toujours citer les mêmes, je
dirai La Couleur des sentiments/The Help de Catherine Stockett. Ce roman suit la vie des bonnes Noires aux Etats-Unis durant la période ségrégationniste.
P pour « Préféré
» – Ton endroit préféré pour lire.
Mon lit douillet !
Q pour « Quote » –
Une citation, d’un livre que tu as lu, qui t’inspires ou qui te
fait ressentir plein d’émotions
“Passer les miroirs, ça demande de s'affronter soi-même. Il faut
des tripes, t'sais, pour se regarder droit dans les mirettes, se voir
tel qu'on est, plonger dans son propre reflet. Ceux qui se voilent la
face, ceux qui se mentent à eux-mêmes, ceux qui se voient mieux qu'ils
sont, ils pourront jamais. Alors crois-moi, ça ne court pas les
trottoirs !”―
Christelle Dabos,
Les Fiancés de l'HiverCela me rappelle l’importance de
l’honnêteté envers soi-même et envers les autres.
Ne pas pouvoir de temps en temps
plonger dans l’univers de mes livres préférés.
S pour « Série »
– Une série que tu as commencée mais jamais finie (et dont tous
les livres sont sortis).
Les enfants de la Terre de Jean M. Auel, qui
se déroule au temps de la Préhistoire. Nous y suivons l’évolution
du personnage d’Ayla, une jeune homo sapiens recueillie par des
hommes de Néandertal. J’ai lu les deux premiers tomes de cette
série assez jeune, et j’ai adoré. Je ne suis jamais cependant
allée au-delà du tome trois. L’histoire me plaisait toujours
autant, mais la longueur du roman m’a fait abandonner ma lecture.
Je ne désespère pas de reprendre cette série un jour.
T pour « Trois » –
Trois de tes livres préférés de tous les temps.
U pour «
Unapologetic » – Quelque chose dont tu n’éprouves absolument
aucun remords d’être fan(girl).
Je n’ai aucun remord d’être
fan de Harry Potter, même si je n’ai pas encore reçu ma lettre de
Poudlard.
V pour « Very » –
Un roman dont tu attends la sortie avec grande impatience, plus que
celle des autres.
Aucune idée ! Joker !
W pour « Worst » –
Ta pire habitude livresque
Parfois je ne peut m’empêcher de lire
la dernière page d’un livre.
X pour « X » –
Commence à compter en haut à gauche de ton étagère (la plus
proche) et prends le 27ème livre.
Il s’agit de Dom Juan de
Molière, une pièce de théâtre mettant en scène les frasques d’un
libertin athée et de son valet Sganarelle, que j’ai beaucoup aimé
étudier.
Y pour « Your » –
Ton dernier livre acheté
Romance d’Arnaud Catherine, que
j’ai d’ailleurs chroniqué ici !
Z pour « ZzZ » –
Le livre qui ta volé ton ZzZ (le dernier livre qui t’a tenue
éveillée bien trop tard la nuit).
La Tempête des échos de Christelle Dabos (encore lui), que j’ai
terminé à quatre heures du matin.
Dans
les années trente, aux États-Unis, il ne fait pas bon courir
après le rêve américain et le strass et les paillettes de
Hollywood. C’est ce que découvrent à leurs dépens Robert et
Gloria, deux personnes d’origine modeste espérant devenir
figurants pour de grands films. Afin de gagner un peu d’argent, ils
s’inscrivent ensemble à un marathon de danse pour espérer
empocher une récompense de mille dollars. Mais la compétition est
rude. Le principe de ce concours est très simple : il ne faut
jamais cesser d’être en mouvement pendant cinquante-cinq minutes.
Les participants ont droit à dix minutes de pause pendant lesquelles
ils peuvent manger, dormir et se soigner. La durée du jeu est
illimitée, et ne cesse véritablement que lorsqu’il ne reste plus
qu’un couple en lice. Si, pendant l’épreuve, Robert y voit
l’opportunité de se créer un réseau pour une carrière future,
Gloria se laisse peu à peu sombrer dans la mélancolie, la rancœur
et le mal de vivre, jusqu’à commettre l’irréparable…
J’avais
entendu parler de ce roman grâce à la merveilleuse vidéo de LemonJune, qui m’avait donnée très envie de le lire ! Bien que
courte, cette lecture laisse un souvenir mémorable.
Le
contexte dans lequel se déroule l’histoire est très particulier
et révoltant. Je n’avais jamais entendu parler de ces marathons de
danse, qui ont pourtant bel et bien existé. L’auteur décrit
combien la misère humaine est dressée en spectacle pour les plus
offrants. Les organisateurs privilégient le sensationnel, allant
jusqu’à mettre en scène de faux mariages ou à profiter des
crimes d’un des candidats pour faire la publicité de l’évènement.
Les danseurs sont tous des personnes démunies, ayant désespérément
besoin d’argent ou en situation de fragilité. Outre Gloria et
Robert, nous avons un aperçu des autres couples, parmi lesquels on
trouve notamment une femme enceinte et une jeune adolescente en
fuite.
La
narration laisse également une impression très particulière. Nous
suivons uniquement le point de vue de Robert. Nous entendons la voix
du personnage, son langage familier et parfois cru, mais dans le même
temps nous sommes frappés par la façon dont le jeune homme semble
détaché du récit qu’il raconte. Mis à part une rapide mention
des douleurs physiques, Robert ne s’attarde pas sur l’horreur de
sa situation. Il détaille les faits de façon clinique, il est
concentré sur lui-même, ses projets d’avenir, et sa volonté de
réussir. Cela ne rend pas pour autant le récit plat et dépourvu
d’action. Au contraire, nous ressentons une certaine angoisse
lorsque Robert décrit les courses mises en place par les
organisateurs pour éliminer plus vite les concourent et renforcer
l’aspect spectaculaire du marathon. Nous en venons à éprouver le
désir paradoxal que Robert et Gloria restent dans la course, car
cela semble être la dernière solution qu’il reste aux
personnages.
Ce
court roman se déroule presque à huis clos. Les danseurs semblent
coupés du monde, plus rien n’existe en dehors de la construction
sur pilotis où ils s'entassent jours et nuits. Le passé ou
l’avenir des protagonistes ne semblent plus véritablement compter.
Même si Robert aspire à devenir réalisateur, il vit au jour le
jour, profitant des repas chauds et sympathisant avec les différents
sponsors. Quant à Gloria, son désir de mort et son dégoût du
monde se renforcent à mesure que les jours passent, si bien qu’elle
ne se projette plus du tout dans un futur proche ou lointain.
Gloria
est un personnage à la fois fascinant, triste et mystérieux. Nous
n’avons que le point de vue de Robert, qui ne la comprend pas, si
bien qu’elle garde un voile secret. Cependant, le peu que nous en
livre l’auteur sur son passé suffit à nous laisser comprendre
qu’il s’agit d’une jeune femme blessée par la vie, abîmée
par les violences qu’elle a subi et profondément dégoûtée du
monde qui l’entoure et qui ne semble pas présenter un avenir
viable. Cela est particulièrement frappant dans son désir qu’elle
a de ne pas avoir d’enfants, pour ne pas qu’ils se transforment en adultes pauvres et esclaves de l'argent. Contrairement à
Robert, Gloria ne se laisse pas prendre au jeu de la compétition.
Elle pose un regard désabusé sur le monde des sponsors, sur le
public et les autres danseurs. C’est également un personnage très
moderne, mordant et qui a du répondant. Elle n’hésite pas à
défendre la liberté des femmes face à une morale austère, et qui
cache souvent plus de vices qu’il n’y paraît.
On
achève bien les chevaux est donc un roman poignant, dur et
sombre, où les personnages semblent condamnés, mais qui dans le
même temps pointe du doigt la cruauté et la bêtise humaine, ainsi
que son goût pour le spectacle et le morbide. Si vous avez le cœur
bien accroché, et si vous désirez en savoir plus sur ce fait
historique peu connu, ce roman est fait pour vous !
On achève bien les chevaux de Horace McCoy publié aux éditions Folio.
Mazzie,
sainte patronne des fauchés et des assoiffés
Jami Attenberg
Dans le
Manhattan de l'année 1918, nous suivons le personnage de Mazzie, une
femme solaire, charitable, intrépide et non-conventionnelle. Elle
est très appréciée par les habitants du quartier où elle vit, qui
la considèrent presque comme une mascotte. Elle tient la caisse du
cinéma le Venice. Derrière le comptoir qu’elle surnomme « la
cage », Mazzie fait des rencontres aussi étonnantes que
belles. Elle rentre véritablement dans la légende New-yorkaise
lorsque durant la Grande Dépression, elle met à profit son argent
et son temps pour aider les sans-abris de Manhattan.
Mais ce
roman, principalement sous la forme du journal intime de l’héroïne,
se concentre beaucoup sur l’ « envers du décors » de
ce personnage. En effet, la vie de Mazzie n’est pas rose. L’auteur
dépeint une héroïne qui rêve de liberté, mais qui dans le même
temps ne peut se résoudre à abandonner sa sœur, qu’elle aime profondément.
Elle fait souvent passer le bonheur des autres avant le sien. Mazzie
n’est pas une sainte immaculée, mais une femme aux prises avec
plusieurs démons, notamment celui de l’alcool. Elle est également
hantée par des blessures profondes et traumatisantes. Cependant, ce
livre n’est pas plombant pour autant, la joie de vivre de
l’héroïne, ainsi que sa volonté de fer, nous font dévorer ce
roman !
Comme
les habitués des bars clandestins, nous succombons rapidement au
charme de Mazzie ! J’étais triste de la quitter. J’ai
également ressenti de l’affection pour les autres personnages,
notamment la sœur Ti, avec qui Mazzie se lie d’amitié, et qui est
dévouée elle aussi à la cause des
plus pauvres, et qui apporte beaucoup de joie à la jeune femme. J'ai également apprécié Jeanie, la jeune sœur de Mazzie, une danseuse audacieuse, un véritable électron libre. Contrairement à son aînée,
elle parvient à s’émanciper du quartier où elle vit.
J’ai
aussi aimé le système des voix narratives mis en place par
l’auteur. Outre le journal de Mazzie, nous avons également des
interviews de voisins, d’éditeurs, et des extraits d’une
autobiographie posthume de la jeune femme. Cela nous permet d’avoir
plusieurs points de vue sur son histoire, et de nous rendre compte de
l'ampleur de sa célébrité.
Enfin,
la grande force de ce roman est qu’à travers le regard de Mazzie,
nous sommes totalement immergés dans ce New York de la Grande
Dépression. Nous ressentons l’animation du quartier.
Mazzie
Gordon telle qu’elle est dépeinte dans le roman est un personnage
de fiction, même si un article à propos d’une femme éponyme est
parue dans la presse dans les années 1930.
Je
conseille ce roman à tous ceux qui aiment les héroïnes atypiques
et touchantes et les romans historiques. Le charme de Mazzie est
irrésistible !
Mazzie, sainte patronne des fauchés et des assoiffés Jami Attenberg publié aux éditions Les Escales.
J'avais pour la première fois entendu parler de ce roman dans la vidéo de Lemon June:
Les
jeunes filles du monde entier voient leurs vies bouleversées lorsque, sans aucune
raison apparente, leur corps et leur visage se couvrent de poils drus. D’abord incrédules,
les autorités les surnomment les Obscures, tandis qu’elles
se définissent comme Félines. Les tensions montent entre les
gouvernements qui désirent les emprisonner et les écarter de la
société et les jeunes filles elles-mêmes qui souhaitent ne pas être
considérées comme des bêtes, mais comme des humaines. Car elles ne
sont pas victimes d’une maladie. Leur Mutation semble être le
fruit d’une modification inopinée de leur deuxième chromosome X,
devenu chromosome O. Autrement dit, elles sont l’avenir. Et elles
sont déjà là.
Ce
roman est une excellente lecture ! Le style rapide et fluide de
l’auteur m’a happée dans le récit. J’ai également aimé le
procédé consistant à présenter cette histoire fictive comme un
témoignage. A travers ce récit, Stéphane Servant aborde de façon
intéressante de nombreux sujets.
Tout d’abord, la Mutation des
Félines touche prioritairement des jeunes filles, souvent victimes
de violences. L’héroïne, Louise, a par exemple été victime d’un
viol, d’autres, comme Alice, subissent une pression de la part de
leurs parents. Comme le suggère un des personnages, Fatia, la
Mutation à laquelle sont sujettes les jeunes filles est comme une réaction
à toutes les oppressions subies à cause de la société, et de certains hommes.
L’auteur
aborde également la question de la propagande, et du fait que la
peur soit la meilleure arme pour mettre en place un régime
autoritaire. Ce schéma peut sembler être du déjà vu dans la
littérature ado, mais je trouve qu’ici la force de Stéphane
Servant est de faire se dérouler cette prise de pouvoir à notre
époque, et non pas dans un temps plus lointain. Cela donne un côté
plus palpable aux bouleversements décrits dans le livre, et rend
également davantage réaliste le fait que Félines est
censé être un témoignage.
Les particularités physiques des Félines et le rejet qu’elles
subissent peuvent aussi être liées au racisme, et le voile intégral
dont on veut les affubler peut aussi faire penser aux extrémistes
des différentes religions monothéistes.
Félines traite
aussi le sujet du traumatisme et de la reconstruction de soi,
notamment à travers le personnage principal, qui a des cicatrices
sur tout le corps, et vit sa transformation presque comme une
libération. Sa fourrure lui permet finalement de se libérer du
regard des autres sur son corps, et au lieu de se cacher, Louise se met
à nue et fait entendre sa voix, notamment en racontant son histoire
sous forme de témoignage.
Le roman de Stéphane Servant est donc à la fois féministe,
visionnaire et engagé. Il revient avec justesse sur des questions de
sociétés à travers cette idée de Mutation, et nous pousse à nous
interroger sur nos propres réactions face à l’inconnu, à ce qui
nous est étranger. Je le recommande à tous les adeptes de dystopies
ou de romans d’anticipations, mais aussi à ceux qui peuvent se
sentir lassés de ce genre. L’auteur apporte un vent de fraîcheur
en faisant de son histoire un récit intemporel, qui pourrait très
bien se dérouler en ce moment. Félines
nous invite à sortir
nos griffes et à lutter.
Félines
de
Stéphane Servant publié aux éditions du Rouergue.
Vince,
17 ans, ne rêve que d’une chose : vivre une grande histoire
d’amour. Mais difficile d’atteindre cet objectif lorsque l’on
est homosexuel et que le seul autre gay de notre lycée ne nous
attire pas spécialement. Alors Vince attend, il observe les garçons
dans le métro, et note dans un carnet une description de ceux qui
retiennent son attention, qu'il surnomme ses « garçons
volés ». Toute sa vie bascule lorsque ses sentiments envers
son meilleur ami d’enfance changent. Peut-être Vince va-t-il vivre
enfin sa première histoire d’amour...
Ce
roman d’Arnaud Cathrine est une claque, un uppercut d’émotions.
Dès les premières pages, avec son écriture tranchante, brutale et
crue, il parvient à nous faire nous attacher au personnage de Vince.
Comme lui, nous ressentons de la colère face à l’homophobie
ordinaire, aux insultes dont il est victime. Comme lui, nous
ressentons la solitude et le désir de rencontrer un être unique,
parfait, de faire l’amour, de vivre une grande histoire
bouleversante.
Arnaud
Cathrine parvient à rendre de façon crédible le langage des
adolescents, les pensées, les doutes et les envies qui peuplent
notre imaginaire. J’ai eu plaisir à voir se développer les
relations entre les protagonistes, la naissance de cette histoire
d’amour si particulière, les beaux moments que les deux jeunes
gens ont vécu ensembles.
En peu
de pages, l’auteur parvient également à nous montrer la brutalité
de la réalité, la difficulté d’assumer son homosexualité, la
violence que l’on peut subir, et la douleur du premier vrai chagrin
d’amour.
Arnaud
Cathrine aborde aussi une facette de notre sexualité souvent peu
évoquée : celui de la recherche, du fait que parfois on puisse
faire des expériences avec des filles ou des garçons, par
curiosité, sans véritable attirance. Sans porter de jugement, il
illustre bien la douleur que cela peut susciter lorsque le partenaire
au contraire s’attache à la personne, et souligne donc
l’importance du fait d’être au clair dans ses intentions, de ne
pas cacher ses véritables motivations, de ne pas jouer avec les
sentiments d’autrui.
Avec le
point de vue de Vince, nous comprenons également la douleur que peut
ressentir une personne lorsqu’elle se rend compte que l’autre ne
l’aime pas de la bonne manière. L’attachement et la dépendance
de Vince vis à vis de son ami est de plus en plus perceptible au fil des pages.
Avec
ses chapitres courts, Romance nous
happe et nous ne pouvons nous empêcher de lire. Cette histoire
d’amour se vit pleinement. Même si elle n’est pas toujours
belle, elle est à découvrir absolument !
Romance
d’Arnaud Cathrine aux éditions
R-jeunes adultes.
En ces temps d'épidémie, il est important de garder contact avec ses proches, via les appels téléphoniques, les SMS, les lettres. Je partage ici les dessins qu'une amie très chère m'a transmis par mail. Ceux-ci sont la démonstration de notre amitié aussi efficaces que tous les mots, rires et confidences que nous pouvons échanger.
Hermione Granger d'Harry Potter par Poohnie
Ophélie de La Passe-Miroir par Poohnie.
Les précédents dessins de Poohnie sur ce blog ici et là